Considérablement renforcé par sa réélection dès le premier tour, M. Erdogan a confirmé son statut de machine à gagner les scrutins depuis son arrivée au pouvoir, en 2003.
Mais en 15 ans de règne, M. Erdogan a profondément divisé la Turquie, entre ses partisans qui voient en lui l'homme du miracle économique et ses détracteurs qui l'accusent de monopoliser tous les pouvoirs et de réprimer sans merci toute forme d'opposition.
A l'issue de la bataille qui a opposé les deux camps dans les urnes dimanche, les autorités électorales ont déclaré M. Erdogan vainqueur du volet présidentiel du scrutin dès le premier tour, face notamment au candidat social-démocrate Muharrem Ince.
Ce dernier a reconnu lundi sa défaite, tout en estimant que la Turquie entrait désormais sous un "régime autocratique" avec l'entrée en vigueur imminente du système présidentiel voulu par M. Erdogan, qui deviendra l'unique détenteur de l'exécutif.
M. Ince a appelé M. Erdogan dans la soirée lundi pour le féliciter de sa victoire, a rapporté l'agence étatique Anadolu.
En attendant son intronisation pour ce nouveau mandat renforcé, qui ne devrait pas intervenir avant l'annonce des résultats définitifs prévue le 5 juillet, M. Erdogan savoure cette victoire.
"La Turquie a donné une leçon de démocratie au monde", a-t-il clamé dans la nuit de dimanche à lundi devant plusieurs milliers de partisans qui agitaient des drapeaux et scandaient son nom devant le siège de son parti, l'AKP, à Ankara.
Triomphe du "Reïs"
D'après l'agence de presse étatique Anadolu, qui fait état d'un taux de participation d'environ 88%, M. Erdogan est arrivé en tête de la présidentielle avec un score de 52,5% après dépouillement de plus de 99% des urnes. Soit plus que son score en 2014 (51,8%).
La coalition mise sur pied par M. Erdogan pour le volet législatif des élections récolte quelque 53,6% des voix, selon les résultats partiels d'Anadolu, grâce notamment au score inattendu de son partenaire, le parti ultranationaliste MHP (11%).
M. Erdogan s'est imposé comme le dirigeant turc le plus puissant depuis le fondateur de la république, Mustafa Kemal. Il a transformé la Turquie à coups de méga-projets d'infrastructures et en libérant l'expression religieuse, et a fait d'Ankara un acteur diplomatique clé.
Mais ses détracteurs accusent le "Reïs", âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont touché des opposants et des journalistes, et ont suscité l'inquiétude de l'Europe.
Avec l'entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, M. Erdogan peut rester au pouvoir jusqu'à 2028 s'il est réelu.
Cette réforme constitutionnelle prévoit le transfert de tous les pouvoirs exécutifs au président, qui pourra nommer les ministres et de hauts magistrats, décider du budget et gouverner par décrets. La fonction de Premier ministre sera supprimée.
Les élections de dimanche étaient considérées par les observateurs comme les plus difficiles pour M. Erdogan depuis son avènement au pouvoir, face à des vents économiques contraires et une opposition revitalisée.
Campagne inégale
Les observateurs ont pointé des conditions de campagne difficile pour l'opposition, à l'image d'une mission de l'OSCE qui a pointé lundi l'absence "d'opportunités égales" pour les candidats avec notamment une couverture médiatique largement favorable au président turc.
Malgré l'arrestation de plusieurs de ses députés et notamment de son candidat à la présidentielle Selahattin Demirtas, le candidat prokurde HDP est parvenu à franchir le seuil de 10% des voix au niveau national, ce qui lui permet de siéger à nouveau au Parlement.
Plusieurs pays ont félicité M. Erdogan pour sa réélection, comme le président russe Vladimir Poutine qui a loué lundi la "grande autorité politique" de son homologue turc.
En Allemagne, où vit une importante diaspora turque, la chancelière Angela Merkel a félicité M. Erdogan, souhaitant "une Turquie stable et pluraliste" dans laquelle l'Etat de droit est garanti.
La Maison Blanche a elle appelé Ankara à "renforcer la démocratie".
La Commission européenne a dit espérer qu'Ankara reste "engagée" avec l'Union européenne mais la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, et le commissaire européen à l'Elargissement, Johannes Hahn, ont de leur côté estimé que les conditions de la campagne n'avaient pas été "équitables".
Avec AFP