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Dans le centre-nord du Nigeria, la ville de Mangu traumatisée par les violences


Pendant des années, la ville de Mangu a échappé aux violences intercommunautaires qui éclatent régulièrement dans l'Etat du Plateau.
Pendant des années, la ville de Mangu a échappé aux violences intercommunautaires qui éclatent régulièrement dans l'Etat du Plateau.

Dans le centre-nord du Nigeria, la petite ville agricole de Mangu où musulmans et chrétiens cohabitaient ensemble de longue date, a sombré à son tour dans des violences qui ont récemment fait plusieurs dizaines de morts.

Les murs jaunes calcinés de la grande mosquée centrale de Mangu devant laquelle le sol est jonché de gravats, tout comme l'église totalement incendiée de Cocin Kwhagas, à quelques kilomètres de là, montrent qu'aucune de ces deux communautés religieuses n’est plus épargnée.

Pendant des années, la ville de Mangu a échappé aux violences intercommunautaires qui éclatent régulièrement dans l'Etat du Plateau. Cet Etat, situé sur la ligne de démarcation entre le nord du Nigeria, majoritairement musulman, et le sud, majoritairement chrétien, est un foyer de violences intercommunautaires.

Issus de l'ethnie Mwaghavul, musulmans et chrétiens de Mangu, ont toujours cohabité ensemble. Mais fin janvier 2024, la ville a été ciblée par plusieurs attaques menées avec des armes à feu et des machettes. Des églises, des mosquées et des écoles ont été volontairement incendiées, ont indiqué des habitants et la Croix-Rouge locale.

Au moins 25 personnes y ont été tuées entre le 22 et 23 janvier, au même moment où une autre attaque dans un village voisin à prédominance chrétienne faisait 30 morts. Ces violences ont eu lieu quelques semaines après la série d'attaques menées pendant la période de Noël au cours desquelles près de 200 personnes ont été tuées dans les circonscriptions voisines de Bokkos et Barkin Ladi, toutes deux situées dans l'Etat du Plateau.

A Mangu, les autorités n’ont pas encore identifié les personnes impliquées dans les attaques, donnant ainsi libre cours aux rumeurs. Pour certains, la ville a été attaquée par des bandits, d’autres estimant en revanche qu'il s'agissait de violences intercommunautaires.

"Plus en sécurité"

Devant les ruines de sa maison familiale incendiée, un habitant de Mangu, Jabira Rabio, raconte qu'un groupe de personnes a attaqué son quartier à la périphérie de la ville et a tiré des coups de feu avant d'incendier des maisons. "Nous nous sommes enfuis uniquement avec les vêtements que nous avions sur le dos. Tous mes biens à l’intérieur de ma maison ont brûlé", déclare ce vendeur de bétail.

Les murs roses calcinés de sa maison sont entourés désormais de cendres. A l'intérieur, il ne reste plus que quelques assiettes brisées, des tenues de mariage carbonisées de son fils et un tapis brûlé. "Nous ne pouvons pas dire ce qui s'est passé. C'est arrivé si soudainement. Nous avons toujours coexisté pacifiquement", dit-il.

A quelques mètres de l'église de Cocin Kwhagas à Mangu, des dizaines de maisons appartenant à des chrétiens ont été incendiées, selon des habitants. "La plupart des chrétiens de mon quartier (Lahir) ont quitté les lieux pour s'installer ailleurs. Je me sens davantage en sécurité ici où il y a principalement des chrétiens", explique Gideon Timothy, 33 ans, producteur de musique.

"Nous avons prié, prié"

Selon un rapport de la Croix-Rouge consulté par l'AFP, plus de 8.000 personnes ont été déplacées en raison des violences à Mangu et à sa périphérie. Beaucoup d'entre elles ont trouvé refuge dans d’autres quartiers de la ville pour rester proches de leur famille.

Atika Bello, elle, a fui la maison où elle vivait depuis 25 ans quand des coups de feu ont éclaté avant de se cacher dans la maison de sa mère avec cinq de ses enfants. "Il y a eu des coups de feu et nous avons prié, prié et prié. Tout au long de la journée, il n'y avait aucune sécurité", confie-t-elle, ajoutant ne pouvoir se résoudre à "quitter Mangu".

Denis Mutkires, un chrétien blessé à la machette par des individus armés et qui a été ensuite hospitalisé pendant une semaine, explique être encore en vie grâce à l’un de ses voisins.

"Le voisin, un frère musulman, a ouvert sa porte. Ils m'ont caché dans leur maison", a-t-il déclaré. "J'ai réussi à m'échapper, sinon l'histoire aurait pu finir autrement", ajoute cet homme qui vit désormais chez l’un des ses proches, après avoir perdu sa maison et sa voiture qui ont également été incendiées.

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