Les Camerounais regardent le Zimbabwe avec intérêt

Un groupe de vendeurs au marché central à Yaoundé discutent sur la question de la longévité au pouvoir des présidents africains, Cameroun, le 22 novembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

Au Cameroun, l'opinion publique s'est appropriée le sujet de la démission de Robert Mugabe à la tête du Zimbabwe après 37 ans de règne, et pour cause: le président du Cameroun compte 35 ans au pouvoir, soit deux années de moins que l'ancien président du Zimbabwe.

Dans les rues de Yaoundé mercredi matin, dans les colonnes de journaux, les programmes de radio et surtout sur les réseaux sociaux, la transposition du cas Mugabe au Cameroun est évidente.

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Reportage d'Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé pour VOA Afrique


Après la démission de Robert Mugabe, certains Camerounais entrevoient un probable scénario pour leur président.

Serges Aimé Bikoi, sociologue en développement, à Yaoundé, le 22 novembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

"On ne devrait pas en être surpris", pense le sociologue en développement, Serges Aimé Bikoi, enseignant à l'Institut Siantou Supérieur à Yaoundé.

Selon lui, "dans l'imagerie populaire au Cameroun, le cycle du Zimbabwe pourrait générer au Cameroun".

Il ajoute que "lorsque quelqu'un a déjà fait 30 à 35 ans au pouvoir, il y a des signes de lassitude qui sont davantage constatés au sein de la population. En plus, le peuple est aujourd'hui enseigné sur ce qui se passe ailleurs".

"On comprend pourquoi la démission de Mugabe peut également être théâtraliser au Cameroun", conclut-il.

Le Cameroun est-il si proche du Zimbabwe ? Paul Biya devrait-il lui aussi démissionner comme Mugabe ? Tout le monde ne partage pas cet avis. "A chaque nation, son histoire", estime Jean Baptiste, un jeune militant du parti au pouvoir.

Il renchérit que "le Cameroun n'est pas le Zimbabwe, Paul Biya n'est pas Robert Mugabe, Chantal Biya n'est pas Grace Mugabe, enfin au Cameroun, l'armée ne fait pas de la politique comme au Zimbabwe".

Le président Paul Biya "est notre champion, soutenu à la base", lance-t-il avec fierté.

Mais sur les chaînes de radio urbaines à Yaoundé, la démission de Mugabe déchaîne plus de passions et les auditeurs tirent à boulet rouge sur la longévité au pouvoir des chefs d'Etats africains.

"Nous avons, à la tête de nos États, des petits despotes qui organisent des pseudo-élections pour se cramponner au pouvoir. Dans un pays où l'on vous dit qu'un président a été élu 4, 5, 6 fois, c'est tout sauf une élection", a déclaré un auditeur sur les antennes de Magic FM, dans le programme "Magic Altitude".

À l'entrée du marché central de Yaoundé, VOA Afrique a pu constater un regroupement de vendeurs qui discutaient du départ de Mugabe après 37 ans de règne.

Interrogé par VOA Afrique, l'un d'eux prénommé Ange soutient que "les mandats présidentiels devraient être de 5 ans renouvelables une seule fois dans les pays africains pour éviter que les leaders s'éternisent au pouvoir".

Un autre vendeur ayant requis l'anonymat invite les autres doyens africains au poste de président à emboîter le pas à Robert Mugabe en quittant le pouvoir. "Je ne cite pas les contemporains", se défend-t-il.

Au cours d’une conférence de presse en juillet 2015 au Palais de l'Unité à Yaoundé, lors de la visite de François Hollande au Cameroun, Paul Biya semblait narguer ses détracteurs sur sa longévité au pouvoir.

"Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut", avait-il répondu à un journaliste français, qui souhaitait savoir s'il céderait sa place à quelqu'un d'autre en 2018.

Le 6 novembre 2017, cela faisait 35 ans que Paul Biya accédait au pouvoir. Et personne ne sait, si à 86 ans, il se présentera ou pas à la prochaine élection présidentielle prévue en octobre 2018.

Fait anecdotique, les militants de son parti, le RDPC, dans le département de la Lékié, région du Centre, ont promis de contribuer à hauteur de 50 millions de francs CFA pour soutenir la prochaine candidature de Paul Biya à l'élection présidentielle.

Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé