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Les imams radicaux obtiennent l'abandon du "village du cinéma" au Nigeria


Une procession des musulmans chiites dans le village de Dakasoye, à Kano, le nord du Nigeria, 27 novembre, 2015
Une procession des musulmans chiites dans le village de Dakasoye, à Kano, le nord du Nigeria, 27 novembre, 2015

Après un intense lobbying, la communauté musulmane radicale de Kano, capitale du nord du Nigeria, a finalement réussi à empêcher la construction d'un centre d'excellence du cinéma visant à encourager un secteur florissant dans le pays.

Le "village du cinéma", dont le coût s'élevait à 10 millions de dollars, devait être construit sur un espace de 20 hectares dans la périphérie de Kano, et rassembler une école de cinéma, une salle de projection de 400 places, une scène pour des concerts, un hôtel 3 étoiles, un centre commercial, un stade et même une clinique.

Mais le gouvernement nigérian s'est plié, dit-il, au souhait de la population locale en mettant un terme définitif à ce projet ambitieux. "Le peuple s'est exprimé et le gouvernement l'a entendu", a déclaré la semaine dernière Abdurrahman Kawu Sumaila, conseiller de la présidence, après des mois de discordes.

Le cinéma est pourtant une industrie colossale à Kano. Les films de "Kannywood" représentent environ 40% de la production du Nigeria, la deuxième industrie cinématographique du monde en nombre de films produits chaque année derrière Bollywood en Inde.

Dans les films du Nord, en grande majorité musulman, tous les ingrédients du succès sont là et sont toujours les mêmes: amour, romance, magie noire, trahison et danses.

Mais à la différence des films produits dans le Sud, surnommés "Nollywood", à Kano, il y a des règles: les hommes et les femmes n'ont pas le droit de se toucher, il faut respecter les codes de l'islam et notamment la place des femmes, dans cette société où l'on applique la charia.

Malgré toutes ces restrictions, pour les plus conservateurs, Kannywood n'a pas besoin d'être davantage encouragé, même s'il est adoré par son public qui traverse les frontières du Nigeria et s'étend à travers tout le Sahel.

Campagne d'opposition

Les critiques ont commencé lors de prières du vendredi. Les religieux radicaux de la mouvance salafiste de Kano ont prêché continuellement contre le projet, affirmant qu'il encouragerait l'immoralité et ternirait les valeurs de l'islam.

"Nous n'en voulons pas, nous n'en avons pas besoin. Nous continuerons à encourager les gens à se révolter contre ce village du film", a répété Abdullahi Usman Gadon-Kaya, chef de fil de la campagne d'opposition au projet.

Reprises par les radios locales ou sur les réseaux sociaux, les critiques ont bientôt submergé les ondes et les esprits face à des défenseurs de moins en moins aptes à se défendre.

Danjuma Wurim Dadu, directeur de la Nigerian Film Corporation, une société de production et de distribution du cinéma nigérian, a bien essayé, affirmant que le "village du cinéma" permettrait de créer au moins 10.000 emplois dans une région dévastée par la fermeture de ses industries textile dans les années 1980.

"C'était l'opportunité d'offrir du travail à notre jeunesse qui, à force de ne rien faire, se tourne vers la drogue", confie de son côté à l'AFP Mudan Saidu, critique de film.

A sa naissance, en 1992, Kannywood ne comprenait que sept sociétés de production mais, en dix ans, l'industrie a explosé. On compte désormais 268 productions, 315 studios de montage, et le secteur emploie plus de 60.000 personnes, selon les chiffres de l'association nationale du cinéma (MOPPAN).

Dans son rapport de 2010, la Banque Mondiale estime que la totalité de l'industrie cinématographique du Nigeria (Nollywood et Kannywood) contribue au PIB du pays à hauteur d'un milliard de dollars par an.

Mais la discorde avec les extrémistes religieux a éclaté dès 2008, lorsqu'une "sextape" privée mettant en scène l'une des stars du cinéma local a tourné sur les réseaux sociaux.

La vidéo n'aurait jamais du être diffusée publiquement mais qu'importe, pour les religieux, elle était la preuve de la perversité des actrices et de la mauvaise influence que peut avoir le cinéma dans la société.

Depuis lors, l'opposition entre la communauté islamique et le monde du cinéma n'a cessé de s'intensifier dans le Nord du Nigeria et en stoppant ce projet, les imams conservateurs ont remporté une nouvelle victoire.

Avec AFP

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