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Une pièce de théâtre pour lutter contre l'impunité en Centrafrique


Un habitant du PK5 en colère, manifeste près du siège de la Minusca à Bangui, le 11 avril 2018
Un habitant du PK5 en colère, manifeste près du siège de la Minusca à Bangui, le 11 avril 2018

"L'audience de la Cour pénale spéciale est ouverte !" déclame un homme en tenue de magistrat dans la capitale centrafricaine Bangui.

Face à lui, ni juges, ni accusés, mais une centaine de spectateurs amusés, venus assister à la première représentation d'une pièce de théâtre visant à sensibiliser les Centrafricains à la création et au fonctionnement de la Cour pénale spéciale (CPS).

Créée en 2015, la CPS entend juger les violations graves des droits de l'homme - crimes de génocides, crimes de guerre, crimes contre l'humanité - commises dans le pays depuis 2003.

"Oh ma fille, ma chérie, tu n'es plus avec moi, ils t'ont violée, ils t'ont ôté ta vie!" sanglote une des actrices, hurlant sa douleur, s'effondrant à terre, avant de se relever et de serrer les poings: "Je vais rendre ma propre justice, oeil pour oeil, dent pour dent !".

"Nous pourrions aussi faire appel à la CPS!", propose timidement une autre actrice, un dossier sous le bras.

Tantôt tristes, tantôt comiques, les scènes retracent, à travers des drames personnels, l'histoire tumultueuse des flambées de violences de la Centrafrique, aujourd'hui sous la domination de groupes armés qui en contrôlent la grande majorité du territoire.

A mesure que la pièce se déroule, la douleur, l'impuissance, le désir de vengeance des personnages s'effacent devant l'espoir d'obtenir justice et réparation, grâce à la CPS.

"La pièce s'efforce de développer et commenter le mandat de la Cour pénale spéciale et de spécifier la collaboration entre la CPS et les autres juridictions en charge de la lutte contre l'impunité", explique cette institution dans un communiqué.

"Il y a des choses qu'on ne savait pas (sur la CPS) et en suivant ce théâtre-là, on a appris beaucoup de choses", abonde Armande Wangue, venue assister à une représentation à l'Alliance Française de Bangui qui a fourni un appui technique décisif.

- Nous irons "partout" -

Son directeur, Olivier Colin, s'enthousiasme de ce projet: "Les comédiens vont jouer dans des villages, dans des villes où il n'y a pas d'espace scénique, donc ils vont être au coeur des habitations, sur des places publiques avec les populations".

La tournée, qui commence le 9 octobre, passera par la majorité des grandes villes du pays. "Nous allons aller partout !" s'exclame l'un des acteurs, Benjamin Wagba.

Ruisselant de sueur sous sa lourde robe de magistrat, il ajoute, à la fin de la représentation: "Le théâtre distrait et à la fin c'est l'éducation. C'est ce qu'on essaie de faire, avec le langage de chez nous que tous les Centrafricains comprennent bien ".

Cette pièce fait partie des quelque 80 activités de sensibilisation menées par la CPS et ses partenaires, à Bangui et en province, dont des interventions d'organisations de défense des droits de l'homme ou une bande dessinée éducative.

Le procureur spécial de la CPS, Toussaint Muntazini avait annoncé, fin juin, l'ouverture des premières enquêtes avant la fin de l'année.

Un calendrier qui semble bien optimiste à certains observateurs, tant les défis sont nombreux dans ce pays qui reste sous la coupe de groupes armés.

Le procureur lui-même avait évoqué les difficultés rencontrées: sécurité et protection des témoins, détention des suspects de la CPS qui nécessite des travaux de réhabilitation des prisons.

Il avait également cité "la précarité des ressources financières allouées" à la CPS, dont le financement actuel ne couvre qu'une année de frais de fonctionnement.

Avec AFP

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