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A Sao Tome, le paludisme ne tue plus


"Campagne de désinsectisation", annonce une grande affiche en bord de route illustrée d'un homme brandissant une lance à insecticide, masque blanc sur le visage et bouteille de produit chimique sur le dos. Comme deux fois par an depuis 2003, Sao Tome et Principe est en pleine campagne de "pulvérisation".

Dans ces deux îlots du Golfe de Guinée, au large du Gabon, on ne meurt plus du paludisme, pourtant endémique il y a encore vingt ans.

Une exception en Afrique centrale, où la prévalence de la maladie potentiellement mortelle propagée par des moustiques femelles infectées est parmi les plus fortes du monde.

En 2015, le paludisme a tué 400.000 personnes dans le monde, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avec 212 millions de cas pour la même année.

"Notre dernier mort a été enregistré en 2016. C'était un Portugais qui avait négligé les mesures de prévention et de traitement contre la maladie", affirme Hamilton Nascimento, coordinateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) à Sao Tome.

En 2005, la maladie avait fait plus de 5.000 morts et touchait 50.000 personnes à Sao Tome et Principe, toujours selon l'OMS. Avec son climat équatorial et humide, Sao Tome est propice à la prolifération de moustiques vecteurs du paludisme.

- 'Une priorité' -

Depuis 2014, les cas de décès sont nuls, à l'exception de la dernière victime portugaise. L'île de Sao Tome est en phase de pré-élimination. A Principe, l'île voisine, le paludisme a déjà été officiellement "éradiqué". Objectif du gouvernement: faire disparaitre la maladie dans tout le pays d'ici 2025.

Depuis les années 1980, peu après l'indépendance de la colonie portugaise en 1975, la lutte contre le palu est devenue "une priorité", explique M. Nascimento.

Sao Tome et Principe, deux îles d'une superficie totale de 1.000 km2, bénéficie de sa position insulaire et de sa population peu nombreuse, moins de 200.000 habitants.

"Nous avons trois stratégies", détaille-t-il: "la pulvérisation dans les maisons, la distribution de moustiquaires imprégnées et la lutte contre les larves grâce à un insecticide biologique que l'on propage dans les eaux stagnantes".

En plus, les Santoméens bénéficient de médicaments antipaludéens gratuits et de campagnes de test dans tout le pays. Dès qu'un palu est détecté, "l'hôpital suit le patient pendant 28 jours", ajoute M. Nascimento. "Les malades sont pris en charge dans tous les centres de santé et des médicaments sont accessibles partout dans le pays".

La lassitude commence cependant à gagner. "Le nombre de personnes qui ouvrent leurs portes aux pulvérisateurs a diminué". Des refus qui peuvent, à terme, "mettre en péril tous les efforts du gouvernement", selon la ministre de la Santé, Maria Jesus Trovoada.

Il n'existe aujourd'hui aucun vaccin contre la maladie. Et du fait des nombreuses mutations de celle-ci, la lutte contre le paludisme doit être continue.

- Sous perfusion -

Malgré une volonté affichée de se passer de l'aide internationale, Sao Tome reste à environ 90% dépendant de celle-ci, et le paludisme ne fait pas exception.

A la fin des années 1980, puis en 2012-2013, la maladie y faisait à nouveau des ravages suite à des manques de financement et à des résistances aux insecticides, explique M. Hamilton.

"Il nous faut souvent - environ tous les dix ans - changer d'insecticide car les moustiques développent des résistances", détaille-t-il.

Même si le gouvernement a récemment augmenté son aide, le "Fonds mondial de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme", une fondation partenaire de l'OMS, finance la majeure partie de la lutte contre la maladie dans le pays.

Mais cette subvention du Fonds mondial pourrait diminuer de plus de 50%, s'est alarmée l'OMS dans un récent rapport. Alors que le pays "aura besoin de plus ou moins 5 millions de dollars entre 2018 et 2021 afin de poursuivre ses bons résultats".

"Si les efforts actuels sont réduits du fait de cette baisse (des financements), il y a un risque élevé de recrudescence de la maladie", assure à l'AFP Rebekka Ott, représentante du Fonds mondial à Sao Tome.

L'organisation s'inquiète aussi des conséquences de la fin des relations diplomatiques fin 2016 de Sao Tome avec Taïwan, pour se rapprocher de la Chine. Taïwan finançait la lutte à plus de 30%.

La Chine, dont le drapeau est déjà placardé sur le Centre national des endémies (CNE), devrait prendre le relais mais avec des "aides techniques" plus que des aides financières.

L'OMS avait annoncé en avril 2016 que 21 pays dont 6 en Afrique (Algérie, Swaziland, Botswana, Afrique du Sud, Cap Vert, Comores), pourraient avoir éradiqué le paludisme en 2020.

Avec AFP

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