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L'armée camerounaise de nouveau accusée d'exactions contre des civils


Des soldats du Bataillon d'intervention rapide dans Bamenda, au Cameroun le 17 novembre 2017.
Des soldats du Bataillon d'intervention rapide dans Bamenda, au Cameroun le 17 novembre 2017.

L'organisation internationale Human Rights Watch (HRW) a accusé vendredi dans un rapport accablant l'armée camerounaise de nouvelles exactions sur des civils en zone anglophone, en proie à un sanglant conflit séparatiste.

"Au moins 20 femmes - dont quatre handicapées - ont été violées, un homme tué et 35 autres arrêtés", le 1er mars 2020, dans une attaque contre le village d'Ebam, dans la région anglophone du Sud-Ouest, écrit HRW.

Cette attaque est "l'une des pires perpétrées par l'armée camerounaise", opposée depuis près de quatre ans aux groupes armés séparatistes des deux régions de l'ouest peuplées principalement par la minorité anglophone camerounaise, selon l'ONG.

Des soldats ont capturé des hommes, tandis que d'autres se sont livrés à des agressions sexuelles contre des femmes. HRW assure aussi qu'un homme de 34 ans a été tué par des militaires dans une forêt entourant Ebam.

Des témoins ont déclaré que plus de 50 soldats sont entrés à pied à Ebam dans la nuit en représailles contre des civils suspectés de coopérer avec des combattants séparatistes.

"Cinq soldats portant un masque sont entrés chez moi (...) L’un d’eux a abusé de moi", a témoigné une femme âgée de 40 ans, citée par HRW.

"Il a dit: +Si tu ne couches pas avec moi, je te tuerai !+ J’avais trop peur pour dire ou faire quoi que ce soit", a-t-elle ajouté, affirmant s'être réfugiée par la suite deux mois dans la brousse.

Crainte de rejet

Aucune des victimes de viol interrogées n'a pu recevoir de soins médicaux après l'attaque, notamment à cause du coût des traitements et la crainte de la stigmatisation et du rejet.

L'ONG a aussi déclaré que des soldats ont emmené au moins 36 hommes dans une base militaire, "où ils ont été roués de coups à plusieurs reprises, des passages à tabac d'une violence relevant de la torture".

L'attaque n'a pas eu d'écho véritable pendant un an, en partie à cause de la crainte de représailles qui découragent les survivantes de violences sexuelles de témoigner, faisant craindre que ces incidents sont beaucoup plus nombreux que les cas recensés, selon l'ONG.

"Cette attaque est assez emblématique de ce qui se passe au Cameroun anglophone", a déclaré à l'AFP Ilaria Allegrozzi, chercheuse à HRW pour le Cameroun.

"Le viol a été utilisé par les soldats pour punir la population d'accueillir les séparatistes. Et ce n'est pas nouveau. Ils opèrent en toute impunité", estime-t-elle.

"Aujourd'hui, des attaques des séparatistes contre des postes militaires d'un côté, et des exactions commises par les forces de sécurité de l'autre, se déroulent presque tous les jours. Les civils sont pris entre deux feux et vivent dans la peur", poursuit-elle.

Outre des attaques et attentats fréquents visant policiers et soldats, les séparatistes armés multiplient les enlèvements de civils, notamment dans les écoles, et assassinent des habitants qu'ils accusent de "collaborer" avec Yaoundé.

Ce conflit a fait plus de 3.500 morts et forcé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile.

"Besoin de justice"

L'attaque d'Ebam a été perpétrée 15 jours après le massacre de Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest, qui avait provoqué un tollé international. L'ONU avait dénombré 23 civils tués, dont quinze enfants et deux femmes enceintes.

Le régime du président Paul Biya, 88 ans dont plus de 38 au pouvoir, avait longtemps nié la responsabilité de son armée dans ce drame avant, sous d'intenses pressions internationales, d'ordonner une enquête et faire arrêter trois militaires.

Leur procès s'est ouvert le 17 décembre à Yaoundé, aussitôt ajourné, pour les meurtres de 13 civils, dont 10 enfants.

HRW a également accusé l'armée d'avoir tué "au moins neuf civils" le 10 janvier dont "une femme de 50 ans et une fille de 6 ans" dans le village du Sud-Ouest.

L'ONG affirme dans son rapport que "les atrocités commises par des membres des forces armées nationales restent en grande partie impunies".

"Un an plus tard, les survivants de l'attaque d'Ebam ont désespérément besoin de justice et de réparations et sont choqués de voir que ceux qui leur ont fait subir des violences sont libres et que leurs actes sont restés sans conséquence", a déclaré Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique à HRW.

Contactée par l'AFP, l'armée camerounaise n'a pas souhaité réagir.

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