Liens d'accessibilité

Dernières nouvelles

"Polygamie optionnelle": le projet de loi qui divise la société ivoirienne


Des femmes devant un magasin de vêtements dans une rue du quartier populaire d'Adjame à Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 1er mars 2022.
Des femmes devant un magasin de vêtements dans une rue du quartier populaire d'Adjame à Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 1er mars 2022.

En Côte d’Ivoire, une proposition de loi permettant aux hommes de prendre plusieurs épouses suscite la controverse. Tentative d’asservissement des femmes ou initiative destinée à mieux protéger leurs droits ? Les arguments fusent.

Sangaré Yacouba ne s’imaginait certainement pas faire autant parler de lui. Depuis bientôt deux semaines, ce député de la commune abidjanaise de Koumassi est au centre d’une polémique qui n’en finit pas de grossir. La raison ? L’introduction à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à légaliser la polygamie.

Ce régime matrimonial est en effet interdit depuis le début des années 60 par le Code civil ivoirien. Les contrevenants sont même passibles d'une peine de prison. Malgré tout cet arsenal juridique, il n’est pas rare de voir un homme avec deux femmes ou plus dans le pays.

Cette pratique en violation flagrante de la loi reste pour la plupart impunie. Elle a même donné naissance au phénomène de "tchiza", terme désignant localement ces femmes qui entretiennent des relations amoureuses avec des hommes mariés.

Hypocrisie ?

Une telle situation relève de l'hypocrisie, selon Sangaré Yacouba qui estime que cette polygamie de fait, malgré son interdiction par la loi, est déshumanisante pour ces femmes appelées maîtresse ou amante d’un homme marié. Et pour cause, ces dernières dit-il, sont confinées dans un rôle de co-épouse, hors du foyer et sans pouvoir jouir des droits liés au mariage.

Par conséquent, le député propose de "briser le tabou de la polygamie" en instituant via une nouvelle loi, une "polygamie optionnelle" pour les hommes qui le désirent. "Ne soyons pas démagogiques ! Regardons la réalité en face", exhorte-t-il, indiquant que le régime polygamique de fait, répandu dans la société ivoirienne, biaise de facto le taux d’Ivoiriens légalement mariés devant l’officier d’état civil.

Menace de poursuites

Pas question de légaliser la polygamie en Côte d’Ivoire, rétorquent les associations de lutte pour les droits des femmes. Constance Yaï, ancienne ministre de la Femme, connue pour ses positions féministes, a dénoncé, le 11 juillet 2022, cette initiative assimilable, selon elle, à de la provocation.

Elle considère que le pays a peu d’égards envers les femmes. La polygamie serait aussi discriminatoire que le manque de parité : "Nulle part nous n'avons entendu M. le député faire allusion à la polygamie masculine; il ne parle de la polygamie qu'en considérant que la seule forme de polygamie qui puisse, c'est celle des hommes", a-t-elle déclaré, lors d'un point de presse relayé par Abidjan.net.

Elle menace de poursuivre l’État ivoirien devant les juridictions onusiennes en cas d’adoption de cette proposition de loi.

La polémique est en cours en Côte d’Ivoire alors que l’institut américain Pew Research estimait en 2019 la proportion de polygames dans le pays à 12%, contre 11% pour l'Afrique dans son ensemble. La moyenne mondiale, quant à elle, tourne à moins de 1,5%, selon la même source.

Des Ivoiriennes manifestent contre "la banalisation du viol"
Attendez s'il vous plaît

No media source currently available

0:00 0:00:57 0:00
XS
SM
MD
LG