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L'armée ivoirienne face au double défi de sa reconstruction et des jihadistes


Les troupes ivoiriennes assurent la sécurité lors d'un rassemblement électoral du président sortant ivoirien Alassane Ouattara à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Des soldats non identifiés ont lancé des mutineries dans trois villes de ce pays d'Afrique de l'Ouest le 6 janvier 2017.
Les troupes ivoiriennes assurent la sécurité lors d'un rassemblement électoral du président sortant ivoirien Alassane Ouattara à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Des soldats non identifiés ont lancé des mutineries dans trois villes de ce pays d'Afrique de l'Ouest le 6 janvier 2017.

Au coeur de l'histoire de la Côte d'Ivoire depuis 20 ans, son armée est confrontée au double défi de sa reconstruction toujours en cours et des menaces jihadistes, alors que le pays tient son élection présidentielle samedi dans un climat tendu.

"Aujourd'hui nous avons une armée républicaine", a affirmé le président ivoirien Alassane Ouattara dans un entretien à l'AFP mercredi.

Il n'empêche: depuis le coup d'Etat de décembre 1999 (le seul dans l'histoire du pays), les Ivoiriens vivent régulièrement dans la peur des putschs et des mutineries. Les rumeurs relayées sur les réseaux sociaux de mécontentement parmi les soldats, voire de tentative de coup de force à l'approche de la présidentielle, inquiètent toujours.

"En Afrique, le juge de paix, c'est l'armée" en cas de contestation électorale, commente un expert militaire. "Donc la problématique de sa loyauté au régime est cruciale".

Forte de 18.000 hommes, l'armée ivoirienne est issue du regroupement de plus de 8.000 combattants des Forces Nouvelles, la rébellion qui a dirigé la moitié nord de la Côte d'Ivoire pendant les années 2000, et des soldats de l'armée de métier, loyale au gouvernement du Sud.

Depuis son accession au pouvoir en 2011, soutenue par les rebelles, le président Ouattara tente de rassembler les deux parties et de professionnaliser le fonctionnement de l'armée. "C'est un échec", selon l'expert militaire, qui souligne les privilèges octroyés aux ex-rebelles par rapport aux militaires de métier.

En 2017, les ex-rebelles lancent une fronde pour réclamer l'argent qu'on leur avait promis en 2011. Leurs mutineries ont ébranlé le régime, contraint pour les calmer de leur payer des primes de l'ordre de 12 millions FCFA (18.000 euros), une somme énorme dans un pays où le revenu minimum est de 60.000 FCFA.

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"Aucun doute" sur la loyauté de l'armée

"J'ai réglé le problème de l'armée malgré les mutineries de 2017", a assuré le président Ouattara à l'AFP.

"Aujourd'hui l'armée est apparemment calme et disciplinée, mais jusqu'où irait sa fidélité au régime en cas de troubles post-électoraux ?", s'interroge toutefois l'expert.

Une question est sur toutes les lèvres, celle de l'influence de l'ancien chef de la rébellion Guillaume Soro, notamment auprès de ses anciens lieutenants, les "com'zones" (commandants de la rébellion qui dirigeaient chacun une zone du nord du pays) devenus des chefs militaires de haut rang.

Ancien allié de Ouattara devenu son adversaire, Soro nourrissait des ambitions présidentielles, et la rumeur lui prête la volonté de perpétrer un coup d'Etat depuis son exil en France.

"Pourquoi les com'zones sacrifieraient-ils maintenant leur statut social et leurs fortunes dans un coup d'Etat?", se demande toutefois l'expert militaire.

Alassane Ouattara, qui affirme n'avoir "aucun doute sur la loyauté des forces de défense et de sécurité", a promis à Soro, qui fut son Premier ministre, "la prison à perpétuité" s'il revient en Côte d'Ivoire.

Le chef de l'Etat affiche la même assurance face à la menace jihadiste.

"Prêts à faire face"

Alors que la Côte d'Ivoire avait été épargnée ces dernières années par les groupes jihadistes qui frappent durement les pays voisins, Burkina Faso, Mali et Niger, l'attaque en juin à Kafolo (nord) où 14 soldats ont été tués, a brutalement ramené le régime ivoirien à la réalité de la géopolitique régionale à quatre mois de la présidentielle.

C'était la deuxième action jihadiste dans le pays après l'attentat de Grand Bassam en 2016 (19 morts).

"Nous avons renforcé la protection militaire à nos frontières", a affirmé M. Ouattara, évoquant des actions dans "le domaine du renseignement et l'acquisition d'outils technologiques". "Nous avons nettoyé la zone (de Kafolo), nous sommes prêts à faire face à toute menace éventuelle", a-t-il insisté.

Chercheur burkinabè au Carrefour d'études et de recherche d'action pour la démocratie et le développement, Mahamoudou Savadogo ne partage pas les certitudes du président ivoirien.

"L'armée ivoirienne dispose de moyens logistiques et d'hommes en mesure de faire face", mais elle "sous-estime la capacité de nuisance et la mise en œuvre de stratégies d'occupation par les groupes armés terroristes", estime-t-il, soulignant "l'aptitude des jihadistes à se fondre au sein des différentes communautés".

L'armée ivoirienne "gagnerait à collaborer" - "comme elle le fait avec l'armée burkinabè" - avec celles des pays côtiers voisins, Ghana, Togo et Bénin, eux aussi menacés par une descente des groupes jihadistes sahéliens vers le sud, conseille-t-il.

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