Joao Lourenço, un nouveau président sous influence en Angola

Joao Lourenco montre l'encre sur ses doigts après son vote à Luanda, Angola, le 23 août 2017.

Pas très charismatique mais d'une loyauté absolue, en bref le dauphin idéal. A 63 ans, le général à la retraite Joao Lourenço va incarner le nouveau visage du pouvoir en Angola, personnalisé pendant trente-huit ans par Jose Eduardo dos Santos.

Ancien ministre de la Défense, il va s'installer mardi dans le siège de président de la République, grâce à large victoire obtenue par son parti, le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) au pouvoir, aux élections générales d'août.

"Joao Lourenço fait partie du premier cercle du pouvoir", résume Didier Péclard, chercheur à l'université de Genève, "c'est un fidèle du parti (...), l'homme du consensus".

Même s'il a déjà occupé de nombreuses fonctions officielles, ce n'est que ces derniers mois que les Angolais ont véritablement découvert cet homme discret, peu à l'aise sur les estrades.

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Depuis les années 1970, tout le parcours de Joao Manuel Gonçalves Lourenço témoigne de sa loyauté sans faille au parti et de son appétit de pouvoir.

"Cela fait longtemps que je me prépare à cette fonction et que l'on m'y prépare", a-t-il confié en février à l'annonce de sa candidature.

Né le 5 mars 1954 à Lobito (ouest), M. Lourenço a grandi dans une famille très engagée politiquement. Son père, infirmier, a purgé trois ans de prison pour activité politique illégale.

Nourri au marxisme-léninisme, il a étudié l'histoire dans l'ex-Union soviétique, qui a formé pendant la Guerre froide les jeunes figures montantes de la décolonisation en Afrique.

Ascension

Joao Lourenço rejoint la lutte pour la libération de l'Angola en 1974, après la chute de la dictature au Portugal, et prend part aux combats qui conduiront un an plus tard à l'indépendance.

En 1984, il devient gouverneur de la province de Moxico (est) et entame son ascension dans l'organigramme du parti. D'abord chef de la direction politique de son ancienne branche armée, puis président de son groupe parlementaire et ensuite vice-président de l'Assemblée nationale.

Mais ce n'est qu'en 2014 que le général Lourenço sort véritablement de l'ombre, lorsqu'il accède au poste de ministre de la Défense. Puis la nomination de l'apparatchik à la vice-présidence du MPLA en août dernier le fait entrer dans le cercle étroit des dauphins possibles.

Dès les années 90, il avait laissé entrevoir ses prétentions lorsque M. dos Santos avait suggéré qu'il se retirerait.

"Il a annoncé un peu trop tôt ses ambitions pour lui succéder, ce qui lui avait coûté sa place de secrétaire général à l'époque", se souvient Didier Péclard, "il n'est revenu qu'après quelques années de purgatoire".

L'ancien officier semble avoir profité cette fois d'un concours de circonstances favorables.

Soupçonné un temps de vouloir imposer un membre de sa famille ou l'actuel vice-président Manuel Vicente, poursuivi pour corruption au Portugal, M. dos Santos a fini par se ranger à l'avis des autres dirigeants du parti en faisant appel à Joao Lourenço.

'Général dur'

"C'est le dauphin idéal de dos Santos", juge Alex Vines, du centre de réflexions britannique Chatham House.

"Il est respecté par les militaires, n'a pas vécu le grand train de vie de nombre d'autres hiérarques, et son épouse a une bonne réputation de technocrate", ajoute-t-il.

Elle-même ministre de 1997 à 2012, Ana Dias Lourenço a notamment représenté l'Angola auprès de la Banque mondiale.

Malgré son image de modéré, les adversaires du régime n'attendent rien de neuf de l'arrivée au pouvoir de Joao Lourenço, jugé comme l'homme du système.

"C'est un général dur", estime le journaliste Rafael Marques de Morais. "C'est quelqu'un qui va tenter de s'imposer par la seule force, pas par la diplomatie ou en tentant d'améliorer ce qui ne va pas, mais en étant simplement plus arrogant, ce qui va lui causer très vite des problèmes", pronostique-t-il.

"C'est un militaire, à la mentalité hiérarchique: il donne des ordres, les autres obéissent", abonde Luaty Beirao, rappeur et adversaire déclaré du régime.

Tout au long de sa campagne, il a affiché une orthodoxie pur jus.

"Nous allons continuer le travail qu'Agostinho Neto (premier président de l'Angola indépendant) a engagé dans le passé et que le président Dos Santos a lui-même continué jusqu'à aujourd'hui", a-t-il répété dans ses discours sans grand relief.

Mais, dans un pays secoué par la crise, il a aussi promis d'être l'homme du "miracle économique" et de lutter contre la corruption.

Mais beaucoup en doutent, le jugeant incapable de s'affranchir de la tutelle exercée sur le pays par Jose Eduardo dos Santos.

"Au début, il aura une marge de manoeuvre très étroite par rapport à son prédécesseur", note Didier Péclard, "la question est de savoir s'il a la volonté de s'en créer une ou pas".

Avec AFP