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A l'écart des bombes, un havre de paix: le restaurant flottant de Mogadiscio


Ancré sur les eaux turquoises de l'océan Indien, le bateau-restaurant danse au rythme du clapotis des vagues. Ahmed Yusuf s'attaque à une assiette de fruits de mer. Difficile pour lui de croire qu'il est à Mogadiscio, la capitale de la Somalie.

A quelques encablures, des badauds se promènent sur la plage du Lido, d'autres piquent une tête dans les eaux peu profondes, à bonne distance des requins qui infestent cette partie de l'océan, tandis que des enfants courent après un ballon de football.

Malgré les nombreux attentats perpétrés depuis des années par les islamistes radicaux shebab, affiliés à Al-Qaïda, une amélioration relative de la situation sécuritaire permet à la plage du Lido, haut lieu de fête jusqu'au début de la guerre civile en 1991, de revivre peu à peu.

En janvier, Abdulkadir Mohamed Ibrahim, un entrepreneur somalien de 48 ans rentré au pays après avoir vécu en Italie, l'ancienne puissance coloniale, a construit et aménagé un bateau à deux étages où les clients peuvent profiter de l'air marin, des fruits de mer... et d'une impression de normalité.

"Parfois, j'ai l'impression de ne pas être à Mogadiscio. Il y a le bruit des vagues et je regarde ce bel océan en me délectant de produits de la mer sur le bateau", raconte à l'AFP Ahmed Yusuf, un client régulier. "J'espère qu'il y aura plus de business comme celui-là dans le futur".

Le propriétaire de "La Lanterna" avait précédemment essayé, sans succès, de lancer plusieurs projets à Mogadiscio, dont une agence de voyage.

"Quand nous avons vu que des pays développés ont des bateaux-restaurants pour les touristes, nous avons eu l'idée d'un restaurant où les gens pourraient passer du bon temps, et maintenant nous avons un restaurant flottant à Mogadiscio", se réjouit M. Ibrahim.

Faute de place, la cuisine n'a pas pu être installée sur le bateau. Les clients passent leur commande deux jours à l'avance, pour que leur nourriture puisse être préparée à terre puis amenée sur le bateau.

L'océan peut parfois se montrer capricieux, mais les clients agrippent alors avec plaisir leur assiette, selon M. Ibrahim. D'autres jours, quand les eaux sont calmes, le bateau cabote au large de Mogadiscio.

"J'ai construit ce bateau avec des amis, il a une capacité de 40 personnes en ce moment, mais j'ai prévu d'augmenter sa capacité à 50 personnes", dit-il. "La mer est sombre la nuit, et il n'y a pas d'autre bateau que le nôtre sur la plage du Lido, c'est pour cela que je l'ai appelé +La Lanterne+ en italien".

- 'Besoin de distractions' -

Plusieurs restaurants sont apparus le long de la plage du Lido depuis que les shebab ont été chassés en 2011 de la capitale, défigurée par les combats.

Avec l'amélioration de la sécurité, qui reste précaire, certains membres de la diaspora qui avaient quitté le pays tombé dans le chaos après la chute de l'autocrate Siad Barré en 1991 sont rentrés en Somalie. La plage du Lido, un des rares espaces publics de la ville, est redevenue populaire.

Une popularité qui en a fait une cible de choix pour les shebab: en 2013 et 2016, des restaurants du front de mer ont été attaqués par des kamikazes et des hommes armés membres du groupe islamiste radical.

"La sécurité des clients est la plus grande préoccupation", souligne M. Ibrahim. "Nous essayons de nous assurer que les gens sont fouillés convenablement avant qu'ils n'embarquent".

"Nous avons commencé ce business et j'espère que d'autres suivront. Les gens ont besoin de distractions après des journées de travail et de stress", dit-il. "Chaque jour, nous avons plus de réservations. Notre but est également d'attirer des investisseurs et des touristes."

Fadumo Ahmed Mohamud, une Somalienne résidant au Royaume-uni, est pour la première fois à bord de La Lanterna.

"Cet endroit est très beau, et le pays connaît une amélioration relative. Aujourd'hui, nous avons pris notre déjeuner à bord de ce grand bateau sur notre bel océan. C'est une expérience magnifique que je n'aurais jamais imaginée possible en ce moment, à cet endroit", assure-t-elle.

Ahmed Yusuf, travailleur humanitaire, passe la plupart de ses weekends à la plage du Lido et vient souvent dîner à "La Lanterna". "Le stress s'en va dès que vous êtes à bord. Je n'ai pas peur des explosions et des attentats-suicides parce qu'on s'écarte de la ville et on profite de l'océan".

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