Soldats ivoiriens détenus à Bamako : la négociation privilégiée

Dans un discours samedi, le président Ouattara a assuré que "la Côte d'Ivoire n'abandonnera jamais" les soldats ivoiriens détenus au Mali.

La négociation reste privilégiée pour obtenir la libération de 49 soldats ivoiriens détenus depuis un mois à Bamako et accusés par les militaires au pouvoir au Mali d’être des "mercenaires", ce que nie Abidjan qui assure qu'ils étaient en mission pour l'ONU.

Cette affaire illustre les tensions entre le Mali et la Côte d’Ivoire, accusée par Bamako d’avoir incité ses partenaires ouest-africains à durcir les sanctions contre les militaires maliens auteurs de deux coups d’Etat depuis 2020, sanctions finalement levées début juillet.

Une médiation du Togo n'a pour l'instant pas abouti, mais les discussions se poursuivent en vue d'une libération la plus rapide possible des soldats prisonniers. Le 10 juillet, 49 soldats ivoiriens en tenue militaire, mais non armés, débarquent à Bamako d'un avion de la compagnie nationale Air Côte d'Ivoire, un autre appareil transportant leurs armes.

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Militaires ivoiriens détenus au Mali: les autorités ivoiriennes rassurent les familles

Ils sont aussitôt interpellés et interrogés sur les raisons de leur présence au Mali, n'ayant "ni ordre de mission, ni autorisation" pour y être, selon les autorités maliennes. Dès le lendemain, ils sont accusés d'être des "mercenaires" venus au Mali avec le "dessein funeste" de "briser la dynamique de la refondation et de la sécurisation du Mali, ainsi que du retour à l'ordre constitutionnel".

Le Conseil national de sécurité ivoirien (CNS), présidé par le chef de l'Etat Alassane Ouattara, exige aussitôt leur libération "sans délai", affirmant qu'ils ont été "injustement" arrêtés. Leur présence dans le cadre d'opérations de soutien logistique à la Mission de l'ONU au Mali (Minusma) est "bien connue des autorités maliennes", selon le CNS.

"Dysfonctionnements"

L'ONU confirme, mais reconnaît cependant des "dysfonctionnements", quant à la mission exacte des ces soldats qui font partie des Éléments nationaux de soutien (NSE), procédure de l'ONU permettant aux contingents des missions de maintien de la paix de faire appel à des prestataires extérieurs pour des appuis logistiques.

La Minusma "note que les éléments ivoiriens ont été déployés à Sénou (Bamako) pour assurer la sécurité à la base des NSE allemands dans cette même localité, au lieu de Tombouctou (nord) où est basé le contingent ivoirien de la Minusma" et admet que "certaines mesures n'ont pas été suivies".

Dans la foulée de l'arrestation des soldats ivoiriens, le Mali durcit le ton contre la Minusma, présente sur son territoire depuis 2013 pour l'aider à lutter contre les groupes jihadistes qui le déstabilisent par la violence.

Les rotations des contingents militaires et policiers de l'ONU sont supendues, son porte-parole, Olivier Salgado, expulsé, et ordre est donné aux "forces étrangères" de quitter une base de l'aéroport de Bamako. Dans le même temps, la junte malienne appelle à une médiation du Togo en vue de parvenir à "un dénouement heureux" – la libération des soldats ivoiriens – initiative acceptée par le gouvernement ivoirien.

De premières négociations ont eu lieu le 28 juillet à Lomé, sans résultat. Le Mali a exigé que la Côte d'Ivoire reconnaisse sa responsabilité et exprime "des regrets" pour le déploiement de soldats sur son territoire sans cadre légal, selon des sources diplomatiques proches des négociations.

Bamako demande également à Abidjan de lui livrer des personnalités maliennes présentes en Côte d'Ivoire et recherchées par la justice du Mali, selon ces sources. Autant de conditions rejetées par le gouvernement ivoirien.

"Pays frères"

Mais "nous poursuivons les discussions avec les deux pays frères, résolument tournés vers un règlement pacifique de l'affaire", selon une source togolaise proche du dossier.

Le président du Haut conseil islamique du Mali, Chérif Madani Haïdara, et l'archevêque de Bamako, Jean Zerbo, sont aussi intervenus auprès de la junte en vue d'un règlement à l'amiable, ainsi que l'influent chef religieux de Nioro (sud-ouest du Mali), Chérif Bouyé Haïdara, selon leurs entourages.

Preuve de la volonté apparente du Mali de privilégier pour le moment une solution négociée, la procédure judiciaire enclenchée à Bamako contre les soldats ivoiriens n'a à ce jour débouché sur aucune inculpation.

"La Côte d'Ivoire a privilégié le dialogue" pour obtenir la libération de ses soldats et "les discussions sont en cours", a confirmé le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly. "Tout est mis en oeuvre pour que nos soldats rejoignent leurs familles", a-t-il affirmé, reconnaissant que "ce sera peut-être long".

Lors de sa dernière réunion jeudi, le CNS ivoirien a déploré que les autorités maliennes "continuent de détenir ces soldats, de façon arbitraire, en dépit de toutes les explications et preuves fournies par les autorités ivoiriennes, pour attester du caractère légal et régulier de leur mission". Il note cependant "qu’après plusieurs refus des autorités maliennes, le chargé d’affaires et l’attaché militaire de l’ambassade de Côte d’Ivoire au Mali ont finalement pu rencontrer les 49 soldats" qui "ont le moral au beau fixe".

Ce message rassurant a été transmis aux familles des soldats par le ministre ivoirien de la Défense Téné Birahima Ouattara, lors d'une rencontre le 3 août. Dans un discours samedi, le président Ouattara a assuré que "la Côte d'Ivoire ne les abandonnera jamais".