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Le Botswana tente de défendre sa réputation de protecteur des éléphants


Le colonel George Bogatsu de la Force de défense du Botswana (BDF) s'arrête près du reste marqué d'un éléphant à Chobe, le 19 septembre 2018,.
Le colonel George Bogatsu de la Force de défense du Botswana (BDF) s'arrête près du reste marqué d'un éléphant à Chobe, le 19 septembre 2018,.

"Non, nous n'avons observé aucune tuerie de masse". Churchill Collyer le redit d'un ton ferme: contrairement à ce qu'a suggéré une ONG, les éléphants du Botswana ne tombent pas comme des mouches sous les balles des braconniers.

Statistiques en main, le chef adjoint du Département des parcs nationaux et de la faune (DWNP) affirme avoir recensé la mort de 63 pachydermes depuis le début de l'année.

"Nous sommes dans la normale, comme n'importe quelle autre année. Sur toute l'année dernière, nous avions perdu 81 éléphants", ajoute M. Collyer devant un parterre de journalistes un rien circonspects.

"Nous comptons de 80 à 90 éléphants tués chaque année", insiste à son tour le brigadier Simon Barwabatsile, chef national de la lutte antibraconnage, "ces chiffres ne bougent pas".

Révélés au début du mois, ceux avancés par l'organisation d'Elephants sans frontières (EWB) ont claqué comme un coup de tonnerre dans le ciel bleu azur du paisible Botswana.

De retour d'un recensement aérien réalisé avec le DWNP entre le 10 juillet et fin août, son responsable Mike Chase a confié avoir dénombré dans le pays 90 carcasses d'éléphants, tous délestés de leurs très convoitées défenses en ivoire.

"Il s'agit du plus grave épisode de braconnage dont j'ai jamais été informé en Afrique", lâchait-il à l'AFP.

Le défenseur de la faune avait enfoncé le clou en liant cette vague de tueries à la décision récente des autorités botswanaises de "désarmer" ses unités antibraconnage.

Un membre de l'armée botswanaise fait une pause près de la carcasse d'un éléphant mort à Chobe, le 19 septembre 2018.
Un membre de l'armée botswanaise fait une pause près de la carcasse d'un éléphant mort à Chobe, le 19 septembre 2018.

'Mort naturelle'

Piqué au vif, le gouvernement a dénoncé des statistiques "fausses" et affirmé qu'une partie des victimes avaient succombé à une mort "naturelle".

En vain. Le "massacre" des éléphants du Botswana, leur plus grand sanctuaire africain avec 100.000 spécimens recensés, a fait la "Une" de la presse internationale.

Pour les convaincre qu'ils avaient été abusés, les autorités ont donc convié les journalistes à une visite du parc Chobé (nord-est), une de ses têtes de gondole touristiques.

Plusieurs heures d'un survol en hélicoptère de la savane locale ont permis de repérer... six carcasses d'éléphants.

Quatre d'entre elles portent les traces incontestables de l'intervention des braconniers, concède Churchill Collyer, mais les deux autres spécimens ont été victimes de "mort naturelle".

Devant une carcasse découverte il y a quinze jours, le colonel George Bogatsu, chef de la brigade locale de rangers, mène la démonstration.

"Quand nous l'avons trouvé, il avait encore ses défenses. C'est nous qui les avons enlevées", affirme l'officier. "Il est décédé de mort naturelle, peut-être son âge, une maladie ou la faim pendant la saison sèche."

Il fait pourtant partie des spécimens victimes de braconnage recensés par Eléphants sans frontières, assure le brigadier Barwabatsile.

"Il faut des années et des années pour que le corps d'un animal comme l'éléphant disparaisse", ajoute-t-il, suggérant que la liste d'EWB contient des victimes tuées il y a plusieurs années.

Les éléphants errent dans les plaines du district de Chobe, en Ouganda, le 19 septembre 2018.
Les éléphants errent dans les plaines du district de Chobe, en Ouganda, le 19 septembre 2018.

'Pas de désarmement'

Le coordinateur de la lutte antibraconnage en profite pour tordre le cou à une autre accusation de l'ONG.

Non, "il n'y a pas eu de désarmement" des rangers, affirme le brigadier Barwabatsile. "C'est juste que certaines armes ont été retirées de l'arsenal des unités antibraconnage du Département des parcs nationaux et de la faune."

Le Botswana est considéré comme un modèle en matière de protection de sa faune sauvage. Loué par les défenseurs de la nature, l'ancien président Ian Khama, qui a démissionné en avril, avait équipé les "rangers" d'armes automatiques.

Sitôt en place, son successeur Mokgweetsi Masisi a décidé d'alléger leur arsenal.

Les rangers se sont vu retirer leurs fusils d'assaut "pour des raisons légales", explique M. Barwabatsile. "Mais les Forces armées du Botswana (...) conservent les leurs lors de leurs patrouilles."

Alors non, le Botswana n'a pas baissé la garde contre les braconniers, insiste le brigadier. "Et il n'y a pas de cimetière caché dans la savane", s'amuse-t-il.

La semaine dernière, plusieurs ONG de défense de la faune sont venues à son secours pour critiquer Eléphants sans frontières.

Le patron de Survival International Stephen Corry a accusé son collègue Mike Chase de protéger "ses intérêts" en "créant la panique autour d'une recrudescence du braconnage" avant une réunion, le mois prochain à Londres, sur le financement de la lutte contre les trafics visant les espèces protégées.

Dans un communiqué jeudi, Eléphants sans frontières s'est défendu en affirmant avoir respecté "les critères internationaux les plus élevés" pour mener à bien son recensement.

Avec AFP

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