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Les langues se délient sur la mort de 13 jeunes à Brazzaville


Des policiers fouillent des passant à Brazzaville, 4 avril 2016.
Des policiers fouillent des passant à Brazzaville, 4 avril 2016.

Les langues se délient jusqu'au sein de la police au Congo-Brazzaville où le gouvernement a reconnu que 13 jeunes sont morts dans un commissariat de la capitale en début de semaine.

"Une vingtaine de jeunes avaient été interpellés, dont seize ont été placés en garde à vue au commissariat de Chacona. Dans la nuit du 22 au 23 juillet, treize d'entre eux y ont trouvé la mort", a déclaré jeudi le ministre Raymond-Zéphirin Mboulou en réponse à une question à l'Assemblée nationale.

Son collègue porte-parole du gouvernement avait dans un premier temps parlé d'un affrontement violent entre deux bandes de délinquants "Bébés noirs".

Le commissariat Chacona se trouve dans le quartier de Mpila, frappé en mars 2012 par l'explosion d'un dépôt de munitions de l'armée qui avait fait près de 300 morts.

Vendredi soir, six policiers arme au poing montent la garde devant l'entrée principale. Un dispositif inhabituel depuis lundi, selon les témoignages des habitants.

A l'intérieur, un sous-officier accepte de parler à l'AFP: "Ces jeunes ont été conduits ici samedi (21 juillet) par les éléments de la police du commissariat central de Kibeliba. Ils ont passé la nuit de samedi à dimanche dans le calme".

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"Dimanche, c'est une autre équipe qui nous a relevés. Et lundi tôt le matin quand nous sommes arrivés, nous avons constaté que le commissaire n'était pas à son poste. De la cellule où se trouvaient les jeunes garçons en garde à vue se dégageait une odeur bizarre, insupportable. Quand la secrétaire des lieux a ouvert la cellule, nous avons constaté qu'il y avait treize cadavres", témoigne-t-il.

"Ont-ils été torturés par nos collègues? Sont-ils morts étouffés ou asphyxiés?", s'interroge-t-il. "Notre commissaire a été relevé de ses fonctions et aussitôt remplacé. Depuis le drame, nous défilons tous à l'Inspection générale de la police où nous sommes écoutés sur procès verbaux dans le cadre d'une enquête ouverte par les autorités".

Les habitants et les familles parlent aussi. "Pendant une bonne partie de la nuit de dimanche à lundi, on entendait des cris de douleur venant de l'intérieur du commissariat de Chacona", témoigne Anicette, la trentaine.

"La veille du drame, j'avais apporté à manger à mon neveu. Promesse m'a été faite de le libérer le lendemain. Hélas, j'ai retrouvé son corps dans une morgue", raconte Jeannot Hombessa, oncle d'une victime.

- "Pas un bandit" -

Selon le ministre de l'Intérieur, les jeunes ont été interpellés à la suite du "décès tragique le 9 juillet d'un citoyen nommé Julien Obongo", quand "la police a organisé une opération spéciale dans ce quartier pour traquer les délinquants".

"Mon neveu n'était pas un bandit. Il a été arrêté devant notre parcelle alors qu'il jouait juste aux cartes avec ses amis. Personne n'est en mesure de me donner les vraies causes de sa mort", réfute Jeannot Hombessa.

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"J'ai perdu un neveu. Il n'a jamais été un +Bébé noir+ (un bandit). Il fréquentait au lycée Lumumba et passait en terminale. Il a été arrêté devant le portail au cours d'une rafle de la police", témoigne un autre proche qui demande l'anonymat.

"Dimanche (22 juillet) nous lui avons rendu visite au commissariat de Chacona. Le commissaire m'a promis de le libérer le lendemain. Quand nous sommes revenus nous avons constaté que son nom figurait sur la liste des personnes décédées dans ce commissariat. Mais jusqu'à ce jour nous n'avons pas retrouvé le corps. Nous avons fait la ronde de toutes les morgues et de tous les autres commissariats sans retrouver son corps", poursuit-il.

"Ils (les policiers) ont tué l'enfant, qu'ils nous rendent au moins le corps pour que nous puissions faire le deuil. Si jusqu'à ce week-end nos recherches demeurent infructueuses, nous serons obligés d'entreprendre des poursuites judiciaires", poursuit-il.

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Au moins deux familles ont récupéré trois corps, d'après des éléments en possession de l'AFP. Aucune plainte n'a encore été déposée.

"En dehors des enquêtes administrative et judiciaire, il serait bien que le Parlement ouvre aussi son enquête", a déclaré Blaise Ambeto, député du Parti congolais du travail (PCT, parti au pouvoir). La Fédération congolaise des droits de l'homme a appelé jeudi soir "à la mise en place d'une commission d'enquête crédible associant les organisations de promotion et de défense des droits de l'homme.

Avec AFP

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