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Baloji à Kinshasa, cahier d'un retour au pays natal


Le chanteur belge Baloji d’origine congolaise sur la couverture de son deuxième album "137, avenue Kaniama" sorti le 23 mars 2018. (Twitter/Baloji)
Le chanteur belge Baloji d’origine congolaise sur la couverture de son deuxième album "137, avenue Kaniama" sorti le 23 mars 2018. (Twitter/Baloji)

Un crochet par Kinshasa pour un concert et le tournage d'un clip, entre des dates multiples en Europe: le chanteur belge Baloji est revenu quelques jours dans son Congo natal qui hante son univers musical.

Tout juste descendu d'avion, l'artiste longiligne de 39 ans "preste" avec une petite formation devant un parterre d'invités à l'élégance toute kinoise (costumes cintrés...).

Taille mannequin et gestes déliés, Baloji fait honneur à l'étiquette avec un ensemble en lin aux plis impeccables.

"Je viens souvent au Congo", explique le natif de Lubumbashi, au Katanga, à deux heures d'avion de Kin. "Revenir" conviendrait mieux. A trois ans, Baloji ("sorcier" en swahili) est balloté sur les routes de l'exil en Belgique.

L'enfant né hors-mariage est séparé de sa mère par son père, une blessure qui ne cicatrise pas au fil de ses albums, d'"Hôtel Impala" (2007) à "137, avenue Kaniama" (2018).

Ces deux adresses (réelles? imaginaires?) sont les lieux de retrouvailles difficiles avec cette mère usée par la vie et quasi-inconnue même si elle a "les mêmes yeux en amande" que sa petite-fille.

Comme la majorité des Congolais, la mère tire le diable par la queue: "on s'en fout de ton disque/on veut des choses qui se revendent/Une mère qui écrit à son fils/après 9.125 jours/c'est pas forcément un acte d'amour/mais un appel au secours".

A la résidence Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, Baloji a laissé sa place à un orchestre de rumba. "Quand j'étais gamin, je n'aimais pas la rumba. C'était pour les vieux. C'est comme l'opéra: si tu n'as pas les codes, tu ne comprends rien", lance le fils de la soul - "Otis Redding, Curtis Mayfield" -, du rap et de Manu Dibango.

L'autodidacte qui s'en veut d'avoir quitté l'école trop jeune - "un parfait abruti !", il en rit - a renoué avec la musique congolaise via les mélodies douces et les rythmes chaloupés de Tabu Ley Rochereau, un des pères du genre - et le père du rappeur français Youssoupha.

Le samedi, c'est concert à Kinshasa. Et nul n'est prophète dans son pays d'origine. Reconnu par la presse internationale, Baloji doit faire ses preuves devant la jeunesse kinoise venue surtout pour un festival de musique urbaine programmant des rappeurs du coin.

- "Bipolaire" -

A l'Institut français, la moyenne d'âge du public a pris dix bonnes années par rapport aux sets précédents - c'est-à-dire qu'elle est passée à 28-30 ans - et les "Mundele" (les Blancs) sont arrivés, en connaisseurs ou par curiosité.

"Ma musique est trop noire pour les Blancs, trop blanche pour les Noires", soupire sur scène l'artiste dans son titre-phare "Bipolaire" où il règle des comptes avec "Papa" Vincent Bolloré, son ancien patron chez Universal Music ("un alter-nombriliste").

Au fil des vestes, des chapeaux, des boas et des chemises trempées de sueur, l'artiste s'attache les faveurs du public qui ovationne son guitariste Dizzy Mandjeku. Une légende de la rumba congolaise qui relie l'ex-mauvais garçon de Liège à l'héritage de Papa Wemba.

En lançant une chanson sur la crise Gbagbo-Ouattara en Côte d'Ivoire en 2010, Baloji ose: "Cette chanson ne sera jamais datée, car dans beaucoup de pays africains, il n'y a pas de présidence, il y a des présidents, des hommes d'affaires. Et quand on est un homme d'affaires, on ne quitte jamais son business".

Il n'en dira pas plus sur la situation explosive en République démocratique du Congo. Son dernier album se referme sur un poignant "Tanganyika", région du sud-est victime d'un conflit parfaitement oublié entre Pygmées et Bantous. Invité d'honneur: le contre-ténor congolais Serge Kakudji, dont l'intensité des vocalises relève le flow parfois monotone.

Le jour d'après le concert, l'artiste court derrière la caméra pour le tournage d'un clip dans les rues animées de Kinshasa envahies par les taxis jaunes.

Cracheurs de feu, fétiches et fanfare sur "24" - un boulevard très fréquenté -, la mise en scène déborde d'énergie et d'inventivité, à l'image de son décor naturel et de son réalisateur.

L'artiste doit ensuite reprendre l'avion pour un concert à Dijon, avant d'autres dates en France, Belgique et Grande-Bretagne.

Jusqu'au prochain retour vers l'"Hôtel Impala" ou "137 avenue Kaniama", les adresses des fantômes de son enfance.

(En concert samedi à Lyon, dimanche à Bruxelles, lundi à Brighton, mardi à Londres)

Avec AFP

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