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Un second tour présidentiel droite-gauche inédit en Colombie


Ivan Duque, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, lors de la campagne électorale, à Medellin, Colombie, le 3 avril 2018.
Ivan Duque, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, lors de la campagne électorale, à Medellin, Colombie, le 3 avril 2018.

Le champion de la droite dure, opposée à l'accord de paix avec l'ex-guérilla Farc, est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle dimanche en Colombie, mais devra en affronter un second face au candidat d'une gauche anti-système.

Dans un pays émergeant de plus d'un demi-siècle de conflit armé et où la droite règne depuis toujours, son candidat Ivan Duque, 41 ans, novice en politique, a été talonné par Gustavo Petro, 58 ans, ancien maire de Bogota, détaché des partis traditionnels.

Tous deux se retrouveront le 17 juin pour un face-à-face inédit en Colombie où la gauche minoritaire souffrait jusque là de la violente lutte des guérillas pour le pouvoir.

Dans ce nouveau panorama, Ivan Duque n'a pas réussi à répéter les prouesses de son mentor, l'ex-président Alvaro Uribe (2002-2010) élu deux fois dès le premier tour. Le jeune champion de la droite a remporté 39,14% des voix, devançant Gustavo Petro, ex-militant de la rébellion du M-19 dissoute, à 25,08%. Dans un pays où habituellement plus d'un électeur sur deux ne vote pas, l'abstention n'a été que de 47%.

"Vous pouvez avoir la certitude que nous allons gagner, que l'histoire de la Colombie peut être changée", a lancé le premier candidat de gauche à parvenir aussi loin dans une course présidentielle. Devant ses partisans euphoriques après les résultats, Gustavo Petro a estimé que "maintenant oui, le pluralisme peut être un des axes de la démocratie".

- L'accord de paix en jeu -

S'exprimant ensuite, Ivan Duque a appelé de ses voeux "une Colombie où la paix coïncide avec la justice", en réitérant sa volonté de réviser - sans le "déchiqueter" - le pacte avec la Farc, qu'il juge laxiste envers les ex-guérilleros exemptés de prison s'ils admettent leurs crimes.

Cette présidentielle, où la droite dure tente de reconquérir la présidence, va peser sur l'avenir de l'accord de paix signé en 2016 avec la plus puissante rébellion des Amériques, un texte qui a polarisé une société meurtrie par une guerre fratricide, la plus longue du continent.

Le premier tour "montre l'importance qu'a encore l'uribisme", a déclaré à l'AFP l'analyste Andrés Macias, de l'Université Externado. "La polarisation va être évidente au second tour", a-t-il ajouté, jugeant "difficile de savoir où iront les voix" des autres candidats, en particulier du centriste Sergio Fajardo, troisième avec 23,76%.

Le président sortant Juan Manuel Santos, 66 ans, s'était réjoui dans la journée de ces "élections les plus sûres" depuis des décennies, pour lesquelles quelque 36 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes. Selon l'autorité électorale, le scrutin a été "totalement normal".

Après deux mandats depuis 2010, le chef d'Etat de centre droit ne peut se représenter. La consolidation de la paix, fragilisée par des retards dans l'application de l'accord, dépendra de son successeur.

Outre modifier le pacte avec la Farc, Ivan Duque promet d'éradiquer la drogue, la corruption et de relancer la 4e économie d'Amérique latine, en berne avec 1,8% de croissance. Il défend les valeurs traditionnelles de la famille et vilipende le Venezuela voisin, en faillite.

Cet avocat et économiste, qui représente une coalition menée par le Centre démocratique (CD) du controversé, mais populaire Alvaro Uribe, met aussi en cause les pourparlers entamés avec l'Armée de libération nationale (ELN), dernière rébellion du pays.

Paula Rubio, 38 ans, a voté Ivan Duque pour "maintenir l'ordre dans le pays", a-t-elle expliqué à l'AFP.

Défi de la violence des narcos

Son principal rival, Gustavo Petro, du mouvement Colombie Humaine, a séduit les foules avec un programme de réformes économiques favorable aux plus humbles, mais se voit reprocher ses accointances avec le défunt président vénézuélien Hugo Chavez.

Dans un pays allié des Etats-Unis, il défend l'accord avec l'ex-guérilla Farc et le dialogue avec l'ELN, qui a suspendu ses actions armées à l'occasion de l'élection. Environ 150.000 militaires avaient toutefois été déployés pour assurer la sécurité du scrutin.

"Je vote pour Petro (...) qui a aidé les pauvres gens", a déclaré à l'AFP Gladys Cortés, 60 ans, employée domestique qui ne se rendait pas aux urnes "depuis longtemps" comme habituellement la moitié des électeurs.

Premier producteur mondial de cocaïne, ce pays de 49 millions d'habitants reste confronté à la violence de groupes illégaux, qui se disputent le contrôle du trafic de drogue dans les anciens fiefs des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), converties en parti politique sous le même acronyme.

En tête des nations les plus inégalitaires du continent, la Colombie peine à émerger d'une guerre qui a impliqué une trentaine de rébellions, des paramilitaires et les forces de l'ordre, faisant plus de huit millions de victimes, entre morts, disparus et déplacés.

Après avoir échoué en mars dans sa tentative de gagner plus que les 10 sièges parlementaires octroyés par l'accord de paix, la Farc a quant à elle renoncé à la présidentielle.

Son chef Rodrigo Londoño, qui a eu un infarctus, s'est dit ému dimanche à Bogota en votant pour "la première fois", en appelant à la "réconciliation entre tous les Colombiens".

La droite dure s'était imposée aux législatives de mars. S'il succède à Juan Manuel Santos le 7 août, Ivan Duque devrait donc compter sur le Congrès.

Mais il bénéficie surtout de l'aura d'Alvaro Uribe, qui a adoubé son jeune poulain, se défendant d'en faire sa marionnette. Dimanche, il a salué "son programme de sécurité" et "sa fermeté".

Avec AFP

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