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Burkina : le Conseil de sécurité agite la menace de sanctions


Les manifestants dans les rues de Ouagadougou, au Burkina Faso, le jeudi 17 septembre 2015.
Les manifestants dans les rues de Ouagadougou, au Burkina Faso, le jeudi 17 septembre 2015.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a "condamné le plus fermement possible" le coup d'Etat au Burkina Faso et a agité la menace de sanctions contre les putschistes s'ils ne rendent pas le pouvoir. Les Etats-Unis ont également menacé de réévaluer l'aide américaine à ce pays si une résolution pacifique de la crise n'était pas trouvée.

Le général Gilbert Diendéré, proche de l'ancien président Blaise Compaoré, a pris la tête des putschistes qui ont renversé jeudi les autorités de transition au Burkina Faso, promettant d'organiser "rapidement" des élections prévues à l'origine en octobre.

Ce coup d'Etat militaire intervient alors que ce pays de 17 millions d'habitants, enclavé au coeur du Sahel, se préparait à des scrutins présidentiel et législatifs le 11 octobre, censés clore la transition ouverte après la chute de Blaise Compaoré il y a moins d'un an.

Le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) devait se rendre vendredi au Burkina Faso, a-t-on appris de source officielle.

M. Sall avait déjà été l'émissaire de la Cédéao durant la crise qu'a traversé le pays après le renversement de Blaise Compaoré en octobre 2014.

A Ouagadougou, ville déserte, les militaires d'élite de l'armée avaient posté leurs véhicules blindés devant le palais présidentiel dans la nuit de jeudi à vendredi. Ils n'ont pas hésité jeudi à tirer pour disperser les manifestants hostiles au coup d'Etat.

Au moins trois personnes sont mortes et une soixantaine ont été blessées depuis mercredi, selon un bilan jeudi soir de source médicale au principal hôpital de Ouagadougou.

Les putschistes ont décrété un couvre-feu nocturne, ainsi que la fermeture des frontières terrestres et aériennes.

En octobre 2014, les Burkinabè étaient descendus dans la rue par centaines de milliers pour chasser du pouvoir Blaise Compaoré, après 27 ans à la tête du pays.

Moins d'un an plus tard, ils ont assisté impuissants à la proclamation, à la télévision nationale, d'un coup d'Etat perpétré par des soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), corps d'élite de l'armée et garde prétorienne de l'ancien président, qui retient depuis mercredi en otages le président intérimaire Michel Kafando, son Premier ministre et deux autres membres du gouvernement.

Le représentant spécial de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest Mohamed Ibn Chambas a rencontré jeudi le général Diendéré, selon des diplomates.

M. Chambas a transmis à son interlocuteur un "message ferme" de la part du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon "exigeant la libération immédiate de toutes les personnes détenues et la reprise rapide de la transition".

Le putsch a été unanimement condamné par la communauté internationale: l'ONU, l'Union africaine, l'Union européenne, la Cédéao.

Les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont "condamné le plus fermement possible" jeudi le coup d'Etat au Burkina Faso et ont agité la menace de sanctions contre les putschistes s'ils ne rendent pas le pouvoir.

Dans une déclaration unanime, ils ont réitéré leur demande d'une libération immédiate du président Michel Kafando et de son Premier ministre, détenus par les auteurs du putsch militaire.

Ils ont exigé que les putschistes "restaurent l'ordre constitutionnel et rendent le pouvoir aux autorités civiles de transition sans délai" et qu'ils respectent le calendrier de la transition, "notamment la tenue d'élections libres, équitables et crédibles", prévues pour le 11 octobre.

"Les auteurs de cette prise inconstitutionnelle du pouvoir par la force doivent rendre des comptes", affirment les 15 pays qui se disent "prêts à envisager des mesures supplémentaires si nécessaire", une allusion implicite à des sanctions.

Le Conseil "exhorte aussi tous les protagonistes au Burkina à s'abstenir de toute violence".

Il réaffirme son "ferme soutien" aux efforts de médiation du représentant de l'ONU en Afrique de l'Ouest Mohamed Ibn Chambas qui a rencontré jeudi le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré.

Le Conseil a tenu jeudi des consultations à huis clos et selon des diplomates, la France, soutenue notamment par le Tchad, a plaidé en faveur de sanctions si le pouvoir légal n'était pas rétabli.

Washington a aussi condamné jeudi "de la manière la plus forte" le coup d'Etat militaire au Burkina Faso et menacé de réévaluer l'aide américaine à ce pays si une résolution pacifique de la crise n'était pas trouvée.

"Nous appelons les responsables à relâcher immédiatement ceux qui sont détenus, à déposer les armes, à respecter les droits des civils (...) et à remettre le Burkina Faso dans la voie de l'élection présidentielle en octobre" a indiqué dans un communiqué Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama.

Le coup d'Etat, qualifié par Mme Rice de "recul démocratique", a été unanimement condamné par la communauté internationale: le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Union africaine, l'Union européenne et la Cédéao.

"Nous reverrons l'aide que nous apportons au Burkina Faso en fonction de l'évolution des événements", a ajouté Mme Rice, dénonçant "des actions menées par des personnes guidées par leur seul intérêt, qui menacent" le processus démocratique historique en cours au Burkina Faso.

Auparavant, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait demandé aux militaires burkinabés de "faire preuve de retenue et de respecter les droits de l'homme et la sécurité" de la population.

M. Ban, cité par son porte-parole, a réitéré sa "ferme condamnation du coup d'Etat" dans le pays et a estimé que "les responsables de ce coup d'Etat et de ses conséquences devaient rendre des comptes".

Le président français François Hollande a condamné le coup d'Etat tout en assurant que les militaires français sur place n'interviendraient pas. La France dispose de 220 soldats des forces spéciales françaises à Ouagadougou, dans le cadre de son opération antijihadistes Barkhane.

Une loi électorale source de 'frustrations'

Homme de l'ombre jusqu'à présent, le général Diendéré avait été impliqué dans le coup d'Etat qui porta au pouvoir son mentor en octobre 1987, au cours duquel avait été assassiné le capitaine Thomas Sankara, "père de la révolution" burkinabè.

Le nouvel homme fort du Burkina justifie notamment le coup d'Etat par la "loi électorale qui a créé beaucoup de frustrations parmi les potentiels candidats", en référence à un nouveau code électoral controversé interdisant aux partisans de l'ancien président de concourir au prochain scrutin.

Le général Diendéré a par ailleurs assuré que le président et les membres de l'exécutif encore détenus par ses troupes seraient "libérés", sans plus de précisions.

Soupçonné par de nombreux Burkinabè d'être téléguidé par Blaise Compaoré, il a affirmé que l'ex-président n'était pas derrière ce putsch et assuré ne pas avoir eu de contact avec lui, "ni avant cette opération, ni après".

On ignorait jeudi où se trouvait l'ex-président, qui réside habituellement en Côte d'Ivoire voisine depuis son exil forcé.

Dans la capitale, grand marché, magasins et administrations sont restés fermés jeudi, tout comme à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays (ouest), où de nombreux habitants sont descendus dans la rue. Des protestations ont eu lieu ailleurs en province.

Le RSP, qui compte 1.300 hommes, avait déjà à plusieurs reprises perturbé la transition et le coup d'Etat intervient deux jours après qu'une commission du régime de transition eut recommandé la dissolution de cette unité pour la fondre dans les effectifs du reste de l'armée, restée très discrète depuis mercredi.

Avec AFP

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