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L'urgence climatique fait peu recette à la présidentielle sénégalaise


La désertification au Sénégal génère de plus en plus de déplacés climatiques.
La désertification au Sénégal génère de plus en plus de déplacés climatiques.

Malgré la montée des eaux, les sécheresses, la désertification qui frappent une grande partie de la population sénégalaise, l'environnement a été peu évoqué dans la campagne présidentielle par les candidats.

Les îles de Kafountine, paradis naturel côtier du sud du Sénégal, risquent fort d'avoir disparu dans quelques années, englouties par la montée des eaux. Victimes du réchauffement climatique, un sujet largement négligé par les candidats à la présidentielle de dimanche.

Au cœur de la mangrove, seul le chant des oiseaux trouble le silence absolu sous la brise marine sur la petite île de Kailo. Et le chemin qu'emprunte Julien Arfang Diatta jusqu'à son village est en grande partie inondé.

Pendant la saison des pluies de juillet à novembre, "la mer devient de plus en plus grosse et on ne peut plus passer. Aller jusqu’à la ville, ça fatigue tellement…", dit-il d’une voix douce. "Et les rizières ne sont plus cultivables à cause de l’eau salée". Les îles de Kafountine sont en première ligne face à la montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique, qui fait de plus en plus de ravages sur les côtes d'Afrique de l'Ouest.

La famille de Julien Arfang Diatta y vit depuis des siècles, mais ce dernier redoute désormais de la voir bientôt grossir les rangs des déplacés climatiques, comme il en existe ailleurs au Sénégal. "L’eau avance et menace le village. Les arbres meurent. Si ça continue, on n’aura pas d’autres solutions que de quitter, mais pour aller où ?", se demande Louise Diatta, la quarantaine, qui veut voir grandir ses enfants sur son île d'origine.

Sous l'eau

Dans la ville de Kafountine, située sur la partie continentale et qui compte environ 40.000 habitants, les effets de la montée des eaux sont aussi frappants. En pleine saison sèche, la route qui reliait le centre aux débarcadères pour les îles est sous l’eau. Les tuyaux d’adduction à l’eau potable et les câbles électriques, qui étaient enfouis, sont à l'air libre, exposés aux vagues.

Ici, une ancienne station-service est à moitié effondrée dans la mer. Là, un ancien campement touristique, laissé à l’abandon, est mordu par les vagues. Le quai de pêche, où s’affairent des centaines de pêcheurs, mareyeurs, commerçants, est aussi rogné par les éléments. "La situation est très préoccupante et nécessite des mesures urgentes", dit David Diatta, le maire de Kafountine. Si le quai de pêche et les infrastructures touristiques disparaissent, "ce sont des centaines et des milliers d’emplois qui disparaissent", prévient-il.

Une catastrophe au niveau local, dans un pays où le taux de chômage avoisine déjà les 20%. Plus au nord, dans la grande ville historique de Saint-Louis, l'Etat sénégalais, aidé par des partenaires étrangers, a fait construire à partir de 2019 une digue de 3,6 km pour contrer la montée des eaux et protéger sa population.

Mais à Kafountine, la petite municipalité n'a pas les moyens de faire face, ajoute David Diatta. Les milliers de sacs de sable disposés sur le littoral opposent une barrière dérisoire à la puissance de l'océan qui mange chaque jour la bande de terre devant les habitations. "Il faut une réelle volonté politique de la part de l’Etat central. Quel que soit le président élu, nous allons lui porter notre préoccupation", dit-il, mais "la réponse tarde à venir", et presque tous les candidats à la présidentielle n'ont manifesté aucun intérêt.

"Petite place"

Le trait de côte recule en moyenne d'un mètre à 1,3 m par an au Sénégal, indiquaient des données officielles en 2020. A ce rythme, environ 6.000 km carrés de zones basses seraient inondés d'ici à 2100 avec une élévation de la mer d'un mètre. Or, selon le maire de Kafountine, la hausse chez lui est bien plus rapide que ces projections.

Malgré la montée des eaux, les sécheresses, la désertification qui frappent une grande partie de la population sénégalaise, l'environnement a été peu évoqué dans la campagne présidentielle. Il apparaît certes dans presque tous les programmes des candidats, un changement notable par rapport au passé. Mais les mesures concrètes pour limiter le réchauffement climatique ont été reléguées au second plan, loin derrière la justice, l'emploi ou la renégociation des contrats pétroliers et gaziers, dont le début de la production est attendu cette année.

L'environnement a tenu "une toute petite place", estime Aissatou Diouf, responsable plaidoyer de l'ONG Enda Energie. Même si les candidats sont conscients que c'est "un sujet prioritaire", "il est pris en compte de façon très artificielle" et "abstraite". "Il faut aller au-delà de 'Il faut protéger l'environnement'. Comment on fait ? Avec quelle technologie ? Quel type d'investissement ? De financement ? Quelle vision ? Comment le programme va s'articuler avec les engagements du Sénégal à l'échelle internationale pour participer à limiter le réchauffement global à 1,5°C?", demande-t-elle.

Selon elle, il faut amener les candidats à intégrer la dimension environnementale à leurs projets économiques et de développement car la situation est "urgente" et les enjeux "énormes" pour les Sénégalais.

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