Le Royaume-Uni innove en autorisant les bébés conçus à partir de 3 ADN

Louise Brown, premier bébé-éprouvette au monde, né le 25 juillet 1978, au Oldham General Hospital de Manchester, en Angleterre.

Le Royaume-Uni est devenu le premier pays à autoriser la conception de bébés à partir de l'ADN de trois "parents", une technique à visée thérapeutique qui reste controversée, notamment pour des raisons éthiques.

L'approbation du comité d'éthique britannique était l'ultime condition avant l'utilisation en clinique de cette technique consistant à combiner les ADN de deux femmes et d'un homme pour éviter la transmission d'une maladie héréditaire maternelle.

"Nous avons pris une décision historique et mûrement réfléchie. Les familles concernées ont enfin une chance d'avoir un enfant en bonne santé", a déclaré à l'AFP Sally Cheshire, la présidente de l'Autorité de régulation de l'assistance médicale à la procréation et à la recherche en embryologie (HFEA)

"C'est un feu vert prudent", a-t-elle toutefois ajouté, alors que cette technique de fécondation in vitro avec "remplacement mitochondrial" continue à diviser.

Ses défenseurs estiment qu'elle permettra aux couples concernés, dont le nombre est estimé à 3.000 au Royaume-Uni, de donner naissance à des enfants en meilleure santé. Pour ses opposants, la technique n'est pas encore suffisamment mûre et va trop loin en matière de modification génétique en ouvrant la boîte de Pandore de la sélection des bébés.

"Je ne pense pas qu'on s'engage sur une pente glissante. Nous nous sommes appuyés sur un panel d'experts internationaux qui ont estimé la technique suffisamment sûre et efficace. Le processus a duré cinq ans. Il y a eu un grand débat public. Quatre rapports ont été publiés. Le Parlement a débattu de la question et a approuvé la technique à une majorité de trois contre un", a souligné Sally Cheshire.

Les députés britanniques ont approuvé le procédé dès février 2015. En novembre, un comité indépendant d'experts a recommandé une "adoption prudente".

"Notre conclusion est qu'il faut avancer", a rappelé le président de ce comité d'experts, le docteur Andrew Greenfield, devant la commission de l'HFEA.

Désormais validée, la technique devrait être utilisée dans un premier temps sur environ 25 couples et un premier bébé pourrait naître dès fin 2017.

"Les années suivantes, 200 couples pourraient être concernés tous les ans. Ceux venus de l'étranger sont les bienvenus", a souligné Sally Cheshire.

"Maintenant, nous avons besoin de donneurs d'ovules", a commenté le professeur Mary Herbert, de l'université de Newcastle, qui a développé la technique expérimentale.

Environ 125 bébés naissent chaque année en Grande-Bretagne avec un dysfonctionnement mitochondrial. Les mitochondries sont des petites structures à l'intérieur des cellules qui jouent un rôle de "centrale énergétique" en transformant le sucre et l'oxygène en énergie.

Tandis que l'ADN nucléaire est transmis par les deux parents, l'ADN mitochondrial (ADNmt) n'est hérité que de la mère. Certaines femmes présentent des mutations génétiques de cet ADNmt qui, si elles sont transmises à leurs enfants, peuvent provoquer diverses maladies parfois incurables, comme le syndrome de Leigh.

La fécondation in vitro avec "remplacement mitochondrial" peut alors apparaître comme une solution. Leur ADN nucléaire est extrait de leurs ovules et introduit, avec le sperme du père, dans l'ovule sans noyau de la donneuse qui a un ADNmt sain.

Le futur enfant sera porteur de toutes les caractéristiques génétiques de son père et de sa mère puisque l'ADNmt représente moins d'1% de la quantité totale d'ADN contenue dans une cellule humaine. Mais le changement sera permanent et se transmettra de génération en génération, un élément au coeur des crispations.

Le premier bébé conçu grâce à cette nouvelle technique est né en avril au Mexique. Une équipe médicale internationale menée par le Dr John Zhang, du Centre New Hope Fertility à New York, avait choisi ce pays, où il n'existe aucune règle sur la question, puisque le traitement n'est pas autorisé aux Etats-Unis.

"C'est un cas encourageant mais ce n'est qu'un seul cas donc il ne faut pas s'emballer", a souligné jeudi le docteur Andrew Greenfield.

Lors des expériences en laboratoire, il est arrivé que l'ADNmt porteur des mutations refasse surface et vienne compromettre l'efficacité du traitement.

"On n'est qu'au début d'un long chemin", a admis Sally Cheshire.

Avec AFP