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Aux Comores, le pouvoir disperse des manifestants qui hurlent à la fraude électorale


Des partisans et des membres de l'opposition comorienne manifestent dans les rues de Moroni contre le référendum constitutionnel à Moroni, Comores, le 13 juillet 2018.
Des partisans et des membres de l'opposition comorienne manifestent dans les rues de Moroni contre le référendum constitutionnel à Moroni, Comores, le 13 juillet 2018.

Les forces de l'ordre comoriennes ont violemment dispersé lundi une manifestation de l'opposition, qui accuse le chef de l'Etat sortant Azali Assoumani d'avoir orchestré une fraude généralisée pour se faire réélire dès le premier tour de la présidentielle.

Dans l'attente des premiers résultats, plusieurs candidats au scrutin de dimanche accompagnés d'une centaine de leurs partisans ont tenté de marcher sur la place de l'Indépendance, au coeur de la capitale Moroni, pour dénoncer le "hold-up" électoral en cours.

Des dizaines de gendarmes ont accueilli les protestataires par une volée de tirs de gaz lacrymogène et de balle en caoutchouc qui les ont rapidement dispersés.

Le calme est revenu dans l'après-midi dans la capitale. Des militaires en armes ont été déployés sur les grands axes de la capitale, à titre de "prévention", a déclaré à l'AFP le ministre de l'Intérieur Mohamed Daoudou, dit "Kiki".

Manifestations réprimées aux Comores
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Selon une source hospitalière, l'intervention s'est soldée par 12 blessés légers, dont trois candidats à l'élection.

"Les forces de l'ordre ont pris fait et cause pour un pouvoir qui a perdu toute légitimité", a réagi auprès de l'AFP le candidat du parti Juwa, l'avocat Mahamoudou Ahamada.

"Hier, les Comoriens ont voté, et aujourd'hui nous avons un pouvoir qui est devenu fou et tire sur les candidats qui ont gagné dans les urnes !"

Le dépouillement a suivi son cours toute la journée de lundi. La Commission électorale (Ceni) pourrait annoncer les premiers résultats d'ici mardi, selon le ministre Daoudou.

- 'Mascarade' -

Avant même la clôture du vote, les douze candidats opposés au colonel Azali ont dénoncé dimanche une "mascarade" et appelé la population du pays à la "résistance". Comme celui de l'opposition, le bilan du scrutin dressé lundi par la société civile comorienne est accablant.

Bureaux saccagés et fermés avant l'heure officielle de clôture (18H00 locales) par les forces de l'ordre, urnes bourrées, assesseurs de l'opposition empêchés, toute la palette de la fraude électorale y est passée.

"Des bureaux de vote (ont été) fermés dès 16H30 sur ordre des forces de l'ordre, elles se sont chargées de la récupération des urnes avant toute opération de dépouillement", a dénoncé l'Observatoire des élections.

Présidentielle aux Comores : l'opposition accuse le sortant Azali de "coup d'Etat" électoral
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Sur l'île d'Anjouan, en majorité hostile au président Azali, l'armée est intervenue pour disperser la foule en colère, faisant un mort et une dizaine de blessés, selon l'ONG.

Le ministre de l'Intérieur a fermement démenti que ces personnes aient été victimes de tirs à balle réelle des forces de l'ordre et balayé les accusations de fraude.

"Les incidents relevés ne sont pas de nature à entacher la sincérité du scrutin", a-t-il assuré à l'AFP, "je n'ai jamais vu élections plus transparentes dans notre pays..."

Tout au long d'une campagne qu'il a écrasée de tous les moyens de l'Etat, Azali Assoumani, 60 ans, a répété qu'il comptait bien l'emporter dès le premier tour.

A la tête du pays de 1999 à 2006, réélu en 2016, l'ancien putschiste a engagé sa grande entreprise de maintien au pouvoir en faisant adopter, il y a un an, une réforme constitutionnelle par référendum.

- 'Machine Azali' -

Ce texte a étendu de un à deux mandats de cinq ans la durée de la présidence attribuée par rotation à un natif de chacune des trois îles de l'archipel (Grande-Comore, Mohéli, Anjouan). Par la grâce du nouveau calendrier électoral, Azali Assoumani pourrait rester, en cas de victoire, au pouvoir jusqu'en 2029.

L'opposition a crié au scandale. Ce nouveau système, dit-elle, a remis en cause le fragile équilibre institutionnel instauré en 2001 pour mettre fin aux crises séparatistes et aux coups d'Etat à répétition qui agitaient l'archipel depuis son indépendance en 1975.

Mais rien n'y a fait. Au contraire, le président a fait taire les critiques à grands coups d'arrestations. Son ennemi juré, l'ancien président Ahmed Abdallah Sambi, est détenu pour corruption et plusieurs dirigeants de partis condamnés pour tentatives de coup d'Etat.

L'opposition a dénoncé la dérive autoritaire du régime, sa corruption et son incapacité à réduire la pauvreté extrême des 800.000 habitants du pays.

Mais, divisée et décimée par la répression, ses chances de succès sont apparues limitées face à la "machine Azali".

"Le vote de dimanche conclut une entreprise de fraude caractérisée engagée il y a longtemps", a estimé une source occidentale. "Azali va autoriser quelques recours pour donner un peu de verdict démocratique au processus mais sa légalité lui importe peu."

"La situation est préoccupante", s'est inquiété auprès de l'AFP Samir Soulaïmane, de la Plateforme citoyenne, un collectif de la société civile. "Nous en appelons à la communauté internationale, dont l'Union africaine, pour amorcer un dialogue politique avant que le pays ne sombre dans le chaos."

"Nous sommes un pays souverain", s'est déjà agacé le ministre de l'Intérieur, "personne ne viendra nous imposer quoi que ce soit de l'étranger".

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