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En fuite, le dernier haut responsable du génocide rwandais était mort depuis 16 ans


Le portrait de Protais Mpiranya, en fuite depuis 2000.
Le portrait de Protais Mpiranya, en fuite depuis 2000.

Depuis plus de 20 ans la justice le considérait en cavale. Mais Protais Mpiranya, fugitif rwandais le plus recherché pour son implication présumée dans le génocide de 1994, où il commandait alors la très puissante garde présidentielle, était en réalité mort depuis 16 ans.

Jeudi, les procureurs de l'ONU enquêtant sur l'affaire à La Haye ont annoncé qu'"à la suite d'une enquête difficile et intensive, le Bureau du Procureur a pu déterminer que Mpiranya est mort le 5 octobre 2006 à Harare au Zimbabwe".

Accusé de crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, le major hutu Mpiranya était considéré comme la plus importante des six personnalités encore en fuite et mises en accusation par l'ex-Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Celui qui le devançait sur cette liste, Félicien Kabuga, régulièrement présenté comme le financier du génocide, a été arrêté en mai 2020 en France et remis à la justice internationale.

Protais Mpiranya était notamment accusé, avec d'autres, d'avoir fait tuer le 7 avril 1994 – aux premières heures du génocide qui a causé la mort de 800.000 personnes, essentiellement tutsi – la Première ministre hutu modérée Agathe Uwilingiyimana, ainsi que dix Casques bleus belges chargés de sa protection et plusieurs personnalités politiques de premier plan.

Laurent Bucyibaruta, ancien bourgmestre rwandais, devant la justice française
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La veille au soir, l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana avait été abattu à son approche de l'aéroport international de Kigali. Le président revenait d'une rencontre régionale à Dar es Salaam où il avait accepté de mettre en place les institutions de transition prévues par les accords d'Arusha, censés mettre fin en 1993 à une guerre civile entre le pouvoir hutu de Kigali et une rébellion tutsi.

"Créer un vide politique"

Dans la matinée du 7 avril 1994, Protais Mpiranya et deux autres responsables militaires "ont ordonné à leurs subordonnés (...) de se lancer à la recherche du Premier Ministre, Agathe Uwilingiyimana, pour la tuer", avait écrit le procureur du TPIR dans l'acte d'accusation.

Le corps profané de Mme Uwilingiyimana, première femme à avoir occupé ce poste, est ensuite exposé, dénudé, à la vue des passants. L'attaque est supervisée par un capitaine de la garde présidentielle, toujours selon l'accusation. Dans la foulée, plusieurs personnalités et hauts responsables politiques favorables aux accords d'Arusha sont assassinés: le président de la Cour constitutionnelle, le ministre de l'Agriculture, le ministre de l'Information, le vice-président du parti social démocrate pressenti pour le poste de président de l'Assemblée nationale transitoire.

Le but: "Créer un vide politique et faire échouer la mise en œuvre des Accords d'Arusha", selon l'accusation. Et à chaque fois, des membres de la garde présidentielle de M. Mpiranya sont directement impliqués.

Protais Mpiranya était natif de l'ancienne province de Gisenyi (nord du Rwanda), dans la même région d'origine que Juvénal Habyarimana et plusieurs hauts responsables militaires hutu radicaux. Après sa sortie de l'Ecole supérieure militaire de Kigali en 1983, il fut affecté à la gendarmerie nationale.

"Délibérément dissimulée"

En 1991, alors que l'armée rwandaise est aux prises avec les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) conduits par l'actuel chef de l’Etat Paul Kagame, il est transféré au bataillon de la garde présidentielle. Deux ans plus tard, Mpiranya est promu commandant de cette unité.

Après la fin du génocide en juillet 1994, commence un long chemin d'exil qui le mènera dans plusieurs pays africains. Selon l'organisation African Rights qui a travaillé sur le génocide de 1994, l'ancien officier se bat aux côtés des forces armées congolaises, en 1998, contre des rebelles congolais soutenus par la nouvelle armée rwandaise.

Selon la presse zimbabwéenne et des informations parues au Rwanda, il avait été plus tard envoyé au Zimbabwe pour le compte des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), composées pour partie d'ancien génocidaires et accusées d'exploiter les minerais de l'est de la République démocratique du Congo (RDC).

"Sa présence au Zimbabwe, et plus tard sa mort, furent délibérément dissimulées suite aux efforts concertés de sa famille et de ses associés, et ce y compris jusqu'à présent", peut-on également lire jeudi dans le communiqué des procureurs de l'ONU.

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