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Au Lesotho, le principal employeur reste... l'Afrique du Sud


Deux habitants du Lesotho portent des costumes traditionnels lors de la cérémonie d'ouverture de la première phase du projet "Highlands water project", le 16 mars 2004.
Deux habitants du Lesotho portent des costumes traditionnels lors de la cérémonie d'ouverture de la première phase du projet "Highlands water project", le 16 mars 2004.

Dans sa petite maison, Tisetso Litheko étale devant lui ses six passeports, tous noircis de visas d'entrée en Afrique du Sud. A 31 ans, il est un des 400.000 citoyens du Lesotho qui n'ont d'autre choix pour vivre que de travailler chez leur voisin.

"J'ai n'ai pas pu faire autrement que déménager en Afrique du Sud. Ici au Lesotho, j'avais vraiment très peu de chances de m'en sortir", confie cet ancien berger, rentré brièvement au pays en juin pour voter aux législatives.

L'immigration de travail entre le petit royaume niché dans les montagnes et le géant économique qui l'encercle n'est pas une nouveauté. Le phénomène a débuté avec la ruée vers l'or dans ce qui était alors une colonie britannique.

Dès les années 1880, le Lesotho est devenu l'un des principaux pourvoyeurs de main d'oeuvre pour les compagnies minières qui ont poussé autour de Johannesburg.

Tisetso Litheko raconte que son grand-père puis son père ont passé le plus clair de leur existence au fond des galeries, premiers de la longue liste des "expatriés" économiques de la famille.

"Au Lesotho, il n'y a pas de travail et pas d'argent", regrette-t-il, "alors de nombreuses personnes sont contraintes de sacrifier leur vie de famille pour aller travailler en Afrique du Sud".

Comme des générations d'hommes de sa famille, le garçon de ferme a quitté jeune son village d'Ha Abia, à l'âge de 22 ans.

Il a commencé à passer illégalement la frontière pour occuper des emplois de saisonniers dans les fermes de Ladybrand, une petite ville sud-africaine. "Avant d'obtenir un passeport, je traversais les montagnes avant le lever du soleil pour éviter d'être pris et je rentrais à la nuit tombée".

Transferts

Désormais, Tisetso Litheko travaille par plages de vingt-quatre heures comme gardien dans une mine d'or du district de Carltonville, au sud-ouest de Johannesburg.

Difficilement, il met de côté l'essentiel de son salaire hebdomadaire de 550 rands (36 euros), qu'il envoie à la fin de chaque mois au Lesotho pour sa femme et ses trois enfants.

Même modeste, sa contribution est vitale, dans un pays dont 56% des 2 millions d'habitants vivent dans une extrême pauvreté. Selon la Banque mondiale, le taux officiel de chômage y atteint entre 24 et 28% de la population active.

Sur la route de l'Afrique du Sud, le passage de la frontière n'est pas la moindre des difficultés.

Les services d'immigration sud-africains sont réputés pour exiger des pots-de-vin et faire sciemment durer les procédures d'entrée sur leur territoire. "Obtenir un permis sud-africain est plus difficile que de décrocher un travail", soupire Tisetso Litheko.

Même si deux des postes-frontières sont désormais ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les files d'attente y sont interminables, car aux travailleurs s'ajoutent les écoliers et tous ceux qui viennent faire leurs courses.

Obstacles

Au Lesotho, l'administration est le principal employeur après le textile. Cette industrie a été dopée par la loi américaine sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique (Agoa), votée en 2000, qui dispense le Lesotho de toute taxe pour vendre ses produits aux Etats-Unis.

Mais, même s'il a généré des emplois bienvenus, le secteur n'a pas réussi à faire significativement reculer le chômage.

L'essentiel de l'activité y est restée informelle, ainsi qu'en témoignent les rangées de petites boutiques de tissus qui envahissent le coeur de la capitale Maseru.

Et comme la devise locale, le loti, est indexée sur le rand sud-africain au taux immuable de un pour un, les citoyens du Lesotho qui travaillent de l'autre côté de la frontière ne bénéficient pas d'un effet de change favorable.

"Tout compte fait, je ne suis pas différent de quelqu'un qui travaille au Lesotho car je ne gagne rien sur les taux de conversion", se plaint Tisetso Litheko.

Selon le Centre africain pour les migrations et la société, le volume d'argent transféré depuis l'Afrique du Sud contribue pour 30% au produit national brut du Lesotho.

"La part de l'immigration de travail (du Lesotho) dans les mines a reculé et nous observons une augmentation de l'immigration féminine, pour l'essentielle employée comme domestique", indique la chercheuse Zaheera Jinnah.

Et malgré tous les obstacles, rien ne semble devoir tarir le flot des travailleurs du Lesotho vers l'Afrique du Sud.

Pour y faire face, les autorités de Pretoria ont lancé en février 2016 de nouvelles procédures pour accorder des permis de travail de trois ans aux citoyens du Lesotho. A l'expiration du programme le 31 décembre, elles avaient reçu plus de 127.000 demandes.

Avec AFP

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