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Doha récupéré par ses pairs du Golfe face à Téhéran


Le prince héritier d'Arabie Saoudite Mohammed ben Salmane (D) accueille l'émir du Qatar, Tamim bin Hamad al-Thani, lors du 41e sommet du Conseil de Coopération du Golfe à Al-Ula. (AP-photo fournie par la Cour royale saoudienne)
Le prince héritier d'Arabie Saoudite Mohammed ben Salmane (D) accueille l'émir du Qatar, Tamim bin Hamad al-Thani, lors du 41e sommet du Conseil de Coopération du Golfe à Al-Ula. (AP-photo fournie par la Cour royale saoudienne)

Le rétablissement des relations diplomatiques entre le Qatar et l'Arabie Saoudite - avec les autres pays qui ont tourné le dos à Doha depuis 2017 - permettra au Conseil de Coopération du Golfe un meilleur positionnement face à "l'hégémonie iranienne", selon le politologue Jean-François Seznec.

Lors de la signature mardi à Al-Ula, en Arabie Saoudite, d'un accord marquant la fin de l'isolement du Qatar, les six pays du CCG ont envoyé un message fort à l'Iran, scellant une entente en des termes forts de "solidarité et de stabilité".

C'est ce qu'a affirmé le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane dès l'ouverture du sommet destiné à atténuer une rupture avec le Qatar, après la décision de l'Arabie Saoudite de mettre fin à un embargo de 3 ans et demi sur la petite monarchie riche en énergie, qui divisait profondément les alliés régionaux des États-Unis.

Les dirigeants du groupe régional on signé la déclaration en présence de Jared Kushner, gendre et conseiller du président américain Donald Trump. La percée diplomatique a fait suite à une dernière poussée de l'administration Trump sortante et du Koweït pour régler le différend.

"C'est très important au point de vue stratégique (...) L'Iran est la clé de cet accord dans un sens", a déclaré à VOA Afrique, Jean-François Seznec, expert du Moyen-Orient, précisant que "le président Trump et surtout son conseiller voulaient absolument obtenir un accord."

"C'est un accord qui sera très favorable à long terme à Israël et donc à l'intérêt américain en Israël, et tous les pays du Golfe seront unis maintenant avec Israël contre l'Iran", estime le politologue.

Lundi soir, à la veille du sommet dans l'ancienne ville désertique d'Al-Ula, les Saoudiens ont annoncé qu'ils ouvriraient l'espace aérien et les frontières du royaume au Qatar, étape majeure vers la fin de la crise diplomatique.

Bien qu'aucun calendrier n'ait été donné, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a déclaré que les relations diplomatiques seraient entièrement rétablies avec le Qatar.

Les pays arabes du Golfe ont signé un accord de "solidarité et de stabilité"
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Les questions épineuses

L'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, Bahreïn et l'Egypte, qui avaient boycotté le Qatar en 2017, espéraient que leur embargo puisse faire pression pour que Doha mette fin à ses relations avec et l'Iran et la Turquie ainsi qu'à son soutien à des groupes islamistes comme les Frères musulmans.

"Ils vont accepter l'existence des Frères musulmans au Qatar, ce qui était en fait l'essence du problème à l'origine. L'Arabie Saoudite a laissé tomber cette exigence", indique M. Ceznec, estimant que "ce ne sera certainement pas entièrement comme avant, mais tôt ou tard, on va revenir au status quo ante."

"La grande question, c'est avec les Emirats Arabes Unis qui, eux, sont toujours contre les Frères musulmans d'une façon très importante", poursuit le chercheur du Middle East Institute, ajoutant que ce facteur déterminant vient se greffer à "un désaccord des Émirats Arabes Unis avec l'Arabie Saoudite sur la question du pétrole", car, dit-il, "l'Arabie Saoudite voudrait limiter la production de pétrole, depuis la réunion de l'Opep lundi", ce que ne souhaite pas Abu Dhabi.

Par ailleurs, Doha n'a pas répondu aux exigences des pays arabes, qui voient d'un mauvais oeil la base militaire turque au Qatar, de même que la ligne éditorial d'Al Jazeera.

Selon M. Seznec, la chaîne qatarie va "sans doute limiter un peu les critiques sur l'Arabie Saoudite et le reste du Golfe pour un certain temps", par pure "politesse", selon lui.

"Un accord anti-iranien"

Quant à savoir si l'accord d'Al-Ula pouvait modifier la donne sur l'échiquier militaire dans la région, notamment au Yémen, en Irak ou en Syrie, le professeur de Sciences-po rappelle que "les Emirats et l'Arabie avaient de très forts liens sur le Yémen" malgré "des intérêts divergents".

Selon lui, si la relation se détériore entre les deux pays, la coopération sur le Yémen sera forcément "moins solide." Mais, souligne-t-il, "il ne faut pas se faire d'illusions, l'accord est un accord anti-iranien, comme l'accord original, si on remonte à 30 ou 40 ans, c'était contre l'Iran. Donc les Emirats vont travailler quand même de très près avec les Etats-Unis, bien sûr, pour la défense, et l'Arabie Saoudite pour la défense contre l'Iran."

Ce nouveau développement n'est pas pour améliorer la posture de Téhéran, qui, poursuit M. Seznec, "jouait le Qatar contre les autres pays de façon très astucieuse au point de vue politique." Et de conclure que "le Qatar maintenant va être obligé de se ranger du côté saoudien et émirati, et effectivement ça diminue l'influence de l'Iran sur la région."

De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a félicité le Qatar "pour le succès de sa courageuse résistance à la pression et à l'extorsion". Dans un message adressé aux dirigeants arabes, il a, par ailleurs, déclaré que "l'Iran n'est ni un ennemi ni une menace".

Une annonce faite par Téhéran quelques heures après celle du prince saoudien Salmane déclarant que la région devait s'unir et faire face aux défis posés par les programmes nucléaires et balistiques de l'Iran.

Toutefois, Le boycott n’a pas réussi à changer la position de Doha. Il a au contaire rapproché le Qatar de la Turquie et de l'Iran, qui se sont précipités pour aider l'Etat ultra-riche du Golfe alors qu'il faisait face à des pénuries d'approvisionnement médical et alimentaire dans les premiers jours de l'embargo.

Bien que la décision saoudienne de mettre fin au blocus marque une étape importante vers la résolution du différend, la voie vers une réconciliation totale n'est pas gagnée d'avance avec tous les pays du Conseil de Coopération du Golfe, dont les questions idéologiques sont quelque peu discordantes en particulier entre Abu Dhabi et Doha.

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    Nathalie Barge

    Après une carrière dans la communication en France et en Angleterre, Nathalie Barge a pratiqué le photojournalisme dans plus de 40 pays dont 17 en Afrique, devenant reporter de guerre indépendante. Lors de ses visites en Sierra Leone pendant la guerre civile, elle a mêlé l'écriture à ses prises de vue, relatant des témoignages de victimes et dénonçant le trafic du diamant et l'utilisation des enfants soldats. Grace à sa détermination, Nathalie est entrée dans les mines de diamants de Tongo contrôlées par les rebelles du RUF, et lors de la crise des otages onusiens en mai 2000, elle s'est rendue à Freetown, qui se vidait de ses habitants à l'approche des rebelles. Nathalie Barge a rejoint la VOA en 2008.

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