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A Nagasaki, les rescapés du feu nucléaire à l'unisson avec le pape


Le pape François rencontre l'episcopat japonais à Tokyo, le 23 novembre 2019.
Le pape François rencontre l'episcopat japonais à Tokyo, le 23 novembre 2019.

Pour ceux qui ont connu "l'enfer sur terre" qu'a été la bombe atomique à Nagasaki, le message résolument antinucléaire du pape François dimanche dans leur ville martyre aura une résonance toute particulière.

"Nous ne devons pas utiliser les armes nucléaires. Je ne pense même pas que la dissuasion nucléaire fonctionne", déclare Kenji Hayashida, 81 ans, rencontré par l'AFP après avoir répété avec d'autres paroissiens de son église catholique de Nagasaki des hymnes pour la messe papale prévue dimanche.

Il avait sept ans quand l'aviation américaine a largué une bombe A sur sa ville le 9 août 1945, trois jours après celle de Hiroshima.

Sa mère et deux frères sont morts ce jour-là, et lui-même a été sévèrement brûlé au visage, aux bras et aux jambes.

"J'ai senti que quelque chose n'allait pas avec ma tête et je l'ai touchée. Puis j'ai vu plein de sang sur ma main", se souvient-il.

Il a mis plus de six mois à pouvoir marcher à nouveau, et pendant longtemps il n'a plus osé sortir de chez lui, craignant le regard des gens sur ses blessures.

La bombe atomique a fait au moins 74.000 morts à Nagasaki, et environ 140.000 à Hiroshima.

- "L'enfer sur terre" -

Ces deux attaques sont toujours commémorées chaque année au Japon, mais les survivants vieillissants redoutent que les gens oublient les dangers des armes nucléaires.

"Nous ne devons pas répéter l'atrocité des bombes nucléaires", insiste Minoru Moriuchi, un autre catholique de 82 ans qui est aussi un survivant de Nagasaki.

"Le pape ne se mêle jamais de politique mais j'espère que les gens qui écouteront son message réfléchiront sérieusement au problème nucléaire", ajoute-t-il.

Pour lui aussi, la vie après le bombardement a été un calvaire: "L'enfer sur terre", dit-il.

"La sœur de mon père a couru jusqu'à notre maison avec ses deux enfants, et je n'oublierai jamais cette image - leur corps étaient d'un noir rougeâtre, complètement brûlés", raconte-t-il.

"Quatre autres membres de la famille ont été amenés ... Mais ils ne ressemblaient plus à des humains".

Nombre de survivants ont le sentiment que la conscience du danger de l'arme nucléaire, très présente dans les esprits pendant la Guerre froide et les années qui ont suivi, s'est érodée.

- Le souvenir s'éteint -

Les Etats-Unis et la Russie, après six mois d'un dialogue de sourds, ont pris acte en août de l'abolition du Traité INF, accord emblématique de la fin de la Guerre froide qui concerne les missiles d'une portée de 500 à 5.500 km.

La Corée du Nord, qui a procédé à des essais nucléaires, continue par ailleurs de tirer régulièrement des missiles de courte portée à proximité du Japon.

"Le monde est dans une situation critique", estime Masako Wada, une survivante de l'attaque de Nagasaki, âgée de de 76 ans. "Dans le Japon d'aujourd'hui, peu savent ce qu'est l'abolition de l'arme nucléaire. Les gens ne s'identifient pas à ce sujet".

Elle craint que l'histoire ne soit oubliée avec la disparition des "hibakusha", les survivants irradiés.

"Les survivants sont en moyenne octogénaires. Je suis horrifiée lorsque je m'imagine un monde sans ces survivants racontant leur histoire", dit-elle.

Pour M. Hayashida, la visite du pape a un sens particulier du fait de la foi catholique qui l'a accompagné, au travers de ses moments de désespoir après a bombe.

"Ma vie a été prolongée par la providence de Dieu. Il m'a été donné de vivre (...) pour garder la foi", affirme-t-il.

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