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L'embuscade meurtrière au Niger illustre la difficile lutte contre les groupes jihadistes


La police militaire assure la sécurité au centre de Niamey, Niger, 20 février 2010.
La police militaire assure la sécurité au centre de Niamey, Niger, 20 février 2010.

L'embuscade qui a coûté la vie à sept soldats, américains et nigériens, mercredi au Niger montre toute la difficulté à lutter contre les groupes jihadistes dans le Sahel, en dépit de la montée en puissance des armées occidentales dans la région et de la création d'une force multinationale africaine G5-Sahel.

La patrouille américano-nigérienne est tombée "dans une embuscade tendue par des éléments terroristes à bord d'une dizaine de véhicules et une vingtaine de motos" dans le sud-ouest du Niger près de la frontière avec le Mali, selon le ministère nigérien de la Défense.

Ce guet-apens, visiblement très bien préparé, s'inscrit dans une série d'innombrables attaques dans le secteur où les jihadistes harcèlent les troupes nigériennes, sans que celles-ci ne soient en mesure d'enrayer le processus. La situation est similaire dans le nord du Burkina voisin et dans le nord du Mali.

Inquiets, les Occidentaux se sont déployés en force depuis quelques années dans la sous-région. La France est la plus visible avec l'opération Barkhane et 3.000 soldats environ. Les Américains, plus discrets, sont présents avec notamment une base de drones à Agadez (nord du Niger) mais aussi des forces spéciales et instructeurs sur le terrain - leur nombre est tenu secret mais serait de plusieurs centaines selon des sources militaires.

Français comme Américains opèrent militairement mais forment aussi les armées locales pour leur permettre d'être plus efficaces. En outre, la Minusma, la force onusienne déployée au Mali, compte une dizaine de milliers d'hommes.

Toutefois, les Occidentaux savent qu'ils ne sont pas en mesure de lutter efficacement contre les groupes jihadistes sans les armées sahéliennes elles-mêmes. Ce n'est pas un hasard si le président français Emmanuel Macron s'est rendu en personne au lancement de la force G5-Sahel à Bamako en juillet. La force du G5 (Mauritanie, Mali, Burkina, Niger, Tchad) doit lors d'une première phase associer 5.000 hommes de ces pays.

La force antijihadiste du G5 Sahel "prouvera son efficacité dans un futur proche", a assuré récemment le président malien Ibrahim Boubacar Keïta. "Nous avons compris que notre défense et notre sécurité sont des prérogatives et des devoirs qui nous incombent en tout premier chef", a-t-il ajouté.

"Je suis convaincu que la mise en oeuvre de cette force sera une bonne réponse aux questions sécuritaires", a commenté le ministre français Jean-Yves Le Drian à Niamey en début de semaine.

Une source militaire occidentale sous couvert d'anonymat nuance toutefois: "A quelques unités près, les armées africaines, sous-équipées, mal formées, sont incapables pour le moment d'avoir une capacité offensive vis-à-vis de ces groupes" jihadistes.

Carences du renseignement

"A part le Tchad, les autres pays peuvent au mieux déployer des hommes pour tenir des bases et des postes mais pas plus. C'est mieux que rien: cela peut libérer des unités pour l'action offensive et cela permet d'être présent. Mais il ne faut pas se faire d'illusions", ajoute-t-il.

Autre écueil: l'argent. Mi-septembre, le président Issoufou avait notamment appelé "la communauté internationale à se mobiliser" pour doter la Force du G5 Sahel "des moyens d'accomplir sa mission", les pays la composant disposant de ressources budgétaires limitées.

"Il y a un discours politique mais il faut une réelle volonté de coopérer", souligne Lassina Diarra, auteur de "La Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest) face au terrorisme transnational".

Celui-ci souligne qu'il y a parfois "une méfiance" entre les Etats et rappelle par exemple que les liens obscurs entretenus par l'ancien président burkinabè Blaise Compaoré avec les groupes jihadistes - qui ont préservé le Burkina jusqu'à sa chute - ont rendu les Maliens réticents à une coopération avec Ouagadougou.

L'une des grandes carences de cette lutte contre les jihadistes est le renseignement. Si les drones et la surveillance électronique occidentaux sont indispensables, le "renseignement humain est vital", souligne-t-il.

Or "les forces occidentales sont souvent perçues comme des forces d'occupation qui sont là pour s'emparer des richesses du sous-sol" ou protéger leurs intérêts économiques, note M. Diarra.

La source militaire occidentale abonde dans ce sens: "Au Mali, au Niger, au Burkina, les armées sont majoritairement composées d'hommes du sud, ethniquement différents des populations du nord. Les militaires n'aiment pas aller au Nord et ne le connaissent pas tandis que les populations sont méfiantes voire hostiles vis-à-vis d'eux".

A l'inverse, dans ces zones pauvres souvent délaissées par l'Etat central, le discours "séditieux" des groupes jihadistes a un écho favorable et ces derniers ont, eux, un renseignement humain qui fonctionne. L'embuscade tendue mercredi en est une illustration dramatique.

Avec AFP

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