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Tigré: l'armée éthiopienne dit avoir ciblé des combattants rebelles


Une résidente blessée de Togoga, un village situé à environ 20 km à l'ouest de Mekele, est transporté sur une civière à l'hôpital de référence Ayder à Mekele, la capitale de la région du Tigré, en Éthiopie, le 23 juin 2021.
Une résidente blessée de Togoga, un village situé à environ 20 km à l'ouest de Mekele, est transporté sur une civière à l'hôpital de référence Ayder à Mekele, la capitale de la région du Tigré, en Éthiopie, le 23 juin 2021.

L'armée éthiopienne a reconnu avoir mené mardi une frappe aérienne sur le village de Togoga, dans la région du Tigré, mais a assuré n'avoir visé que des combattants loyaux aux anciennes autorités régionales, jugeant "inacceptable" d'affirmer que des civils étaient ciblés.

Des témoins et des médecins ont fait état mercredi de nombreuses victimes civiles après que le marché hebdomadaire de Togoga, alors très fréquenté, a été touché mardi à la mi-journée par une frappe aérienne. Ce bombardement a été condamné par la communauté internationale.

Aucun bilan précis de cette frappe n'était encore connu jeudi en raison notamment d'un accès restreint à cette localité, située à une trentaine de kilomètres de la capitale régionale Mekele. Des témoignages de survivants évoquent des dizaines de morts et de blessés.

Selon le porte-parole de l'armée éthiopienne, "l'opération" menée le 22 juin visait des forces réunies à Togoga "pour célébrer ce qu'ils appellent la fête des martyrs", commémoration d'un bombardement sur la ville tigréenne d'Hawzen le 22 juin 1988 durant la guerre civile.

"Il n'est pas possible que ces (combattants) lorsqu'ils dansent armés pour célébrer leur soi-disant jour des martyrs, puissent en même temps s'appeler des civils lorsqu'ils sont ciblés dans une opération militaire. C'est inacceptable", a déclaré à l'AFP le colonel Getnet Adane.

"Il est clair que les derniers combattants du TPLF et de ses milices s'habillent en civil", a-t-il insisté.

"Lier cette opération à un jour de marché (...), c'est de la pure propagande. En Éthiopie, les gens vont au marché le matin et l'après-midi, ils sont généralement déserts", a-t-il affirmé, soulignant que l'armée éthiopienne est "une armée professionnelle (qui a) l'obligation légale de défendre les civils, et encore plus ses propres citoyens".

Brûlures et amputations

Ce bombardement est intervenu au lendemain d'élections nationales en Ethiopie - qui ne se sont pas tenues au Tigré où elles ont été reportées sine die - et alors que cette région du nord du pays connaît depuis quelques jours un regain des combats qui opposent depuis plus de sept mois l'armée fédérale à des forces loyales aux anciennes autorités régionales.

L'armée éthiopienne est également accusée d'avoir empêché les secours d'accéder à Togoga et les blessés de se rendre à l'hôpital de Mekele.

L'ONU a appelé mercredi à une "enquête rapide sur cette attaque et les actes ultérieurs privant les victimes de soins médicaux". L'Union européenne et les Etats-Unis ont également condamné cette frappe.

De rares ambulances ont été autorisées à passer et la trentaine de blessés, dont plusieurs enfants, arrivées à l'hôpital de Mekele ont livré des témoignages dramatiques.

"Il y avait beaucoup de blessés et de morts, on marchait sur eux et dans leur sang", a raconté à l'AFP Birhan Gebrehiwet, jeune femme de 20 ans.

Negash Araya, 47 ans, affirme avoir "vu de (ses) yeux les corps de 58 personnes mortes", après que deux avions ont lâché "six bombes" sur le marché.

"Il y a encore beaucoup de gens sous les décombres", soulignait mercredi soir Tsigabu Gebretinsae, dont le fils de 22 ans a été tué et la fille âgée de 12 ans, blessée à une main, a dû être amputée.

Un médecin a déclaré jeudi à l'AFP que le personnel de l'hôpital de Mekele avait procédé à des amputations et traitaient également des brûlures et des blessures par éclats d'explosif.

"Les patients nous ont dit qu'il s'agissait d'une frappe aérienne. Les blessures suggèrent qu'il s'agissait d'un bombardement", a-t-il indiqué.

Les réfugiés et déplacés internes originaires du Tigré sans nouvelles de leurs familles
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"Attaque gratuite"

En novembre, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a envoyé l'armée fédérale pour arrêter et désarmer les autorités dissidentes de la région, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

Cette opération militaire s'est transformée en un conflit de longue durée, marqué par de nombreux récits d'exactions sur les civils (massacres, viols...).

Les combats persistent entre les forces pro-TPLF et l'armée fédérale éthiopienne, épaulée par des troupes des autorités régionales voisines de l'Amhara et l'armée de l'Erythrée, pays frontalier du Tigré.

Selon l'ONU, au moins 350.000 personnes y sont en situation de famine, ce que conteste le gouvernement éthiopien.

Ces derniers jours, le Tigré a connu un regain d'activité militaire, notamment autour des villes stratégiques d'Adigrat et Wukro.

Dénonçant une "attaque gratuite sur un marché à Togoga", le porte-parole du Commandement central du Tigré, Getachew Reda, a affirmé mercredi soir sur Twitter que les forces pro-TPLF avoir abattu un avion "transportant des explosifs et des munitions".

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