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Après 30 ans au pouvoir, un 6e mandat quasi-assuré pour le Tchadien Déby


Maréchal Idriss Deby Itno, président de la république du Tchad, le 3 décembre 2020.
Maréchal Idriss Deby Itno, président de la république du Tchad, le 3 décembre 2020.

Le maréchal-président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans au Tchad, brigue dimanche un 6e mandat qui ne devrait pas lui échapper face à six candidats et après avoir écarté, parfois violemment, les rares ténors d'une opposition très divisée qui pouvaient lui faire de l'ombre.

Il suffit, pour s'en convaincre, de parcourir les rues de N'Djamena, où la grande majorité des habitants semblent se désintéresser d'un scrutin "joué d'avance" et tentent péniblement de joindre les deux bouts, entre deux coupures d'électricité et d'eau parfois plusieurs jours d'affilée: la capitale est littéralement recouverte d'affiches à la gloire de "IDI", son parti et sa multitude de mouvements satellites, rivalisant par la taille extravagante de leurs panneaux.

En revanche, il faut rouler de longues minutes pour apercevoir quelques affichettes de ses rivaux.

Depuis plusieurs mois, le régime interdit systématiquement les "marches pacifiques pour l'alternance" que tentent d'organiser chaque samedi les partis d'opposition les plus virulents. Et la redoutable police anti-émeutes, le GMIP, disperse manu militari chaque début de rassemblement, lesquels n'attirent pas plus que quelques dizaines de convaincus ou téméraires.

Human Rights Watch (HRW) a accusé jeudi les forces de sécurité de mener "une répression implacable". Et début mars, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait regretté "le recours à la violence" contre l'opposition.

Mais rien n'y fait, le maréchal Déby fait campagne principalement sur la "paix et la sécurité" dont il dit être l'artisan, dans son pays mais aussi dans une région tourmentée: le Tchad, enclavé entre la Libye, le Soudan, la Centrafrique entre autres, est un contributeur de poids à la guerre contre les jihadistes dans le Sahel, en projetant des troupes aguerries jusqu'au Mali et parfois au Nigeria.

Candidatures invalidées

Dans la capitale du troisième pays le moins développé du monde selon l'Indice de Développement Humain (IDH) de l'ONU, pourtant exportateur de pétrole depuis 2003, de nombreux enfants mendient dans des rues en grande partie en terre battue et défoncées. Mais, ni l'approche du scrutin ni les 43 degrés qu'affiche le mercure ne semblent troubler le ballet des innombrables moto-taxis et des chariots de marchands ambulants sur les grands axes littéralement recouverts d'un sable très fin.

Au petit marché du quartier défavorisé de Gassi, dans le brouhaha des engins qui broient le maïs pour en tirer la farine servant à confectionner la boule, le plat national, la plupart des gens ne savent même pas qui sont les autres candidats. Ou pensent, à l'unisson de l'opposition dure, qu'il s'agit de simples "faire-valoir" inoffensifs et tolérés par le pouvoir, voire manipulés par lui.

Il y a deux mois encore, 15 partis d'opposition regroupés dans une Alliance victoire propulsaient un "candidat unique" face à M. Déby, avant de voler en éclat. Ce sont finalement 16 prétendants qui se sont avancés pour défier le maréchal.

La Cour suprême a invalidé sept candidatures. Puis trois candidats, dont le rival "historique" Saleh Kebzabo, se sont retirés pour protester contre les violences et appellent au boycott du scrutin, mais la Cour a maintenu leurs noms sur les bulletins de vote qui affichent donc 10 candidats.

Six seulement défieront donc le président: Félix Nialbé Romadoumngar, Albert Pahimi Padacké, Théophile Yombombe Madjitoloum, Baltazar Aladoum Djarma, Brice Mbaïmon Guedmbaye et, première femme candidate de l'histoire du Tchad, Lydie Beassemda.

Certain de gagner

"Je n'en connais aucun à part Pahimi et Déby. Si ça doit être Déby, alors OK s'il a la volonté de reconstruire le pays, mais si c'est le même, alors ça ne vaut pas la peine d'aller voter", lâche Abdel, 34 ans, dans sa petite échoppe de pièces détachées de moto au marché de Gassi.

"Je ne les connais pas, mais je ne pourrais pas voter Déby et tous les autres candidats sont dans son camp", renchérit une jeune infirmière de Gassi.

M. Déby "a su rouler tout le monde dans la farine, il a embarqué ces gens avec lui dans ses égarements et dans la gestion de la vie politique, c'est lui qui tire leurs ficelles", résume le politologue Evariste Ngarlem Tolde, de l'université de N’Djamena.

"Qui les empêche de se présenter? Personne", rétorque Jean-Bernard Padaré, porte-parole du puissant Mouvement Patriotique du Salut (MPS) de M. Déby, fustigeant ceux qui se sont retirés comme Kebzabo et appellent au boycott. "Le jeu est ouvert mais ils sont les chefs de partis sans militants", assène-t-il.

"Sans les candidats historiques, et avec les moyens considérables mobilisés par Déby, il est certain qu'il va gagner", résume Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques à l'université Paris-Nanterre.

"La seule chose qui compte aux yeux de Déby, c'est de l'emporter dès le premier tour avec une participation importante, pour qu'on ne lui objecte pas qu'il a été mal élu", résume un diplomate sous couvert de l'anonymat.

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