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Pachinian appelle à "la désobéissance civile" en Arménie


Le leader de l'opposition arménienne, Nikol Pashinyan, mobilise ses sympathisants lors d'un meeting à Erevan, en Arménie, le 1er mai 2018.
Le leader de l'opposition arménienne, Nikol Pashinyan, mobilise ses sympathisants lors d'un meeting à Erevan, en Arménie, le 1er mai 2018.

La crise politique en Arménie s'est approfondie avec l'appel de l'opposant Nikol Pachinian à bloquer tous les moyens de transport du pays, en réaction au rejet mardi par le Parlement de sa candidature au poste de Premier ministre.

Le parti au pouvoir a voté contre lui, et sur les 100 députés ayant participé au scrutin, 55 se sont exprimés contre et 45 pour la candidature du chef de la contestation antigouvernementale.

"Monsieur Pachinian, je ne vous vois pas au poste de Premier ministre, je ne vous vois pas comme commandant en chef", a martelé Édouard Charmazanov, porte-parole du Parti républicain, majoritaire, et vice-président du Parlement.

Après le vote, Nikol Pachinian s'est rendu sur la place de la République, au centre d'Erevan, où étaient rassemblés plusieurs dizaines de milliers de ses partisans.

"Demain à partir de 8h15 (4h15 GMT), toutes les autoroutes seront bloquées, un blocage total est annoncé, les aéroports et les chemins de fer seront bloqués", a-t-il lancé devant les manifestants, les appelant à "la désobéissance civile".

Il avait plus tôt promis un "tsunami politique" si le Parti républicain "volait la victoire du peuple".

Le Parti républicain dispose de la majorité au Parlement où les députés se sont réunis mardi en session extraordinaire de 08H00 à 17H00 GMT pour élire un nouveau Premier ministre.

L'opposant, qui avait besoin de 53 voix pour être élu, a subi la défection de deux députés au sein des trois groupes parlementaires qui le soutenaient et devaient lui assurer 47 voix.

"Imprévisible"

Avant le vote, plusieurs députés du Parti républicain ont dénoncé le manque de cohérence du programme politique de l'opposant.

"Nous devons choisir une personne qui n'est pas imprévisible (...) On ne peut pas être un peu socialiste et un peu libéral", a encore lancé Édouard Charmazanov.

Sur la place de la République, les manifestants ont suivi toute la journée les débats parlementaires retransmis sur écrans géants. "La lutte va continuer, elle va devenir quatre fois plus forte, et peut-être que ce sera le chaos à Erevan", prévient Karine Melkoumian, une manifestante.

A côté d'elle, Anaït Tolmassian, 63 ans, retraitée, ajoute: "Nous ne demandons qu'une seule chose, que le Parti républicain s'en aille. C'est Nikol Pachinian le vrai dirigeant du peuple arménien".

Depuis le 13 avril, l'Arménie est plongée dans une crise politique sans précédent: des manifestations de plusieurs dizaines de milliers d'opposants ont provoqué le 23 avril la démission de Serge Sarkissian, qui venait d'être élu Premier ministre six jours auparavant par les députés, après avoir été le chef de l'Etat pendant dix ans.

Souvent habillé en treillis, connu pour son franc-parler, Nikol Pachinian a été dès les premiers jours le chef de la fronde contre le gouvernement.

Meneur de la contestation

Dès l'annonce de sa candidature au poste de Premier ministre, il a multiplié les démonstrations de force, en réunissant presque quotidiennement ses partisans sur la place de la République, noire de monde.

Mardi soir, il a appelé les Arméniens à manifester de nouveau mercredi à 15 heures GMT sur la même place. "La révolution de l'amour et de la tolérance continue", a-t-il déclaré.

L'homme n'est "pas un nouveau venu dans la politique arménienne", a-t-il rappelé lundi dans des déclarations à l'AFP.

Beaucoup d'Arméniens ont en mémoire la mort de 10 manifestants en 2008 dans des affrontements entre ses partisans et la police, alors que Serge Sarkissian venait de remporter son premier mandat présidentiel.

M. Pachinian faisait alors déjà partie des meneurs de la contestation et il était passé dans la clandestinité pendant plusieurs mois avant de se rendre. Incarcéré, il avait été libéré en 2011, bénéficiant d'une amnistie.

Son rôle de meneur au cours des dernières semaines de manifestations l'a transformé en "héros" aux yeux de nombreux Arméniens, assure l'expert indépendant Ervand Bozoïan.

"Depuis les années 1990, les gens n'espéraient plus de changement dans ce pays. Maintenant, ils voient que c'est possible. Les gens sont surpris", souligne-t-il.

Président de l'Arménie de 2008 à 2018, Serge Sarkissian, 63 ans, et son Parti républicain sont critiqués par les partisans de M. Pachinian pour n'avoir pas su faire reculer la pauvreté et la corruption, et avoir laissé aux oligarques le contrôle de l'économie de ce pays de 2,9 millions d'habitants.

La Russie, qui voit d'un très mauvais oeil toute contestation populaire susceptible d'amener au pouvoir dans une république d'ex-URSS des dirigeants hostiles au Kremlin, comme cela a été le cas en Géorgie et en Ukraine, a adopté une attitude neutre face à la crise en Arménie.

Après avoir souligné pendant plusieurs jours qu'il s'agissait d'une affaire intérieure arménienne, la Russie a joué les médiateurs: Vladimir Poutine a appelé le Premier ministre par intérim Karen Karapetian et plusieurs contacts ont eu lieu entre les autorités russes, des représentants du pouvoir arménien et Nikol Pachinian.

Avec AFP

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