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Deux journalistes turcs incarcérés pourraient être libérés avant le début de leur procès


Can Dündar, à droite, rédacteur en chef du journal d'opposition Cumhuriyet, et Erdem Gül, à gauche, son chef de bureau à Ankara, s’adressent aux médias à l'extérieur du palais de justice d’Istanbul, en Turquie, le 26 novembre 2015.
Can Dündar, à droite, rédacteur en chef du journal d'opposition Cumhuriyet, et Erdem Gül, à gauche, son chef de bureau à Ankara, s’adressent aux médias à l'extérieur du palais de justice d’Istanbul, en Turquie, le 26 novembre 2015.

Deux journalistes turcs d'opposition, incarcérés pour avoir fait état de livraisons d'armes d'Ankara à des rebelles islamistes en Syrie, pourraient sortir de prison avant leur jugement après que la Cour constitutionnelle turque a estimé que leurs droits avaient été "violés".

"Leurs droits à la liberté personnelle et à la sécurité ont été violés", a notamment jugé la Cour, selon son communiqué.

Farouches adversaires du régime islamo-conservateur turc, Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, l'un des principaux journaux d'opposition, et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, étaient accusés d'"espionnage", de "divulgation de secrets d'Etat" et de "tentative de coup d'Etat", et écroués depuis le 26 novembre 2015.

En cause, la diffusion en mai d'un article et d'une vidéo sur l'interception par des gendarmes turcs en janvier 2014 à la frontière syrienne de camions appartenant aux services secrets turcs (MIT) et transportant des armes destinées à des rebelles islamistes syriens.

Le parquet d'Istanbul a requis à leur encontre la peine la plus lourde prévue par le code pénal turc, la réclusion criminelle à perpétuité, et fixé la date de l'ouverture de leur procès au 25 mars.

L'incarcération des deux journalistes a suscité un tollé en Turquie comme hors de ses frontières : une campagne internationale a été entamée pour réclamer leur libération. L'Union européenne, à laquelle souhaite de longue date adhérer la Turquie, a également demandé leur remise en liberté.

Can Dündar et Erdem Gül sont enfermés dans le centre pénitentiaire de Silivri, dans la lointaine banlieue stambouliote.

Avec ce jugement de la Cour constitutionnelle, une cour criminelle pourrait accéder à la requête de leurs avocats en vue de leur libération immédiate, selon des experts juridiques, cités par la presse.

"La cour ne peut s'opposer au jugement de la cour suprême. Elle est dans l'obligation de libérer les deux hommes", a notamment estimé le professeur de droit Ersan Sen, sur la chaîne d'information NTV.

Le tribunal d'Istanbul chargé de cette affaire a rejeté à plusieurs reprises une demande de mise en liberté des deux journalistes avant leur procès.

- "Payer le prix fort" -

Publié à quelques jours des élections législatives du 7 juin 2015, l'article avait provoqué la fureur du président Recep Tayyip Erdogan, dont le gouvernement islamo-conservateur a toujours catégoriquement nié tout soutien aux groupes islamistes hostiles au président syrien Bachar al-Assad dont il réclame avec insistance le départ depuis le début de la guerre civile en Syrie, il y a cinq ans.

Les autorités avaient alors affirmé que le convoi intercepté contenait de "l'aide" destinée aux turcophones de Syrie, les Turkmènes.

Le chef de l'Etat , qui a personnellement porté plainte contre les deux journalistes - de même que le chef des services secrets turcs, Hakan Fidan -, avait dénoncé une "trahison" et promis qu'ils allaient en payer "le prix fort".

Son incarcération n'a pas empêché M. Dündar (54 ans), personnalité célèbre en Turquie et auteur de nombreux livres, d'écrire ses habituelles chroniques dans lesquelles il n'exprimait pas de regrets, appelant ses lecteurs à ne pas sombrer dans le désespoir.

Le gouvernement turc au pouvoir depuis 2002 est régulièrement montré du doigt par les ONG de défense de la liberté de la presse qui lui reprochent ses pressions de plus en plus grandes sur les médias et l'accusent de vouloir faire taire toute voix critique en Turquie.

Depuis son élection à la présidence en août 2014, M. Erdogan, dont les détracteurs dénoncent régulièrement la dérive autoritaire, a multiplié les poursuites pour "insultes", visant aussi bien artistes et journalistes que simples particuliers, un délit passible de quatre ans d'emprisonnement.

La Turquie pointe à la 149e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF), qui a fait part jeudi soir de son "immense joie" à l'annonce de la décision de la Cour constitutionnelle.

Le tribunal d'Istanbul chargé du dossier "doit désormais se conformer à cet arrêt et ordonner la remise en liberté des deux journalistes", a souligné l'organisation dans un communiqué, espérant que "les accusations absurdes" portées contre les deux journalistes seraient levées au cours du procès.

Avec AFP

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