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GB : Une statue de Cecil Rhodes à Oxford ranime les fantômes de l'Empire


La statue du colon Britannic Cecil John Rhodes a l'universite de Cape Town press du centre Cape Town, Afrique du Sud, mars 17, 2015. (AP Photo/Schalk van Zuydam)
La statue du colon Britannic Cecil John Rhodes a l'universite de Cape Town press du centre Cape Town, Afrique du Sud, mars 17, 2015. (AP Photo/Schalk van Zuydam)

Une banale statue en calcaire de Cecil John Rhodes à Oxford relance aujourd'hui au Royaume-Uni le débat sur l'héritage de la colonisation, des étudiants de la prestigieuse université demandant son retrait

"Mettre quelqu'un sur un piédestal, littéralement, revient à tolérer tacitement son héritage", dit à l'AFP Daisy Chandley, étudiante en philosophie, politique et économie, engagée dans la campagne Rhodes Must Fall In Oxford ("Rhodes doit tomber à Oxford").

Fondateur de la société minière De Beers, Cecil Rhodes (1853-1902) fut l'un des artisans de l'expansion coloniale de l'Empire britannique en Afrique australe.

Salie par la pollution et les pigeons, sa statue est placée au coeur de la ville universitaire, sur la façade d'un bâtiment d'Oriel College. Sous la sculpture, une inscription rend hommage à ce suprématiste blanc, qui a donné une partie de sa fortune à l'université.

La campagne Rhodes Must Fall In Oxford suit celle qui a abouti en avril au retrait d'une autre statue de Rhodes, à l'Université du Cap en Afrique du Sud. Des étudiants y voyaient un symbole de l'oppression imposée aux Noirs par la minorité blanche qui a dominé ce pays jusqu'en 1994.

- 'Racisme au sein de l'université' -

Au Royaume-Uni, la campagne a provoqué un débat plus large, touchant aussi bien à la question de la diversité dans les universités qu'à la gestion de l'héritage de la colonisation britannique.

"Il y a toujours eu des gens pour critiquer cette statue et le racisme au sein de l'université", rappelle Daisy Chandley. "Mais il aura fallu ce mouvement en Afrique du Sud pour réellement porter ce débat sur le devant de la scène, ici, à Oxford, et déclencher une action collective".

Sous la pression, Oriel College va retirer une plaque remerciant Rhodes "des grands services rendus à son pays", située sur un autre bâtiment, et a lancé une consultation sur le sort de la sculpture incriminée.

Les valeurs de Rhodes sont "totalement opposées à la philosophie du programme de bourses (qui porte son nom, NDLR) et aux valeurs défendues par une université moderne", a fait valoir le collège. Il compte donc placer un panneau sous la statue de Rhodes indiquant qu'il "ne cautionne ni ne glorifie ses opinions ou ses actions".

Mais Oriel College tient également à souligner la contribution positive des bourses Rhodes, qui ont permis à 8.000 étudiants du monde entier de venir étudier à Oxford, dont l'ancien président américain Bill Clinton et l'ex-Premier ministre australien Tony Abbott.

L'un des initiateurs du mouvement Rhodes Must Fall, le Sud-africain Ntokozo Qwabe, est lui-même bénéficiaire du programme, si bien qu'il a été accusé d'hypocrisie. "Je ne bénéficie pas de Rhodes", s'est-il défendu sur Facebook. "Je bénéficie des ressources et du travail de mon peuple, que Rhodes a pillé et asservi".

- 'Un homme de son temps' -

Universitaires, hommes politiques et anciens étudiants d'Oxford se sont lancés dans le débat, discutant âprement du bien-fondé d'honorer un colon. Un opposant au retrait de la statue a été jusqu'à comparer la campagne à la destruction des monuments historiques orchestrée par le groupe jihadiste de l'État islamique (EI).

Dans une lettre au quotidien The Times, le dernier président blanc d'Afrique du Sud, Frederik de Klerk, récipiendaire aux côtés de Nelson Mandela du prix Nobel de la paix, a taxé le mouvement de "sottise". "Si le politiquement correct était appliqué de manière cohérente aujourd'hui, très peu de grandes figures d'Oxford passeraient l'examen", écrit celui qui joua un rôle clé dans la fin de la ségrégation en Afrique du Sud.

"Tous les symboles coloniaux et de l'apartheid doivent disparaître, pas seulement ici mais aussi dans le monde entier", s'est indigné le parti sud-africain de gauche radicale EFF, réclamant la révocation du Nobel attribué à Klerk.

Pour Tony Abbott, Rhodes était simplement "un homme de son temps". "L'université devrait se souvenir que sa mission n'est pas de refléter une mode mais de chercher la vérité, ce qui signifie s'efforcer de comprendre plutôt que se précipiter pour juger", avance-t-il dans une tribune au quotidien The Independent.

Avec AFP

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