Ghana: la pandémie aggrave le phénomène des grossesses précoces

Sarah Lotus Asare, une bénévole qui travaille avec des adolescentes défavorisées, interagit avec une fille dans une salle de boxe à James Town, Accra, Ghana, le 12 février 2021.

Le nombre de grossesses précoces au Ghana, déjà élevé avant la pandémie, a connu une brusque augmentation avec l'arrivée du Covid-19. En cause notamment, la fermeture des établissements scolaires pendant 10 mois, une des plus longues en Afrique.

Gifty Nuako, tout juste majeure, avait 17 ans lorsqu'elle est tombée enceinte, en décembre.

Dans les ruelles de son quartier de Jamestown, un des plus pauvres de la capitale Accra, l'adolescente, dont le nom a été modifié, dissimule son ventre à peine arrondi sous de longues jupes et des foulards.

"C'était une erreur", confesse-t-elle dans un murmure. "J'étais venue à Accra il y a un an pour chercher une vie meilleure. Je voulais travailler et mettre de l'argent de côté pour reprendre le lycée".

Alors quand l'adolescente apprend qu'elle est enceinte, elle décide d'avorter.

"Mais la famille de mon copain a refusé. Maintenant, je ne peux pas travailler, je ne peux pas retourner à l'école. Je ne sais plus quoi faire", confie-t-elle, désemparée.

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En 2020, la pandémie a empêché 12 millions de femmes dans le monde d'accéder à des moyens contraceptifs ou aux services de planning familial, conduisant à 1,4 million de grossesses non désirées, a annoncé la semaine dernière le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap).

Au Ghana, il n'existe pas de statistique officielle, mais les associations d'aide aux femmes estiment que 14% des jeunes filles de moins de 19 ans tombent enceintes durant leur adolescence.

Depuis la fermeture des collèges et lycées par le gouvernement il y a un an pour lutter contre le coronavirus, le nombre de grossesses précoces a considérablement augmenté, assure Sarah Lotus Asare, employée bénévole auprès d'adolescentes défavorisées.

"Les écoles représentent une forme de protection", explique-t-elle.

"Elles donnent un but, une stimulation intellectuelle aux élèves, et un cadre dans lequel se retrouver. Quand les cours ont été suspendus, beaucoup d'élèves se sont retrouvées désœuvrées, sans adulte pour les encadrer", ajoute-t-elle.

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Contraception

Or, si l'activité sexuelle des adolescents a augmenté, l'immense majorité n'utilise aucun moyen de contraception. Selon une étude des services de santé ghanéens, en 2020, seuls 18,6 % des adolescents sexuellement actifs y avaient recours.

Dans ce pays extrêmement religieux, l'avortement n'est pas non plus une option.

L'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'y est autorisée que dans les cas de viol, d'inceste, de déficience fœtale ou de danger pour la santé physique ou mentale de la mère.

Le manque d'éducation sexuelle au Ghana est un problème structurel, prévient Esi Prah, membre de l'ONG Marie Stopes, qui collabore avec le gouvernement à l'élaboration d’une planification familiale.

"En général, les Ghanéens sont plutôt hostiles à l'idée même d'éducation sexuelle", regrette-t-elle. "Certains pensent que cela encourage les rapports sexuels entre adolescents, et que le meilleur moyen de contraception, c'est l'abstinence."

En 2019, une tentative du gouvernement et de l'ONU pour lancer un programme d'éducation sexuelle avait provoqué un tollé. Des groupes conservateurs et religieux avaient dénoncé une tentative "satanique" de promouvoir "les valeurs LGBT". Le programme avait finalement été abandonné.

Cercle vicieux de la pauvreté

Mais "la raison première des grossesses précoces, c'est la misère", reconnaît Sarah Lotus Asare.

Alors que 46% de la population vivait déjà sous le seuil de pauvreté en 2017, la pandémie de Covid-19 a plongé le pays dans la récession et aggravé la pauvreté.

"Certains parents ne peuvent pas subvenir aux besoins de leurs enfants", explique Theophilus Isaac Quaye, élu communal du quartier pauvre de Chorkor, au sud d'Accra.

"Alors les jeunes filles se tournent vers les hommes qui leur proposent de l'argent. Ce n'est pas leur faute. C'est une question de survie", poursuit-il.

Si le règlement scolaire n'interdit pas formellement aux jeunes mères de retourner en cours après l'accouchement, cela se produit très peu en réalité.

Par peur de la stigmatisation ou par nécessité de subvenir à leurs propres besoins, la majorité des adolescentes se résignent à arrêter leurs études pour trouver un travail.

"Quand vous tombez enceinte, vous vous rendez compte que la situation a empiré", résume Sarah Lotus Asare. "Vous n'arriviez déjà pas à vous en sortir, et vous avez maintenant une autre bouche à nourrir".