RDC

La grogne sociale, "baptême de feu" pour Tshisekedi

Le président congolais Félix Tshisekedi, le 5 février 2019. (TwitterPrésidence RDC)

Télévision, assurance, transports, pompiers... La République démocratique du Congo vit au rythme d'une série de grèves depuis l'élection présidentielle.

C'est le signe, selon des observateurs, des profondes attentes des Congolais envers leur nouveau chef de l'Etat, issu d'un parti d'opposition revendiquant le "progrès social".

"Grogne sociale: baptême de feu pour Félix Tshisekedi" anticipait dès jeudi dernier le quotidien le Potentiel. Le journal perçoit dans ces grèves multiples un "baromètre" pour évaluer les capacités du nouveau président "à gérer la RDC".

Les grèves concernent les salariés des entreprises publiques, soit une minorité de la population active dans le plus grand pays d'Afrique sub-saharienne, où la vaste majorité des 80 millions d'habitants travaillent dans les petits métiers du secteur informel.

Les salariés du secteur étatique réclament le paiement d'arriérés de salaires (parfois plusieurs années). Ils exigent aussi le départ de leur direction nommée par l'ancien président de la République Joseph Kabila, au lendemain de la première alternance pacifique à la tête du pays.

Trois jours après sa prise de fonction le 25 janvier, la toute première mesure de M. Tshisekedi avait un caractère social: désamorcer la grève des travailleurs de la Société de transport du Congo (Transco), dont les bus assurent le transport en commun à Kinshasa, mégalopole aux 10 millions d'habitants.

M. Tshisekedi a ordonné au Trésor public de payer les agents "en procédure d'urgence". Le gouvernement de son côté a suspendu le directeur général de Transco pour "mauvaise gestion".

Les Congolais prendraient-ils au mot leur nouveau président, issu du parti historique d'opposition "Union pour la démocratie et le progrès social" (UDPS)?

"Mauvaise gestion et clientélisme"

Dans la capitale Kinshasa, les pompiers ont débrayé lundi, réclamant 38 mois de salaires impayés, et manifestant leur colère envers le gouverneur André Kimbuta. "Nous demandons au nouveau gouvernement de s'impliquer en notre faveur. Qu'il presse Kimbuta pour qu'il nous paie avant la fin de son mandat (en mars)", déclare un pompier cité par la presse congolaise.

A la télévision d'Etat, RTNC, des dizaines d'agents sans contrat de travail, appelés "collaborateurs", ont manifesté lundi devant la résidence provisoire de M. Tshisekedi, revendiquant leur "réintégration" au sein de ce médias d'Etat.

Certains cumulent cinq ans ou plus de "prestation", a expliqué à l'AFP l'un des manifestants, Christian Kabeya. Les syndicalistes exigent quant à eux le limogeage du directeur général Ernest Kabila, pour "mauvaise gestion et clientélisme", selon un cadre contacté par l'AFP.

Au port de Matadi (ouest), l'un des rares débouchés maritimes du géant d'Afrique, l'activité est paralysée par la grève de la Société commerciale de transport et des ports (SCTP) depuis six jours, a constaté un correspondant de l'AFP dans la ville.

Les grévistes réclament "quatre mois de salaires non versés et le limogeage du directeur général soupçonné par les agents d'avoir détourné 30 millions de dollars", a déclaré Maxime Nzinga, président de l'Association des douaniers de la RDC. Une accusation que le DG Mukoko Samba a nié sur la radio Top Congo.

A Boma dans la même région, les travailleurs de la Congolaise des voies maritimes (CVM) sont aussi en grève et demandent le paiement de vingt mois d'arriérés de salaires, selon des témoins interrogés par l'AFP.

Défis à relever

Des mouvements sociaux pour le paiement des arriérés de salaires secouent également la société commerciale des postes et télécommunication (SCPT) et la Société nationale d'assurance (Sonas, publique).

"Vents de Grève en #RDC : Je me demande quelle institution a payé ses agents durant ces cinq dernières années", s'interroge un internaute en visant directement l'ancien président Kabila, avant d'interpeller son successeur: "Tu as des défis à relever! ("oza na ngambu" en lingala)".

En aura-t-il les moyens? Le nouveau président Tshisekedi doit partager le pouvoir avec les proches du président Kabila, restés très largement majoritaires au Parlement à l'issue des élections du 30 décembre.

Sa légitimité est contestée par l'autre candidat de l'opposition Martin Fayulu, qui revendique la victoire avec 61% des voix et s'estime victime d'un "putsch électoral".

"Je sais qu'il y a eu quelques imperfections, quelques irrégularités lors de ces élections, mais dans l'ensemble nous pouvons émettre un satisfecit parce que tout simplement (...) cette alternance s'est faite de manière pacifique", a commenté le président Tshisekedi mardi lors de son premier voyage à l'étranger en Angola.

Géant d'Afrique centrale, la RDC est riche en minerais mais le revenu moyen par habitant plafonne à 457 dollars par an, soit 1,25 dollar par jour (chiffre de la Banque mondiale pour 2017).