Israël maintient une jeune militante palestinienne en prison jusqu'au procès

Ahed Tamimi, 16 ans, conduite dans une salle d'audience de la prison militaire d'Ofer, près de Jérusalem, le 28 décembre 2017.

Un tribunal militaire a décidé de maintenir en détention l'adolescente Ahed Tamimi, devenue une icône de l'engagement contre l'occupation.

La décision rendue par un juge militaire à la prison d'Ofer en Cisjordanie occupée signifie potentiellement qu'Ahed Tamimi, âgée de 16 ans et arrêtée en décembre à la suite d'une vidéo devenue virale la montrant frapper des soldats israéliens, pourrait rester en détention pendant des mois.

"La gravité des faits dont elle est accusée n'offre pas d'alternative à (sa) détention" jusqu'à la fin de la procédure, a dit le juge militaire, en présence d'Ahed Tamimi, impassible dans un blouson de détenue.

Le tribunal a également ordonné que la mère d'Ahed Tamimi, Nariman, reste en détention jusqu'à son procès, a indiqué l'armée.

Ahed Tamimi, sa mère et sa cousine Nour, 20 ans, ont été arrêtées les 19 et 20 décembre.

Elles sont les protagonistes d'une vidéo filmée le 15 décembre, qui montre Ahed et Nour Tamimi bousculer deux soldats, puis leur donner des coups de pieds et de poings en Cisjordanie. La mère apparaît dans la vidéo avec l'apparente volonté initiale de s'interposer.

Profonde inquiétude

Les images ont été tournées dans le village de Nabi Saleh devant la maison des Tamimi dans le contexte des protestations palestiniennes alors quasiment quotidiennes contre la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. Depuis cette annonce le 6 décembre, 17 Palestiniens ont été tués dans des violences.

Les Palestiniens, dont le président Mahmoud Abbas, se sont répandus en louanges sur Ahed Tamimi, comme un exemple de courage.

L'affaire Tamimi a aussi trouvé un large écho chez les Israéliens. Ils ont vu dans l'impassibilité des soldats l'expression des valeurs de leur armée, tout en ressentant une vive amertume devant ce qui a été fortement perçu comme une humiliation.

Ahed Tamimi est issue d'une famille connue pour son engagement contre l'occupation et a commencé à se faire un nom lors des protestations fréquentes à Nabi Saleh.

Le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a salué la décision du tribunal: "Notre message est clair: celui qui s'en prend aux soldats de Tsahal le paiera cher", a-t-il tweeté.

Les organisations de défense des droits humains et l'Union Européenne ont exprimé leur préoccupation.

Le bureau du Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme a exprimé sa "profonde inquiétude", soulignant dans un communiqué que, selon les normes internationales, un enfant ne devait être détenu qu'en dernier recours.

"Des aspects du traitement dont cette enfant fait l'objet reflètent celui de centaines d'autres enfants palestiniens arrêtés et détenus par les forces de sécurité israéliennes dans le territoire occupé", a-t-il dit.

Des observateurs des consulats de France et de Suède à Jérusalem, et des représentants de l'UE étaient à nouveau présents mercredi à l'audience.

Ahed Tamimi a été inculpée le 1er janvier par la justice militaire israélienne de douze chefs d'accusation, liés à l'incident du 15 décembre mais aussi à des faits antérieurs présumés, comme des jets de pierres. Elle a été inculpée notamment pour "avoir agressé des forces de sécurité, lancé des pierres, avoir proféré des menaces, avoir participé à des émeutes".

La cour militaire a refusé qu'elle soit relâchée sous caution -comme l'a été sa cousine Nour- "parce que (selon la cour) elle est tellement dangereuse", a déclaré son avocate Gaby Lasky, en marge de l'audience.

Me Lasky avait plaidé lundi pour son placement en résidence surveillée.

Elle avait argué qu'Israël enfreignait la convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule en particulier que l'emprisonnement d'un enfant doit être une mesure de "dernier ressort" et "aussi brève que possible".

Elle avait aussi réfuté l'argumentaire de l'accusation sur la dangerosité d'Ahed Tamimi en demandant pourquoi, alors qu'elle est une militante connue, elle n'avait jamais été arrêtée auparavant pour des faits anciens aujourd'hui retenus contre elle.

Les proches d'Ahed Tamimi évoquent en outre les tensions qui régnaient le 15 décembre à Nabi Saleh et le fait qu'un jeune membre de la famille avait été gravement blessé à la tête par une balle en caoutchouc israélienne lors des heurts.

Avec AFP