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JO-2016 - En refusant de se mouiller, le CIO fragilise la lutte antidopage


Le logo du comité internationale olympique
Le logo du comité internationale olympique

La frilosité de la décision du CIO sur la participation russe aux Jeux de Rio rend de moins en moins lisibles les principes de la lutte antidopage et malmène l'AMA à qui l'instance olympique souhaite pourtant transférer dès 2017 des pouvoirs élargis, selon différents acteurs du sport mondial.

UNE VOLONTE DE LUTTER CONTRE LE DOPAGE ILLISIBLE

"Le CIO n'hésitera pas à prendre les sanctions les plus sévères", avait tempêté son président Thomas Bach lundi, après publication du détonant rapport McLaren faisant état d'un système de dopage étatisé en Russie.

Le CIO complétait sa menace en disant attendre --pour s'en inspirer croyait-on-- la sentence du Tribunal arbitral du sport (TAS) qui a finalement donné raison à la manière forte incarnée par la fédération internationale d'athlétisme (IAAF) et sa décision d'exclure des JO de Rio, tous les athlètes russes entraînés et préparés dans leur pays.

L'instance olympique annonçait enfin vouloir s'appuyer sur son propre règlement, en l'occurrence sa Charte qui lui octroie le pouvoir d'invitation, et donc de révocation, des comités nationaux olympiques (CNO).

"Aucune preuve contre le CNO russe (ROC) ne figure dans le rapport McLaren", s'est justifié le CIO, dimanche, pour motiver sa décision d'inviter les Russes, oubliant opportunément de rappeler que les dirigeants politiques et administratifs incriminés dans le rapport, Yuri Nagornykh le vice-ministre des sports en tête, appartiennent tous au comité exécutif du ROC.

"Cette décision (est) complètement irresponsable", a réagi Bernard Amsalem, président de la fédération française d'athlétisme, traduisant le sentiment d'une partie du monde sportif. "Il fallait marquer le coup (et) exclure les Russes. Le CIO fait preuve de faiblesse, j'en ai honte. C'est un jour de deuil."

DES MESURES INIQUES OU INSIPIDES

A l'arrivée, le CIO condamne certes verbalement mais ne tranche rien, laissant aux fédérations internationales (FI) le soin de couper les têtes des sportifs russes indésirables, en vertu de critères souvent iniques. Le fait, par exemple, d'avoir été contrôlé positif une fois dans sa carrière, même il y a dix ans, même en ayant purgé sa peine, vaut mise au ban pour les Russes mais pas pour les sportifs d'autres pays.

La mollesse du CIO irrite d'autant plus l'Agence mondiale antidopage (AMA) que les FI sont déjà, en vertu du code mondial antidopage, responsables de ce tri dans le cadre de leur propre règlement. C'est sur cette base que l'IAAF a exclu les athlètes russes, que l'IWF (haltérophilie) a banni les Bulgares et l'ICF (canoë), les Bélarusses et les Roumains...

Aujourd'hui, "demander aux fédérations internationales de faire le tri parmi les sportifs russes (en fonction des) critères décidés, va inévitablement mener à un manque d'harmonisation, à des recours potentiels et à une protection moindre des athlètes propres", s'est inquiété le directeur général de l'AMA, Olivier Niggli, en réaction à la décision du CIO.

"C'est frustrant que le CIO demande de prendre le relais à des FI qui peuvent ne pas avoir l'expertise appropriée ou la volonté collective d'agir", a renchéri Travis Tyggart, patron de l'agence antidopage américaine (USADA), qui résume cette affaire en un "gâchis confus".

Quel rapport en effet, entre le volontarisme de l'athlétisme ou de l'haltérophilie, et l'attentisme du judo dont le président Marius Vizer, un proche de Vladimir Poutine, a toujours soutenu la délégation russe et s'est encore dit dimanche soir "prêt pour Rio", traduire : absolument pas désireux de pratiquer le moindre contrôle supplémentaire.

UN MAUVAIS SIGNAL

Au-delà des mesures préconisées par le CIO aux FI et pour l'essentiel inapplicables au vu du délai courant jusqu'à la cérémonie d'ouverture le 5 août, les signaux adressés aux sportifs sont désastreux.

Et notamment en ce qui concerne une catégorie particulièrement choyée par l'AMA et les agences nationales antidopage (ONAD) : les repentis, ou lanceurs d'alerte.

En interdisant à Yuliya Stepanova de s'aligner à Rio, sous prétexte de son passé d'athlète dopé, le CIO a porté un grave coup à la politique de l'AMA et des ONAD en direction des repentis. "Yuliya Stepanova a contribué à exposer courageusement le plus grand scandale de dopage de tous les temps", a commenté Olivier Niggli estimant que l'AMA était très "inquiète du message envoyé (du fait de son interdiction à participer aux JO) aux lanceurs d'alerte pour le futur."

ET MAINTENANT ?

Les relations entre le CIO et l'AMA --composée et financée pour moitié par le mouvement olympique, pour l'autre par les représentants des Etats membres--, se sont extrêmement rafraîchies avec cet épisode.

L'AMA, par la voix de son patron Craig Reddie, également vice-président du CIO, s'est dite "déçue" que l'instance olympique n'ait pas entendu ses recommandations basées sur les conclusions du rapport McLaren (…) qui sape sérieusement les principes du sport propre".

L'AMA exprime là publiquement un manque de soutien qui semble pourtant crucial à la veille d'une mutation souhaitée par le CIO. A la demande de l'instance olympique, l'AMA doit en effet prendre dès fin 2017 une grande part des responsabilités antidopage aujourd'hui assumées par les FI afin d'éviter les conflits d'intérêt, particulièrement spectaculaires dans le cas russe.

L'AMA a pris la requête au sérieux et s'apprête, dès septembre, à travailler sur ses futurs contours. Il lui faudra plus d'argent, beaucoup plus, a-t-elle déjà prévenu (budget annuel de 27 millions d'euros, ndlr). Et une plus grande indépendance.

Car l'AMA ne peut en effet aujourd'hui qu'émettre des recommandations. Bafouées dans le cas de sa position sur la Russie.

Avec AFP

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