Syrie : Washington et Paris mettent en garde Damas et ses alliés

John Kerry et Jean-Marc Ayrault, le 13 mars 2016 à Paris. (Gonzalo Fuentes/Pool Photo via AP)

"Toutes les parties doivent respecter la cessation des hostilités, coopérer dans la livraison d'aide humanitaire, et respecter le processus de négociations visant à parvenir à une transition politique", a dit John Kerry dimanche.

Washington et Paris ont réclamé dimanche de "vraies" négociations sur une transition politique en Syrie, et ont rejeté la "ligne rouge" de Damas sur le sort du président Assad, à la veille de nouvelles discussions à Genève de l'ONU avec le régime et l'opposition.

Européens et Américains, qui étaient réunis dimanche à Paris, ont également insisté sur le respect du cessez-le-feu et l'acheminement de l'aide humanitaire pour garantir des négociations "crédibles", alors que la guerre, qui a fait plus de 270.000 morts et des millions de réfugiés, va entrer dans sa sixième année.

"Toutes les parties doivent respecter la cessation des hostilités, coopérer dans la livraison d'aide humanitaire, et respecter le processus de négociations visant à parvenir à une transition politique. Si le régime et ses alliés pensent qu'ils peuvent tester les limites (...) ils se trompent", a déclaré le secrétaire d'Etat américain John Kerry à l'issue d'une rencontre avec ses homologues français, allemand, britannique, italien et de l'Union européenne.

Il a également fustigé les propos tenus la veille par son homologue syrien Walid Mouallem, qui a catégoriquement exclu de discuter à Genève du sort du président Bachar al-Assad, une question qualifiée de "ligne rouge".

M. Mouallem "essaye clairement de faire dérailler le processus", a dénoncé M. Kerry, rejoint par son homologue français Jean-Marc Ayrault qui a évoqué des "provocations".

"Il y a urgence de mettre en oeuvre une vraie transition politique. C'est cela qui sera au coeur des négociations à Genève", a souligné M. Ayrault, répétant qu'un "retour au statu quo ante" devait être exclu. "Il faut que les choses changent", a-t-il dit.

Trêve et aide humanitaire

Les négociations de Genève doivent aborder pour la première fois de manière concrète l'avenir du pays, après un premier round qui avait échoué en janvier à Genève, en raison de l'intensification des raids russes et de l'aggravation de la situation humanitaire.

Ces nouvelles négociations, même si elles s'annoncent "difficiles", s'ouvrent dans une atmosphère radicalement différente.

Une trêve, initiée par les Etats-Unis et la Russie et entrée en vigueur le 27 février entre régime et rebelles en Syrie, tient bon malgré des violations, et l'ONU avec ses partenaires ont pu apporter de l'aide à près de 250.000 personnes vivant dans des zones assiégées, une assistance réclamée par l'opposition.

"Toute violation, même sporadique, de la cessation des hostilités, met en danger le processus", a souligné John Kerry, appelant une nouvelle fois les alliés russe et iranien de Damas à user de leur influence pour faire respecter la trêve.

Le négociateur en chef du régime de Damas, Bachar al-Jaafari, a débarqué dimanche matin à Genève pour cette nouvelle session de près de deux semaines au Palais des Nations de l'ONU.

Le chef de la délégation de l'opposition, le chef rebelle salafiste Mohammed Allouche, était lui présent depuis la veille en compagnie d'autres membres du Haut comité des négociations (HCN), qui rassemble les groupes clés de l'opposition.

L'émissaire spécial de l'ONU Staffan de Mistura a détaillé l'ordre du jour des discussions: un nouveau gouvernement incluant toutes les tendances, une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections législatives et présidentielle sous l'égide de l'ONU d'ici 18 mois.

Mais pour Joshua Landis, directeur des études sur le Moyen-Orient de l'Université d'Oklahoma, cet agenda "n'est pas réaliste, car (le président Bachar) al-Assad est plus fort que jamais et ne va pas quitter son poste".

Le fossé entre régime et opposition est abyssal avec en premier lieu le sort de M. Assad, dont les troupes ont enregistré de nombreux succès face aux rebelles, avec l'aide militaire de l'allié russe.

Le sort d'Assad, enjeu clé

Le HCN insiste sur la "constitution d'un corps transitoire doté de tous les pouvoirs exécutifs" et dans lequel M. Assad "n'a pas sa place".

"Nous considérons que la période de transition doit débuter avec la chute ou la mort de Bachar al-Assad", a déclaré à deux agences de presse, dont l'AFP, le chef rebelle salafiste Mohammed Allouche.

Mais pour le régime, il est hors de question de discuter de la présidentielle ou du sort d'Assad, réélu en 2014 en pleine guerre pour un nouveau septennat.

Le régime a aussi une tout autre interprétation que l'opposition sur l'autorité transitoire. Pour lui, il s'agit d'un simple remaniement ministériel avec un "gouvernement d'unité", c'est-à-dire élargi à des opposants mais toujours placé sous l'autorité de M. Assad comme le prévoit la Constitution actuelle.

Ce nouveau gouvernement, selon M. Mouallem, désignera un comité pour "rédiger une nouvelle constitution ou amender l'actuelle". Le texte sera ensuite soumis à référendum.

De nouveaux combats ont opposé dans la nuit de samedi à dimanche le Front Al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaïda), et d'autres groupes jihadistes à des rebelles dans le nord-ouest, faisant au moins six morts.

AFP