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Abdoulrazak Alfaga, du Taekwondo en cachette au Niger à la lumière des Jeux olympiques


Le Nigérien Issoufou Alfaga Abdoulrazak lors d'un combat pendant les Jeux Olympiques, le 20 août 2016.
Le Nigérien Issoufou Alfaga Abdoulrazak lors d'un combat pendant les Jeux Olympiques, le 20 août 2016.

Champion du monde et vice-champion olympique, le taekwondoïste Abdoulrazak Alfaga est devenu à 26 ans une idole au Niger après avoir pratiqué son sport en cachette. Il vise l'or l'été prochain à Tokyo pour devenir le premier champion olympique de son pays, un des plus pauvres du monde.

"Quand je gagnais des médailles, je les cachais pour ne pas que ma mère les voit", se souvient avec émotion Alfaga, du haut de ses 2,07 m pour 98 kg.

Jusqu'à l'âge de 16 ans, il a dû en effet braver l'interdiction de ses parents de pratiquer le taekwondo, un art martial d'origine sud-coréenne à base de coups de pied et de poing.

C'est d'abord son père qui lui interdit de pratiquer ce sport en apprenant la mort d'un cousin, victime d'un accident cardiaque après un entraînement, mais Alfaga renoue avec le taekwondo au Bénin où il séjourne chez un oncle.

"J'emmenais ses enfants au taekwondo. Comme je me battais souvent dans la rue, il a trouvé mieux que j'en fasse aussi, mais à condition que ça reste secret", sourit-il.

De retour au Niger, il doit faire face à l'opposition de sa mère.

"Elle me confisquait les doboks (la tenue blanche, ndlr), je les rachetais en cachette avec mon argent", se souvient le taekwondoïste.

En 2011, "elle a appris que j'étais sélectionné pour l'équipe nationale. Un cousin a plaidé ma cause. Et elle a dit +OK, mais tu n'as pas le droit à l'erreur+", poursuit-il.

"Quand j'ai remporté la médaille d'argent à Rio, j'ai pensé à mes parents", décédés quand il avait 12 ans pour son père et quand il en avait 17 pour sa mère. "Ils m'ont toujours fait confiance et dit que je réussirai dans la vie".

- 1,78 m à 13 ans -

Mesurant déjà 1,78 m à l'âge de 13 ans, Alfaga survole les compétitions de jeunes. Il perce sur la scène internationale à partir de 2012 et remporte l'or aux Jeux africains 2015.

Ses performances lui valent le soutien de l'Etat nigérien qui finance son entraînement à Friedrichschafen, dans le sud de l'Allemagne.

Visant initialement les Jeux olympiques 2020 de Tokyo, il brûle les étapes et décroche son billet pour les JO-2016 en battant au tournoi de qualification son idole, le Malien Modibo Keita, champion du monde 2007 et 2009.

"Depuis 2012, je lui envoyais régulièrement des messages disant +je veux être comme toi+. Il me répondait +ta taille est une chance, mais il faut plus que ça! Travaille! Travaille! Travaille!+. Il a montré la voie. Aujourd'hui, il m'encourage encore", assure Alfaga.

A Rio, dans le tournoi des plus de 80 kg, après avoir battu le Français M'Bar N'Diaye et le Brésilien Maicon Siqueira, il créé la surprise en demi-finale en battant le N.1 mondial ouzbek Dmitry Shokin, mais il échoue en finale face à l'Azerbaïdjanais Radik Isayev.

"Je me suis déconcentré. J'étais heureux d'avoir gagné la médaille. Une erreur, j'étais jeune", se justifie Abdoulrazak, qui a offert à son pays la deuxième médaille olympique de son histoire, 50 ans après le bronze remporté par le boxeur Issaka Daboré aux JO-1972 de Munich.

- Accueil triomphal -

Il est accueilli en héros à Niamey par des milliers de personnes, dont le président Mahamadou Issoufou.

"Je veux remporter l'or à Tokyo pour le peuple nigérien. Je me sacrifie, je m'entraîne trois fois par jour. Il y a un proverbe ici qui dit +souffre quand tu es jeune, sinon tu vas souffrir quand tu es vieux+", résume-t-il.

En 2017, il confirme en devenant champion du monde en Corée du Sud, la patrie du taekwondo.

"Il est grand, mais ce qui fait qu'il est le meilleur, c'est qu'il s'entraine beaucoup", affirme son compatriote Ismael Yacouba, également pensionnaire du centre d'entraînement allemand de Friedrichschafen.

De passage à Niamey fin 2020, Alfaga veut voir son pays devenir une puissance mondiale du taekwondo.

Il explique la réussite en taekwondo des pays africains, comme le Mali, la Côte d'Ivoire du champion olympique 2016 Cheick Cissé, et le Gabon, par des causes sociales.

"En Afrique, on se bagarre dans la rue. Il faut être le plus fort. Même chez les enfants, tout est permis. Mais je dis aux jeunes qu'il faut se battre sur le tatami et non dans la rue", dit-il lors d'une visite à l'une des écoles de taekwondo qui ont fleuri dans le pays.

Une cinquantaine d'enfants s'entraînent avec Tommy Gouzaye, qui a arbitré de nombreux combats d'Alfaga dans sa jeunesse. "Quand je lui parlais, il se baissait pour ne pas me dépasser: respect et discipline, les clés de sa réussite", raconte-t-il aux enfants ravis de faire des exercices avec la star.

"C'est +Alfa+, le grand combattant, affirme Harouna Bihl, 8 ans. Je voudrais gagner comme lui".

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