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Escalade militaire et état d'urgence dans la région du Tigré en Ethiopie


Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, au centre, arrive pour le 33e sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba, le 9 février 2020.
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, au centre, arrive pour le 33e sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba, le 9 février 2020.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a annoncé mercredi le lancement d'une opération militaire contre la région du Tigré (Nord), qu'il accuse d'avoir mené une attaque meurtrière contre une base de l'armée fédérale.

Les tensions n'ont cessé de s'aggraver ces dernières semaines entre d'une part le gouvernement fédéral d'Addis Abeba de M. Abiy, prix Nobel de la Paix 2019, et de l'autre, le gouvernement régional du Tigré, dirigé par l'ancienne élite politique du pays.

Les développements militaires des dernières heures font craindre aux observateurs un risque d'un long conflit dévastateur, susceptible de menacer la stabilité déjà fragile du deuxième pays le plus peuplé du continent avec plus de 100 millions d'habitants.

Mercredi en pleine nuit, Abiy Ahmed a accusé le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti au pouvoir dans cette région, d'avoir "attaqué un camp militaire (fédéral) dans le Tigré".

"Nos forces de défense ont reçu l'ordre (...) d'assumer leur tâche de sauver la Nation. Le dernier stade de la ligne rouge a été franchi", a-t-il ajouté.

Le Premier ministre a ensuite donné quelques précisions: "des forces déloyales" se sont retournées contre l'armée à Mekele, capitale du Tigré, et à Dansha, une ville de l'Ouest de la région.

L'assaut à Dansha a été "repoussé" par des forces de sécurité de la région Amhara, qui borde le Sud du Tigré. L'attaque a fait "de nombreux morts, des blessés et des dégâts matériels", selon M. Abiy.

- "Désescalade" -

Le Conseil des ministres du gouvernement fédéral a décrété mercredi l'état d'urgence pour six mois dans la région du Tigré, sans qu'on en connaisse les modalités.

"Je voudrais confirmer que sur tous les fronts, nous avons réussi à déjouer les plans et les souhaits de l'ennemi", a déclaré mercredi soir M. Abiy lors d'une adresse télévisée, affirmant que des membres des forces de sécurité tigréennes "avaient essayé de se mettre de côté de cette guerre injuste et que certains avaient même tenté de faire défection".

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a appelé dans un communiqué "à des mesures immédiates pour une désescalade des tensions et pour garantir une résolution pacifique au différend", faisant écho à une réaction similaire de l'ambassade des Etats-Unis à Addis Abeba.

Mercredi soir, il était très difficile d'avoir une idée précise de la situation sur le terrain, le réseau internet en région tigréenne ayant apparemment été coupé la nuit précédente, selon le site spécialisé Netblocks.

Il était dès lors impossible de corroborer des allégations venant des deux camps.

Le bureau du Premier ministre a accusé le TPLF d'avoir habillé ses soldats avec des uniformes semblables à ceux de l'armée érythréenne, afin "d'impliquer le gouvernement érythréen dans les fausses revendications d'agression contre le peuple du Tigré".

Le gouvernement du Tigré a lui assuré que les gradés et les soldats dépendant du Commandement-Nord de l'armée éthiopienne, basé à Mekele, avaient "décidé d'être aux côtés du peuple du Tigré et du gouvernement régional".

- Défiance et rupture -

Le Front de libération des peuples du Tigré a dominé la coalition qui a renversé en 1991 le régime militaro-marxiste du dictateur Mengistu Haile Mariam, et ensuite exercé un contrôle étroit sur l'Éthiopie pendant presque 30 ans.

Mais depuis l'arrivée au pouvoir en 2018 d'Abiy Ahmed, premier dirigeant issu de l'ethnie oromo, la plus importante du pays, les choses ont changé.

La minorité tigréenne (environ 6% de la population) accuse le Premier ministre de l'avoir progressivement marginalisée au sein de la coalition au pouvoir, qu'elle a depuis quittée, se positionnant de facto dans l'opposition.

Les autorités tigréennes se sont opposées à la prolongation du mandat des députés nationaux et régionaux décidée après le report des élections générales prévues en août en raison de la pandémie de coronavirus.

Les Tigréens ont défié le pouvoir central en organisant en septembre leurs élections régionales - largement remportées par le TPLF.

Désormais, chaque camp considère l'autre comme illégitime et les actes hostiles se multiplient: quand Addis menace de couper ses financements aux autorités tigréennes, le TPLF répond en empêchant un général nommé par le gouvernement central de prendre ses fonctions dans la région.

"Au regard de la position sécuritaire relativement forte du Tigré, le conflit pourrait très bien s'enliser et être désastreux", s'est alarmé mercredi William Davison, le centre de réflexion International Crisis Group (ICG).

Mardi soir, Wondimu Asamnew, un haut responsable tigréen déclarait à l'AFP que le gouvernement fédéral était en train de masser des troupes à la frontière sud du Tigré, avant de mettre en garde: "Nous sommes en alerte et je peux assurer que nous sommes capables de nous défendre".

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