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Les élections de décembre au Soudan du Sud sont de plus en plus incertaines


Un accord de paix a instauré un gouvernement d'union nationale, avec Salva Kiir (à g.) président et Riek Machar (à dr.) premier vice-président, le temps d'une période de "transition".
Un accord de paix a instauré un gouvernement d'union nationale, avec Salva Kiir (à g.) président et Riek Machar (à dr.) premier vice-président, le temps d'une période de "transition".

Le compte à rebours s'égrène et le doute grandit: pour observateurs, partenaires internationaux et société civile au Soudan du Sud, le mois d'avril constitue la dernière chance de voir les premières élections de l'histoire du pays se tenir, comme prévu, en décembre.

Le plus jeune pays du monde attend d'élire ses représentants depuis son indépendance du Soudan en 2011.

Après une guerre civile dévastatrice qui a opposé les ennemis jurés Salva Kiir et Riek Machar entre 2013 et 2018, un accord de paix a instauré un gouvernement d'union nationale, avec M. Kiir président et M. Machar premier vice-président, le temps d'une période de "transition" devant s'achever par des élections générales.

Mais le pays reste paralysé par les luttes de pouvoir et la fin de cette "transition" a régulièrement été repoussée. La dernière "feuille de route" prévoit des élections en décembre 2024.

Quelle est la situation ?

"Le pays n'est pas encore en mesure d'organiser des élections crédibles", alertait en décembre 2023 le représentant spécial de l'ONU au Soudan du Sud, Nicholas Haysom, soulignant qu'un certain nombre de "prérequis indispensables" devraient être mis en place "d'ici avril" pour permettre des élections pacifiques en décembre. Trois mois plus tard, aucun progrès majeur n'a été noté.

"L'unification" des forces de sécurité, c'est-à-dire l'intégration des forces pro-Kiir et pro-Machar au sein d'une même armée et police, reste inachevée. Si 55.000 hommes ont été formés lors d'une première phase, seuls 4.000 ont été déployés, notait en février le major Charles Tai Gituai, responsable du RJMEC, l'organe supervisant l'application de l'accord de paix. Et la deuxième phase reste "incertaine".

L'absence de forces armées nationales est particulièrement préjudiciable dans ce pays miné par les violences interethniques locales (406 morts au dernier trimestre 2023, selon l'ONU). En vue des élections, un Conseil des partis politiques et une Commission électorale nationale ont été créées. Mais ils ne sont pas opérationnels, faute de financement, et sujets à controverses.

Leurs compositions sont critiquées car jugées trop favorables au pouvoir et plusieurs partis d'opposition dénoncent des frais d'enregistrement "exorbitants" de 50.000 dollars. La rédaction d'une constitution, "en retard de 15 mois" selon Nicholas Haysom en décembre dernier, n'a guère progressé.

Des élections possibles en décembre ?

Les partenaires internationaux – dont l'ONU, l'Union africaine, la "troïka" qui a parrainé l'indépendance (Etats-Unis, Royaume-Uni, Norvège) – ne cessent d'appeler Salva Kiir et Riek Machar à oeuvrer pour des élections. Le président, qui s'est employé à consolider son pouvoir ces derniers mois, a répété sa volonté de tenir les délais. Son rival a, lui, annoncé qu'il boycotterait tout scrutin tant que les dispositions-clés de l'accord de paix (dont la rédaction d'une constitution qui prendra, selon lui, 24 mois) ne seront pas effectives.

"Salva Kiir est intéressé par les élections (...) parce qu'il en a assez d'avoir les mains liées par l'accord de paix" qui répartit le pouvoir, estime Boboya James Edimond, directeur exécutif de l'Institut pour la politique et la recherche sociale (ISPR), think tank basé à Juba. "Riek Machar a peur de perdre le pouvoir", poursuit-il: "Son intérêt est donc de s'assurer que toutes les dispositions de l'accord de paix sont mises en œuvre (...) pour rester le plus longtemps au pouvoir".

Organiser des élections en huit mois apparaît compliqué dans un pays aux infrastructures limitées, en proie à l'insécurité et privé de revenus pétroliers vitaux par l'arrêt d'un oléoduc endommagé au Soudan en guerre. "Si nous devions précipiter les élections, il y a de fortes chances que le pays retombe dans la violence", prévient Edmund Yakani, figure de la société civile: "Il est nécessaire d'avoir un consensus pour ne pas les précipiter, mais aussi pour ne pas trop les retarder."

Elections "réduites" ou prolongation de la transition ?

Dans un courrier du 15 mars, le RJMEC a appelé les parties à étudier des "options viables": "la tenue d'élections réduites" ou "la révision des délais de la 'feuille de route'". Le parti présidentiel a proposé des "élections exécutives" en décembre pour désigner le président et les gouverneurs des Etats, puis des législatives un an plus tard. Riek Machar a répondu être prêt à un "dialogue", avec un médiateur.

Pour Edmund Yakani, un tel dialogue ne doit pas se limiter aux acteurs politiques, mus par leurs propres intérêts, mais aussi inclure société civile (leaders religieux, jeunesse, femmes...). "Les citoyens ne veulent pas d'une prolongation (de la transition) parce que ça a été instrumentalisé ces cinq dernières années sans aucune avancée", prévient-il. Si les dirigeants venaient à repousser encore les élections, "il faut un calendrier clair", estime-t-il, soulignant l'urgence de la situation: "Si aucune décision n'est prise d'ici fin avril, ce sera un désastre".

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