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Le commerce d'or confié à la Banque centrale, une décision critiquée


Le président burundais Pierre Nkurunziza à Bujumbura au Burundi le 17 mai 2015.
Le président burundais Pierre Nkurunziza à Bujumbura au Burundi le 17 mai 2015.

La décision du gouvernement burundais de suspendre l'achat et la vente d'or par les comptoirs privés au profit de la Banque centrale a été qualifiée mercredi de "contreproductive" par l'Olucome, une des principales organisations luttant contre la corruption au Burundi.

Le ministre burundais de l'Hydraulique, de l'énergie et des mines, Côme Manirakiza, avait annoncé lundi la suspension immédiate "des activités d'achat et de vente de l'or par les comptoirs", laissant à la seule Banque de la République du Burundi (BRB) la responsabilité d'acheter "l'or produit par les coopératives et les sociétés minières".

Il avait justifié cette décision par la nécessité de "continuer à faire respecter les mesures du Conseil national de sécurité (CNS) pour la lutte contre la fraude liée au commerce de l'or", et avait demandé aux comptoirs de vendre à la BRB sans attendre leur stock d'or.

L'Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome) a dénoncé mercredi auprès de l'AFP cette mesure, contraire à ses yeux au "principe de libre concurrence".

"Elle est contreproductive car elle risque de pousser les comptoirs d'origine étrangère à plier bagages, et elle va favoriser encore plus la fraude et surtout la corruption qui est déjà érigée en mode de gouvernance", a déploré Gabriel Rufyiri, président de l'Olucome.

Avec cette décision, le gouvernement cherche à reconstituer les réserves d'or de la BRB pour stabiliser le cours du franc burundais, qui ne cesse de se déprécier par rapport au dollar, a estimé M. Rufyiri.

Le Burundi traverse une crise politique meurtrière depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat controversé. Il a été réélu en juillet de la même année.

Celle-ci se double d'une crise économique. Le Burundi est classé parmi les trois pays les plus pauvres au monde. Selon une estimation de la Banque mondiale, 75% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

"Bujumbura, qui manque cruellement de devises, espère qu'il va pouvoir centraliser tout l'argent qui circule dans le secteur. Mais c'est oublier qu'il existe un véritable problème de traçabilité sur l'or exporté par le Burundi", a ajouté M. Rufyiri.

Le Burundi est une plaque tournante du trafic d'or en provenance de la République démocratique du Congo (RDC), un rôle mis en évidence dans un rapport du groupe d'experts de l'ONU sur la RDC datant de 2016, a souligné le président de l'Olucome.

"C'est une décision catastrophique qui va entraîner une chute brutale des exportations burundaises d'or", a prédit pour l'AFP un ancien responsable de comptoir ayant requis l'anonymat.

"Nos fournisseurs congolais étaient payés depuis toujours en dollars", explique-t-il. "Ils n'accepterons jamais d'être payés en monnaie de singe et ils vont aller voir ailleurs, automatiquement."

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