Alpha Condé à la tête de l'Union africaine

Le président Guinéen Alpha Condé participe à l'ouverture du sommet sur l'Afrique et le changement climatique à Marrakech, Maroc, le 16 novembre 2016.

Les dirigeants africains, réunis à Addis Abeba pour un sommet à l'agenda chargé, doivent examiner la demande de réintégration du Maroc, source de profondes divisions tout comme l'élection prévue d'un nouvel exécutif de l'Union africaine (UA).

Le président de la Guinée, Alpha Condé, a pris le commandement de l'Union africaine, ce lundi, reprenant les reines derrière le président tchadien Idriss Déby.

Ce 28e sommet de l'UA pourrait s'avérer déterminant pour l'avenir de l'organisation et pour sa cohésion. Traversé par des lignes de fracture sur le dossier marocain, sur la Cour pénale internationale (CPI) ou tiraillé par les traditionnelles rivalités entre blocs régionaux, le continent aborde le rendez-vous en ordre dispersé.

Le tout dans un environnement international remodelé avec l'accession de Donald Trump à la Maison Blanche, et dans une moindre mesure la récente prise de fonctions du nouveau secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui prononcera un discours lundi à l'ouverture du sommet.

Dimanche à Addis Abeba, M. Guterres a salué la générosité de l'Ethiopie qui, confrontée à la pire sécheresse de ces 50 dernières années, a continué à accueillir des réfugiés des pays voisins en crise.

C'est "un exemple qui, je dirais, devrait faire réfléchir dans un monde où malheureusement tant de frontières se ferment", a-t-il déclaré, dans une allusion à peine voilée au décret anti-immigration controversé du président Donald Trump interdisant l'entrée aux Etats-Unis de ressortissants de sept pays majoritairement musulmans, dont trois pays africains.

Questions fondamentales

Au delà de cette prise de contact entre M. Guterres et l'Union africaine, c'est la demande de réintégration du Maroc au sein de l'UA qui devrait dominer les débats lundi.

Le royaume chérifien avait quitté l'UA en 1984 pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie démocratique proclamée par le Front Polisario au Sahara occidental, un territoire que Rabat considère comme sien.

Mais le Maroc a annoncé en juillet sa volonté de réintégrer l'organisation et le roi Mohammed VI, présent à Addis Abeba, a multiplié ces derniers mois les visites officielles pour rallier les soutiens.

D'autre part, le retour du Maroc pourrait être une aubaine pour l'UA, qui ambitionne de devenir financièrement indépendante mais a perdu en la personne du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi un généreux bienfaiteur. L'UA est actuellement financée à 70% par des donateurs étrangers.

Le dossier marocain demeure toutefois clivant et, si un diplomate marocain affirmait dimanche que son pays pouvait compter sur le "soutien inconditionnel" de 42 Etats membres (sur 54), les opposants au retour du Maroc n'en restent pas moins actifs et ont notamment engagé une bataille juridique.

Ainsi, 12 pays dont plusieurs poids-lourds du continent comme le Nigeria, l'Algérie, l'Afrique du Sud, le Kenya ou l'Angola ont sollicité un avis formel auprès de l'organe juridique de l'UA pour savoir si l'organisation pouvait accepter un pays "qui occupe une partie du territoire d'un Etat membre", à savoir le Sahara occidental.

Dans sa réponse de 10 pages, dont l'AFP a obtenu une copie, le conseil juridique de l'UA conclut que les interrogations des 12 pays "soulèvent des questions fondamentales" mais que la décision finale revient aux chefs d'Etat.

La bataille de l'exécutif

Autre dossier potentiellement épineux: les chefs d'Etat doivent élire la nouvelle Commission, l'exécutif de l'UA. Reportée lors du dernier sommet en juillet, l'élection du successeur de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission opposera cinq candidats.

Mais au terme d'intenses tractations diplomatiques et d'un débat inédit réunissant les cinq prétendants, trois d'entre eux se détachent: la ministre kényane des Affaires étrangères Amina Mohamed, l'ancien Premier ministre tchadien Moussa Faki Mahamat et un diplomate sénégalais, Abdoulaye Bathily.

L'hostilité de certains pays africains vis-à-vis de la CPI pourrait également susciter de nouveaux débats animés. Le Burundi, l'Afrique du Sud et la Gambie ont décidé en 2016 de quitter la Cour, l'accusant de ne viser que des pays africains mais d'autres pays comme le Sénégal ou le Botswana soutiennent ouvertement la CPI.

Par ailleurs, le sommet se penchera sur les crises du continent: impasse diplomatique au Soudan du Sud, théâtre d'une recrudescence de violences ethniques, chaos en Libye, exactions des groupes djihadistes au Mali, en Somalie et au Nigeria et tensions politiques en République démocratique du Congo.

Les chefs d'Etat africains devront également se prononcer sur les pistes de réforme du fonctionnement et du financement de l'UA, proposées par le président rwandais Paul Kagame.