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Aux portes de Tripoli, une bataille "vitale" pour les camps rivaux


Le général anti-islamiste libyen Khalifa Haftar lors de la cérémonie de son investiture en tant que nouveau chef de l'armée nationale libyenne, Tobrouk, 15 mars 2015.
Le général anti-islamiste libyen Khalifa Haftar lors de la cérémonie de son investiture en tant que nouveau chef de l'armée nationale libyenne, Tobrouk, 15 mars 2015.

Après deux mois d'offensive sur la capitale, les troupes du maréchal Khalifa Haftar sont bloquées aux portes de Tripoli et les positions sont figées. Mais l'issue de cette bataille est "vitale" pour les camps rivaux, prévient l'experte de la Libye Claudia Gazzini.

Le camp du maréchal Haftar comme celui du gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli refusent de négocier un cessez-le-feu, parce qu'ils "considèrent tous deux cette guerre comme une lutte existentielle", dit cette analyste de l'International Crisis group (ICG), dans une interview à l'AFP à Tripoli.

En deux mois, les combats ont fait plus de 600 morts et 3.200 blessés, selon un dernier bilan lundi de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Q : deux mois après le début de la guerre, pensez-vous que l'un des deux camps est capable de l'emporter militairement ?

R : "Lorsque les forces de Haftar ont lancé leur offensive sur Tripoli, elles tablaient sur une progression rapide dans la capitale et un important soutien international. Elles ne s'attendaient pas à ce que (...) des puissants groupes militaires de Zentan et Misrata se dressent sur leur chemin. Plus tard, d'autres combattants de l'ouest de la Libye se sont également mobilisés pour empêcher les forces de Haftar de s'emparer de la capitale".

"Les deux camps semblent désormais à égalité en nombre (d'hommes) et dotés d'un arsenal militaire comparable. Les combats se sont enlisés autour de la banlieue sud de la capitale et aucune des deux parties n'a réussi à faire une percée. A ce stade, il est hautement improbable que l'un ou l'autre camp l'emporte. Évidemment, cela pourrait changer si une partie reçoit une aide militaire substantielle ou si elle est capable de déployer des combattants mieux entraînés".

Q : quelles seront les conséquences de cette impasse si elle dure encore longtemps ?

R : "Normalement, une impasse militaire doit conduire à des négociations de cessez-le-feu. Cependant, dans le cas de la bataille de Tripoli, ni les forces dirigées par Haftar ni le GNA n'ont accepté de s'engager dans des pourparlers, en grande partie parce qu'ils considèrent tous deux cette guerre comme vitale".

"Pour Haftar, le fait qu'il n'arrive pas à s'emparer de la capitale serait assimilable pour lui à une défaite militaire qui pourrait ternir son image dans l'est de la Libye, où est basée son Armée nationale libyenne (ANL). Cela freinerait également son projet politique d'unifier la Libye sous son contrôle".

"Du côté du GNA, autoriser les forces alliées à Haftar à rester dans la banlieue de Tripoli implique une reconnaissance de la conquête de facto par l'ANL d'une grande partie de l'ouest de la Libye (...), ce qui mettrait en péril la survie du gouvernement et de ses alliés militaires".

"Le rejet par les deux camps d'un cessez-le-feu est également dû au fait que les deux se voient victorieux et sont sûrs de continuer de recevoir de l'appui de leurs soutiens étrangers respectifs qui sont : les Emirats arabes unis, l'Egypte et l'Arabie saoudite du côté de Haftar, et la Turquie et le Qatar du côté du GNA".

"Au lieu d'une cessation des hostilités, nous risquons de voir dans un avenir proche une escalade avec un soutien étranger accru. Une guerre par procuration".

Q : pensez-vous que la communauté internationale divisée sur la Libye peut encore contribuer à trouver une solution ?

R : "Les efforts internationaux en vue de faire pression sur Haftar pour qu'il mette fin à son siège sur Tripoli ont échoué jusqu'à présent. Plutôt que de condamner Haftar pour avoir tenté de renverser de force le gouvernement soutenu par l'ONU, la Maison blanche a mis tout son poids pour le soutenir à la mi-avril. Cela a provoqué un effet domino, paralysant le Conseil de sécurité de l'ONU, incapable d'adopter une résolution appelant à un cessez-le-feu".

"Les capitales européennes se sont abstenues également de dénoncer explicitement l'offensive de Haftar ou de réclamer le retrait de ses forces de l'ouest de la Libye, après une demande faite par le GNA".

"En pleine paralysie diplomatique, la guerre à Tripoli et aux alentours risque de se prolonger. Une première étape pour inverser cette dynamique d'escalade exige que les deux parties et leurs commanditaires extérieurs reconnaissent qu'aucun des deux camps ne peut dominer militairement et qu'ils cessent de verser de l'huile sur le feu".

"Cela pourrait créer les conditions pour les convaincre de conclure un cessez-le-feu immédiat, impliquant un retrait partiel des forces de Haftar des lignes de front de Tripoli, et donner à l'ONU la possibilité de reprendre les pourparlers".

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