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Avec la guerre en Ukraine, les pauvres de Sierra Leone ont encore plus faim


Au marché de Lumley à Freetown le 9 avril 2022.
Au marché de Lumley à Freetown le 9 avril 2022.

Iyesatu Turay assure ne plus avoir de quoi nourrir sa famille dans cet immense bidonville de cabanes en tôle ondulée de Freetown, capitale de la Sierra Leone. La guerre en Ukraine rend la vie très difficile pour lui et plusieurs autres Sierra-Léonais.

La vie était déjà dure entre les voies jonchées de détritus du quartier miséreux de Kroo Bay, où divaguent cochons et chiens errants.

Mais la lointaine guerre en Ukraine l'a rendue encore plus difficile. La forte hausse des prix de produits aussi essentiels que le riz, l'huile de cuisson ou les carburants est ressentie plus durement quand on subsiste avec moins de 1,9 dollar par jour, comme le font 43% des Sierra-Léonais, selon la Banque mondiale.

"Il faut qu'on nous aide", implore Iyesatu Turay, 28 ans, mère de trois enfants et dont le mari a perdu son emploi pendant la pandémie de coronavirus.

"Avec un seul repas, tard le soir, c'est à peine si on survit", explique-t-elle. "On n'a pas de nourriture, pas d'eau, pas d'électricité", se lamente Iyesatu Turay à qui les pénuries chroniques d'eau et d'électricité rendent le quotidien encore plus pénible.

Malgré ses richesses naturelles en diamants, la Sierra Leone est un des pays les plus pauvres au monde, et un des dix derniers à l'indice de développement humain des Nations unies, qui agglomère des données économiques à d'autres comme l'espérance de vie ou le niveau d'éducation.

L'ancienne colonie britannique et ses 7,5 millions d'habitants se remettaient encore d'une guerre civile brutale de 1991 à 2002 et de l'épidémie d'Ebola de 2014-2016 en Afrique de l'Ouest quand ils ont été frappés par la pandémie de Covid-19.

La crainte d'un nouveau coup porté par la crise ukrainienne aux pays les plus pauvres est devenue une réalité ici.

Chaîne d'approvisionnement: pourquoi les prix ne cessent de grimper
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Montée en flèche

Musa Sesay, épicier de Freetown, souligne que tous ses fournisseurs ont augmenté leurs tarifs. "Ce n'est pas nous qui sommes responsables de la hausse des prix, c'est un problème mondial", comprend-il.

Un sac de riz de 50 kilos qui coûtait l'équivalent d'environ 27 euros se vend à présent 32 euros, une hausse de 20%.

Les prix des combustibles sont montés en flèche. L'Agence de régulation des produits pétroliers (PRA) a relevé fin mars les plafonds de l'essence et du gazole de 34% et 40% respectivement par rapport à janvier.

La PRA a invoqué des difficultés d'approvisionnement liées à la "détérioration de la situation géopolitique en Europe".

Encore le gouvernement dit-il être intervenu pour amortir le choc et faire en sorte que le surcoût sur les importations ne soit pas entièrement répercuté à la pompe.

Les chauffeurs de taxis ou de camions se sont mis en grève et ont bloqué récemment plusieurs rues de la capitale. Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogènes contre des manifestants qui protestaient contre le renchérissement de la vie.

La banque centrale a chiffré début avril à 17,6% l'inflation du mois de février.

Elu en 2018, le président Julius Maada Bio aura du mal à tenir la promesse faite pendant sa campagne de s'attaquer au problème de la pauvreté et de la faim.

"Pas notre affaire"

"La guerre en Ukraine n'est pas notre affaire, mais nos compatriotes souffrent", déclarait-il en avril au côté de représentants des affaires. Il a fait voeu d'agir pour aider "les gens ordinaires".

Avant cette nouvelle crise, la Sierra Leone se battait pour assurer la fourniture d'électricité et d'eau potable et contrôler l'inflation.

Le gouvernement a signé en 2020 un accord de cinq ans avec Karpowership pour que la compagnie turque mette en fonction au large des côtes une de ses centrales électriques flottantes.

Pourtant, les coupures de courant restent monnaie courante. Un haut responsable du ministère de l'Energie explique sous le couvert de l'anonymat que des travaux de maintenance, des soucis de paiement et des déprédations contre les infrastructures affectent l'approvisionnement.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies prévenait le 14 avril que l'Afrique de l'Ouest faisait face à une "crise alimentaire et nutritionnelle sans précédent", à cause des conflits, du changement climatique et du Covid-19.

"Le nombre de personnes souffrant de la faim aiguë dans la région a quadruplé en trois ans, atteignant cette année, son niveau le plus élevé depuis 10 ans", s'alarmait-il.

Avec l'augmentation des prix mondiaux des denrées et des carburants, le PAM disait avoir besoin "de toute urgence" de 951 millions de dollars supplémentaires au cours des six prochains mois.

"Nos salaires ne suffisent pas à payer la nourriture, les vêtements et les factures de la maison", se lamente Ibrahim Sesay, un enseignant de Freetown. "Nous sommes pauvres, et nous avons faim".

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