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Génocide rwandais: la prison à vie requise contre deux anciens bourgmestres jugés en France


L’avocat français Richard Gisagara représente Constance Mukabazayire lors du procès sur le génocide au Rwanda dans lequel comparaissent Octavien Ngenzi et Tito Barahira accusés pour le massacre des centaines de Tutsis, au palais de justice de Paris, France, 10 mai 2016.
L’avocat français Richard Gisagara représente Constance Mukabazayire lors du procès sur le génocide au Rwanda dans lequel comparaissent Octavien Ngenzi et Tito Barahira accusés pour le massacre des centaines de Tutsis, au palais de justice de Paris, France, 10 mai 2016.

La réclusion criminelle à perpétuité a été requise lundi devant les assises de Paris à l'encontre de deux anciens bourgmestres rwandais, accusés d'avoir participé au génocide des Tutsi dans leur village de l'est du Rwanda en avril 1994.

Des "superviseurs" mais aussi des "bourreaux à l'oeuvre": l'avocat général a requis lundi la réclusion criminelle à perpétuité à l'encontre de deux anciens bourgmestres rwandais, accusés d'avoir participé au génocide des Tutsi dans leur village de l'est du Rwanda en avril 1994.

A l'issue de deux mois d'un procès "pour l'histoire" devant la cour d'assises de Paris, Philippe Courroye a désigné Octavien Ngenzi, 58 ans, et Tito Barahira, 65 ans, comme des rouages essentiels du génocide dans leur commune de Kabarondo, qualifiant le premier de "dirigeant" et le second d'"officiant de la machette".

Les deux hommes, qui nient toute participation au génocide, ont écouté, impassibles, le lourd réquisitoire: un Ngenzi "Judas" qui n'a non seulement "rien entrepris pour empêcher les massacres" mais les a "supervisés". Un Barahira "actif", qui "donne des instructions" et se mêle aux tueurs, la lance à la main.

"A la fois les bourreaux et les valets des planificateurs du génocide", ils ont, pour l'accusation, "manqué leur rendez-vous avec l'humanité, avec le pardon" en niant jusqu'au bout.

Philippe Courroye a rappelé que ces hommes, arrêtés en France, étaient jugés en vertu de la compétence universelle des juridictions françaises. Ce procès est le deuxième tenu en France sur les massacres de 1994 au Rwanda.

Plus de huit semaines de débats ont donné à voir un génocide entre voisins, au village, sur les collines où l'on participait autrefois ensemble aux travaux communautaires. Un crime de proximité loin des centres du pouvoir, contrairement au premier procès en France, celui en 2014 de l'ancien capitaine Pascal Simbikangwa, condamné à 25 ans de réclusion.

A Kabarondo, le massacre le plus effroyable eut lieu à l'église, le 13 avril, dans cette commune rurale où des milliers de paysans tutsi s'étaient réfugiés, espérant gagner un sanctuaire, comme l'avaient été les lieux de culte lors des pogroms précédents depuis les années 1960.

"Totale convergence avec les tueurs"

Comme ailleurs au Rwanda, où les tueries débutent peu après l'attentat contre le président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, massacres et exécutions sommaires vont s'enchaîner à Kabarondo.

Ils firent plus de 800.000 morts en cent jours à travers le pays. Plus de 2.000 en un seul jour à l'église de Kabarondo, selon son curé, Oreste Incimatata. Plus de sept heures d'un chaos de poudre et de sang, les lames silencieuses des machettes succédant au fracas des grenades et des mortiers postés dans les caféiers.

Philippe Courroye a situé les accusés, qui se sont succédé à la tête de la commune, au coeur de la machine génocidaire. Dans un État centralisé, dont "la matrice politique est ségrégationniste", "Ngenzi est le bourgmestre, le chef d'état-major, le dirigeant". Barahira, un homme "craint", "granitique", est "un officiant de la machette".

Pendant des heures, les procureurs généraux, Philippe Courroye puis Ludovic Hervelin-Serre, qui l'assiste, se sont attachés à reprendre un à un les épisodes du drame, à convoquer les témoins.

Le premier a raillé le Kabarondo idyllique des anciens maires, un Barahira "taillant sa haie" et un Ngenzi passif alors que le sang coule à flot.

"Ngenzi n'a jamais été dépassé. Il est allé cherché les militaires" qui ont pilonné l'église en soutien des miliciens Interahamwe armés de machettes, a martelé Philippe Courroye. Quant à Barahira, après une réunion sur un terrain de football le matin - dont il nie la tenue même - "il n'aurait pas manqué le bouquet final" à l'église, qualifiée par le procureur de "Titanic de l'horreur".

Après l'église, Ngenzi s'est affirmé comme un "superviseur", a soutenu M. Hervelin-Serre.

Lors de l'enfouissement des corps - "il a recruté des fossoyeurs" -, puis lors des massacres au centre de santé, dans un centre de formation - "perpétrés sur ordre de Ngenzi" selon plusieurs témoins -, et enfin lors de perquisitions au domicile de Tutsi, en présence d'un bourgmestre armé, "non pas en protecteur comme il le prétend mais en totale convergence avec les tueurs".

La parole sera mardi à la défense, le verdict est attendu mercredi.

Avec AFP

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