Congo-Brazza: chasse aux personnes accusées de sorcellerie

Une scène qui ressemble à une danse du cadavre

Le week-end dernier par exemple, Mouanza, un octogénaire a eu le malheur d’être désigné « mangeur de l’âme » d’un de ses proches. Il a été froidement fusillé à Moulounda dans le département de la Bouenza dans le sud du Congo.

Des porteurs d’un cercueil, en transe, apparemment conduits par l’esprit du cadavre qu’ils maintiennent tant bien que mal sur leurs épaules, vont dans tous les sens. Un peu comme ivres, semblant être menés contre leur volonté, ils finissent souvent devant une porte ou aux pieds d’un homme qui est alors désigné comme « le sorcier malveillant ou le mangeur de l’âme la victime décédée ».

Cette scène commune à beaucoup de pays d’Afrique, a de plus en plus lieu au Congo-Brazza où un tribunal de fait existe même pour juger les infortunés sur qui le mauvais sort tombe. Les personnes désignées sont souvent âgées de la soixantaine, au moins.

Le lynchage des « présumés sorciers ou mangeurs d’âmes » est monnaie courante dans les villes du Congo-Brazza.

Le week-end dernier par exemple, Mouanza, un octogénaire a eu le malheur d’être désigné « mangeur de l’âme » d’un de ses proches. Il a été froidement fusillé à Moulounda dans le département de la Bouenza dans le sud du Congo.

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Un magazine de Ngouela Ngoussou

Les défenseurs des droits de l’homme condamnent ces lynchages des personnes accusées souvent sans preuve de sorcellerie. L’Observatoire Congolais des droits de l’Homme (OCDH) se veut le porte-étendard dans ce combat.

Ces lynchages constituent… « des actes barbares qui méritent d’être fermement condamnés et les personnes qui se livrent à ces genres de représailles doivent être sanctionnées », a déclaré Trésor Nzila Kende, directeur exécutif de l’OCDH.

Pourtant, pour beaucoup des Congolais, la sorcellerie est bien un phénomène réel pour peu que même des pasteurs d’églises le reconnaissent. Certains de « ces hommes de Dieu » passent leur temps à désenvouter les victimes des pratiques de sorcellerie.

Le phénomène est bien réel qu’un tribunal pour sorciers a même été créé à Makelekele dans le 1er arrondissement de Brazzaville avec pour mission de déjouer les plans maléfiques des sorciers.

Le président dudit tribunal, Sébastien Moukouba, a révélé les péripéties du procès d’un sorcier. Pour lui, la procédure de détection d’un sorcier ne peut être mise sur la place publique car elle relève du secret de la tradition.

« Nous, nous sommes outillés ici, nous avons les atouts pour détecter les sorciers et nous avons tout un système… En fait, c’est un don qui nous est attribué coutumièrement », a déclaré M. Moukouba qui signale cependant que tout commence quand une personne est indexée par sa famille.

Pour lui, le tribunal ne condamne pas directement mais met une procédure « mystique » en marche pour arriver aux résultats.

Cet avis n’est pas partagé par les scientifiques qui estiment plutôt que le Congo-Brazza doit tourner les dos à des pratiques qui retardent le développement du pays.

Le professeur Auguste Myabeto spécialiste des traditions congolaises estime que le lynchage des personnes présumées sorcières est le fait des personnes « culturellement analphabètes » qui se retrouvent aussi bien parmi celles qui ont embrassé la culture occidentale que la culture traditionnelle.

« La danse du mort aujourd’hui, c’est dirigé… c’est quelqu’un qu’on a déjà soupçonné de la sorcellerie et on dirige la dépouille mortelle vers celui-là puis on l’assomme », explique le professeur Myabeto qui parle des règlement des comptes.

Pour lui, les auteurs de ces lynchages sont en déphasage avec leurs repères. Le professeur Myabeto explique que « la danse du mort » et le tribunal pour sorciers existaient bien la tradition « quand on croyait à ces choses-là ».

« Il y avait des voies euristiques des recherches de la vérité mais ce n’est pas illico, pas spontanément comme cela que vous aviez la réponse aux questionnements », note Myabeto qui refuse de fonder la vérité sur des suspicions.

Malgré le débat, la sorcellerie reste bien un phénomène au Congo-Brazzaville. Elle survit en dépit de l’opposition de la religion et les représailles des jeunes.