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Dans le quartier de Freddie Gray à Baltimore, rien n'a changé


Cette fresque de Freddie Gray avec le slogan "le pouvoir du peuple" est une relique des manifestations qui ont secoué Baltimore, montrant que les habitants peuvent se faire entendre, le 6 mai 2016. (VOA/ Nastasia Peteuil)
Cette fresque de Freddie Gray avec le slogan "le pouvoir du peuple" est une relique des manifestations qui ont secoué Baltimore, montrant que les habitants peuvent se faire entendre, le 6 mai 2016. (VOA/ Nastasia Peteuil)

Un an après la mort de Freddie Gray, un jeune Noir américain décédé lors d'une arrestation violente, son quartier où vit encore sa famille a toujours les mêmes problèmes. Reportage de VOA Afrique à Baltimore.

Sur la Nord Fulton Avenue, les maisons abandonnées se suivent et se ressemblent. En continuant sur près d’un kilomètre sur cette même artère désertée, Sandtown impressionne avec ces bâtiments identiques sur plusieurs centaines de mètres.

Ce quartier est maintenant connu pour être celui de Freddie Gray, un jeune homme noir de 19 ans tué lors de son arrestation par la police de Baltimore. Cet événement avait déclenché de violentes manifestations dans les rues de Baltimore.

Sandtown, situé dans le West Baltimore, est une ville dans la ville. A plusieurs kilomètres du port et ses festivités organisées par la mairie pour attirer les touristes, le quartier est laissé à l’abandon.

N’imaginez pas faire vos courses au supermarché du coin ou aller au cinéma pour passer le temps. Les résidents de Gilmor Homes, là où vivait Freddie Gray, n’ont pas ces possibilités.

Dans le quartier, seul les liquor stores, ces magasins qui vendent surtout de l’alcool, sont encore debout, leurs vendeurs protégés derrière des grilles de sécurité. L'unique magasin qui résiste, ReStore, vend des matériaux d’occasion et des décorations d'intérieur aux croisements de Nord Fulton Avenue et Laurens Street. C'est le seul endroit du quartier où l'on peut acheter un canapé pour son salon ou des machines à laver bon marché.

Les problèmes du quartier persistent​

“Ce qui a changé ici ? Mais rien n’a changé à Sandtown”, lance le manager des lieux, Mark Lange, habitué à venir dans le quartier depuis une dizaine d’années. “Si, je vais vous dire ce qui a changé : l’autre jour, deux femmes se battaient avec des battes de baseball, et les flics sont intervenus. Ils étaient au moins une soixantaine pour quadriller les lieux”, raconte-t-il, en exagérant sur le nombre pour montrer son étonnement face à la mobilisation policière pour une altercation sans armes à feu.

Ce qui est certain, c’est que les habitants ont le sentiment de n’avoir pas reçu les fonds débloqués pour le quartier, contrairement au commissariat de police.

Pour Mark Lange, bénévole pour Habitat for Humanity, les mêmes problèmes sont toujours là, avec “le manque d’opportunités” et le “manque d’emplois”. Le quartier reste bloqué dans une pauvreté extrême. Ici, le taux de chômage dépasse les 20%, un chiffre bien plus haut que la moyenne nationale pour les Afro-Américains (8,8%), lui-même supérieur à la moyenne nationale américaine (5,5%).

“Beaucoup d’habitants sont des anciens condamnés, et le problème, c’est que personne n’emploie d’anciens condamnés...”, souligne le manager de ReStore. Il y a quelques années, Mark Lange a finalement réussi à convaincre Habitat for Humanity d’embaucher des résidents de Sandtown, même si ce sont des repris de justice. C’est le cas de Glay, qui assure la sécurité du magasin.

Mark Lange est fier d'être membre de cette organisation qui a énormément reconstruit. Un nouveau centre New Song Center accueille les enfants après l’école pour leur proposer des activités. L’organisation a également construit près de 300 logements sociaux, prêts à être habités.

Et les autres organisations ? “Celles qui sont venues après les protestations, ce sont celles qui ont senti qu'il y avait de l’argent à se faire”, confie-t-il.

Mark Lange est manager du magasin Restore depuis 2013, mais intervient régulièrement dans le quartier depuis une dizaine d'années avec son église.
Mark Lange est manager du magasin Restore depuis 2013, mais intervient régulièrement dans le quartier depuis une dizaine d'années avec son église.

Les organisations afro-américaines​ agissent depuis des anné​es

Dayvon Love est l’un des cofondateurs de “Leader of a beautiful struggle” à Baltimore. Cet enfant de West Baltimore se sent particulièrement touché par ce qui est arrivé à Freddie Gray.

Son organisation intervient à Sandtown depuis 2010. “Nous nous concentrons sur les communautés, et surtout sur la jeunesse en proposant des activités extra-scolaires pour forger les esprits aux débats politiques, mais on intervient également auprès d’Annapolis (la capitale administrative du Maryland ndlr) pour lutter contre le racisme institutionnel ”, explique Dayvon Love.

Après avoir protesté dans les rues, l’organisation a demandé à ce que des fonds soient débloqués pour aider le développement du quartier, “mais l’argent n’a jamais atteint les communautés” reproche l'activiste.

Dayvon Love, militant et cofondateur de Leaders of a beautiful struggle à Baltimore.
Dayvon Love, militant et cofondateur de Leaders of a beautiful struggle à Baltimore.

“Madame la maire est concentrée sur les intérêts des entreprises privées” dans le centre-ville et sur le port, ce qui maintient la paupérisation des quartiers comme West Baltimore.

Le seul changement notable, “ce sont les invitations reçues de la part de la mairie lors des débats sur les communautés”, qui, pour Dayvon Love, n’est “qu’une utilisation de nos noms et de ce que nous représentons, ce qui sert à la bonne image de la mairie avec cette participation symbolique”.

A Sandtown, la défiance envers les policiers n'a fait que s'amplifier. Sur Instagram par exemple, @joe_citizen_hoe publie tous les jours des vidéos d'interventions policières à Baltimore et ailleurs aux Etats-Unis, une manière de garder un oeil sur le comportement des forces de l'ordre avec les Afro-américains, comme le montre cette vidéo avec une arrestation muclée d'un jeune homme noir.

Nastasia Peteuil, envoyée spéciale à Baltimore pour VOA Afrique

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