Luc Adolphe Tiao, dernier Premier ministre de Compaoré, inculpé pour assassinat et écroué au Burkina Faso

Luc Adolphe Tiao, alors premier ministre du Faso, accompagne le président taïwanais Ma Ying-jeou à Ziniaré au Burkina (archives).

Luc Adolphe Tiao, le dernier chef du gouvernement du président Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire en 2014 après 27 ans au pouvoir, a été inculpé d'assassinat et écroué vendredi, a indiqué à l'AFP le procureur général de la Haute Cour de Justice du Burkina Faso.

"L'ex-Premier ministre Luc Adolphe Tiao a été mis sous mandat de dépôt et conduit à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou ce (vendredi) matin dans le cadre de l'instruction du dossier sur l'insurrection populaire" d'octobre 2014, a déclaré à l'AFP Armand Ouédraogo.

"Il a été inculpé d'assassinat, de coups et blessures volontaires et de complicité de tous ces actes-là", a précisé le magistrat.

C'est la première inculpation concernant les 33 personnes tuées (selon le bilan officiel) lors des manifestations anti-Compaoré d'octobre 2014 qui avait conduit à la chute du régime.

La procureure du TGI de Ouagadougou, Mme Maïza Sérémé, avait déploré la semaine dernière des "difficultés" liées notamment au manque de "collaboration" et de "coopération" des autorités pour l'instruction des dossiers.

M. Tiao qui vivait en exil en Côte d'Ivoire depuis plus d'un an et demi, est retourné volontairement au Burkina le week-end dernier, une semaine après l'audition des membres de son gouvernement encore vivants au Burkina Faso.

Il avait été dans la foulée entendu mardi par la gendarmerie, agissant sur commission rogatoire de la Haute Cour de justice, pour son rôle présumé dans les tueries liées aux manifestations qui ont abouti à l'effondrement du régime Compaoré le 31 octobre 2014.

Selon plusieurs sources jointes par l'AFP, M. Tiao -un ancien journaliste- est particulièrement visé pour avoir signé une réquisition appelant "l'armée à assurer le maintien de l'ordre avec usage des armes" le 30 octobre, premier jour des manifestations.

"Tout le monde sait que c'est lui (Luc Adolphe Tiao) qui avait donné l'autorisation de tirer sur les manifestants", a indiqué M. Armand Ouédraogo refusant de dire si les ministres du gouvernement Tiao seront écroués eux aussi.

"Pour l'instant M. Tiao a été mis sous mandat (de dépôt). Pour les ministres, je ne peux rien dire", a indiqué le procureur général.

Au total, seize ministres du gouvernement Tiao vivant encore au Burkina ont été entendus par la gendarmerie dans le cadre des tueries liées aux manifestations anti-Compaoré de fin octobre 2014.

Le reste des membres du gouvernement sont en exil, d'autres ont trouvé des postes dans des organisations internationales à l'extérieur.

Le Conseil national de la transition (CNT), l'assemblée intérimaire mise en place après la chute du régime de Blaise Compaoré, a voté en juillet 2015 une résolution mettant en accusation M. Tiao et tous ses ministres pour "coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures, assassinat, complicité d'assassinat".

Les députés reprochent notamment aux ministres d'"avoir été membres du gouvernement" qui a adopté le projet de loi modifiant la Constitution (article 37) qui devait permettre à M. Compaoré de briguer d'autres mandats.

Amnesty International, qui avait rendu un rapport au lendemain des manifestations anti-Compaoré, a accusé l'ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne de M. Compaoré -dissoute après sa tentative de putsch manqué en mi-septembre 2015- d'être le principal auteur de ces tueries.

Le président Compaoré qui vit en exil en Côte d'Ivoire depuis sa chute a été lui-même mis en accusation par le CNT pour "haute trahison et attentat à la Constitution". Il est visé par un mandat d'arrêt international lancé contre lui dans une autre affaire liée à l'assassinat du président Thomas Sankara, le "père de la révolution" burkinabè tué lors du coup d'Etat qui le porta au pouvoir le 15 octobre 1987.

Ancien soutien fidèle du président ivoirien Alassane Ouattara, M. Compaoré, qui a depuis obtenu la nationalité ivoirienne a peu de chances d'être extradé : la Côte d'Ivoire n'extrade pas vers des pays où il y a la peine de mort.


Avec AFP