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Au Soudan, toujours pas de couloir pour l'aide humanitaire


Des hommes passent devant une banque incendiée dans le sud de Khartoum, le 24 mai 2023.
Des hommes passent devant une banque incendiée dans le sud de Khartoum, le 24 mai 2023.

L'acheminement de l'aide humanitaire au Soudan en guerre n'est toujours pas possible mercredi, au deuxième jour de la trêve entre militaires et paramilitaires, mais les médiateurs saoudiens et américains continuent à œuvrer pour mettre en place des couloirs sécurisés.

Dès l'entrée en vigueur du cessez-le-feu après plus de cinq semaines d'un conflit qui a fait un millier de morts et plus d'un million de déplacés et réfugiés, des habitants de Khartoum ont rapporté à l'AFP tirs d'artillerie et raids aériens.

"Les combats semblent moins intenses à Khartoum" mercredi, selon les médiateurs. Mais ils disent avoir présenté aux émissaires de l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo "des informations montrant qu'ils avaient violé" la trêve.

Malgré la trêve au Soudan, des tirs entendus à Khartoum
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Le cessez-le-feu conclu après deux semaines de négociations en Arabie saoudite est censé créer des passages pour les civils pris sous les feux croisés et pour l'aide humanitaire, dont plus de 25 des 45 millions de Soudanais ont besoin, selon l'ONU.

Pillages et effondrement

Mohammed Taher, 55 ans, raconte "avoir pu aller jusqu'au grand marché de Khartoum à cinq kilomètres de chez (lui) pour acheter à manger et revenir sans incident".

Ali Mohammed, lui, n'a plus d'eau depuis le début de la guerre: "Elle n'est toujours pas rétablie mais au moins, j'ai pu sortir acheter de l'eau pour faire boire ma famille". Les humanitaires, eux, disent ne toujours pas pouvoir accéder aux hôpitaux de Khartoum et du Darfour (ouest), les deux zones les plus touchées par la guerre, quasiment tous hors d'usage. Ceux qui n'ont pas été bombardés n'ont plus de stocks ou sont occupés par des belligérants.

"La marge de manœuvre des humanitaires se réduit à une vitesse que j'ai rarement vue", s'alarme Jean-Nicolas Armstrong Dangelser, de Médecins sans frontières (MSF). "Un de nos hangars à Khartoum a été pillé", raconte-t-il encore. Les pillards ont "débranché les réfrigérateurs et sorti les médicaments: une fois la chaîne du froid rompue, ces médicaments ne pourront plus soigner personne".

Les émissaires des deux camps continuent de discuter et "les préparatifs pour des mouvements d'aide humanitaire sont en cours", assurent malgré tout Ryad et Washington. Mais après cinq semaines de promesses, les humanitaires réclament des actes. "Nous avons pu faire venir des équipes d'urgence, mais nous peinons à obtenir des permis de déplacement ou des visas pour des renforts", affirme MSF.

Dès mardi, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken avait menacé "ceux qui violent la trêve" de "sanctions", sans jamais préciser lesquelles.

Pour le chercheur Alex de Waal, "la priorité des Etats-Unis est la stabilité, pas les principes". Pourtant, poursuit ce spécialiste du Soudan, ce qui se joue aujourd'hui, "c'est l'effondrement de l'Etat qui va transformer tout le Soudan en quelque chose qui ressemble au Darfour d'il y a dix ou quinze ans". La guerre qui y a débuté en 2003 dans cette région a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés. Et M. de Waal de rappeler: "C'est de cet environnement, où l'argent et les armes décident de tout, que le général Daglo est sorti" et avec lui ses milliers de miliciens Janjawids accusés d'atrocités et désormais intégrés au FSR.

"Scénario somalien"

Yasser Abdelaziz, fonctionnaire à Chendi, dans le Nord épargné par les combats, redoute une guerre totale. "J'ai peur que le scénario à venir ne soit pas la Syrie, la Libye ou le Yémen", trois pays frappés par des guerres meurtrières cette dernière décennie, dit-il à l'AFP: "Mais le scénario somalien avec des gens tentés par le racisme et le tribalisme".

Les pays voisins, qui accueillent des dizaines de milliers de réfugiés, redoutent eux aussi une contagion, notamment du fait des liens tribaux transnationaux, et ne cessent de réclamer d'être intégrés aux négociations, plaidant pour des solutions africaines aux problèmes du continent.

Sur le terrain, des milliers de familles continuent à fuir le Darfour vers le Tchad ou prennent la route de l'Egypte dans le nord. Ils sont 300.000 à avoir quitté le pays, selon l'ONU. Plus de 800.000 autres se sont réfugiés dans d'autres villes du Soudan. Mais les camps de déplacés, qui accueillaient déjà 3,4 millions de personnes avant la guerre, sont pleins ou ont été détruits par les combats, rappelle l'ONU.

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