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La victoire de "Moonlight" aux Oscars redonne espoir à un quartier de Miami


Barry Jenkins, le réalisateur de Moonlight le 4 février 2017.
Barry Jenkins, le réalisateur de Moonlight le 4 février 2017.

En remportant le plus prestigieux des Oscars, "Moonlight" a redonné espoir et fierté au quartier de Miami où se déroule le film, marqué par la pauvreté, la violence et la drogue.

"Beaucoup de gens pensent que notre communauté est mal famée, mais ce n'est pas vrai", affirme Natalie Joy Baldie, directrice artistique du Performing and Visual Arts Center au lycée Miami Northwestern Senior.

C'est dans cet établissement situé dans le quartier réputé dangereux de Liberty City que le réalisateur du film Barry Jenkins a étudié avant d'y recruter plusieurs élèves pour son film.

"Nous sommes solides, nous sommes intelligents, nous sommes talentueux, nous sommes doués et nous faisons que ce nous devons faire", estime Natalie Joy Baldie.

"Nous avons juste besoin que nos enfants voient l'aspect positif de Liberty City. Et de grandes choses naissent à Liberty City, comme vous l'avez vu hier soir", explique-t-elle à l'AFP.

Non seulement il s'agit du premier film réalisé à Miami à remporter l'Oscar du meilleur film, mais l'un de ses acteurs, Mahershala Ali, a remporté l'Oscar du meilleur second rôle, devenant le premier musulman à remporter une des très convoitées statuettes. "Moonlight" a aussi gagné l'Oscar de la meilleure adaptation

Il s'inspire d'une pièce de Tarell McCraney --intitulée "In Moonlight Black Boys Look Blue"--, qui a lui-même puisé dans sa propre vie d'homosexuel à Liberty City.

- '70 ans de traumatisme' -

Barry Jenkins a grandi dans le même HLM que Tarell McCraney, un immeuble construit en 1937 et qui est le plus ancien des Etats-Unis.

"C'était le premier HLM soumis à la ségrégation de tous les Etats-Unis", explique Moses Shumow, professeur assistant au département de communications à la Florida International University.

M. Shumow a déjà réalisé un documentaire sur ce quartier, montrant les souvenirs heureux des habitants qui s'étaient installés là en espérant une vie meilleure.

Son documentaire montrait aussi les difficultés rencontrées à Liberty City, de la ségrégation à l'épidémie de cocaïne, en passant par l'incapacité à rembourser son prêt immobilier et les émeutes raciales des années 80.

"Ce n'est pas une communauté qui a enduré une période de traumatisme mais plutôt 70 ans de traumatisme", relève M. Shumow.

Les historiens attribuent certaines difficultés du quartier à la construction de grandes autoroutes il y a plusieurs dizaines d'années, qui ont rompu la cohésion de la communauté noire qui y vit, et contribué à la montée de la pauvreté.

Suite à un regain de violence, avec sept meurtres et 43 fusillades pour la seule année 2015, le maire de Miami Carlos Gimenez a décidé de relancer un projet de réhabilitation nommé Liberty Square.

- Personnages vulnérables -

Le quartier devrait donc connaître beaucoup de changements. Mais "Moonlight", avec une distribution entièrement noire, se penche davantage sur son passé et a su dépeindre en profondeur la vie de personnages qui se battent contre les préjugés, l'addiction, le chagrin ou la pauvreté.

"Ca n'enjolive pas la réalité, mais ça va au-delà, soulevant des questions sur la sexualité et des questions sur la pauvreté et comment vous vous en échappez et ce que ça veut dire pour vous", explique le professeur assistant.

"Pour moi c'est tellement positif qu'une autre histoire peut émerger" de ce quartier. "Et c'est ça qui a gagné une reconnaissance mondiale", selon lui.

La récompense de "Moonlight" aux Oscars est d'autant plus importante pour la communauté noire que Hollywood a longtemps été accusé de la dédaigner dans ses récompenses.

Il montre des personnages à la fois profonds et faibles, comme le trafiquant de drogue cubain joué par Ali, qui incarne un père sensible à l'égard d'un fils harcelé mais aussi honteux quand son enfant se confronte à lui pour une vente de drogue à sa mère.

"Il y a de la tendresse et de la vulnérabilité dans les personnages que nous ne voyons pas à Hollywood et dans les grands studios de cinéma", estime Anthony Browne, président du département des études africaines et hispaniques au Hunter College à New York.

"Cela représente un grand pas en avant dans la manière dont les Noirs sont dépeints. Cette complexité montrée dans le film est assez remarquable", ajoute-t-il.

M. Browne pense que le film sera étudié pendant des années, et il espère qu'il inspirera d'autres récits. "Si on donne aux Noirs, comme aux autres groupes, l'occasion de faire et de raconter leurs histoires, cela enrichira" le cinéma.

Avec AFP

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