Pas de grande "solution européenne" à la question migratoire

Des migrants marchent après avoir traversé la frontière entre la Grèce et la Macédoine, près de la ville de Gevgelija, dans l'ex-République yougoslave de Macédoine le 12 novembre 2015. L'Europe est confrontée aux flux migratoires les plus importants depuis la Seconde Guerre mondiale.

L'UE ne trouvera pas la grande "solution européenne" à la question migratoire lors du sommet qui débute jeudi à Bruxelles, mais de nombreuses propositions sont sur la table, comme celle encore très floue de "plateformes de débarquement" hors d'Europe.

Tous les pays de l'Union font désormais bloc pour stopper les arrivées irrégulières, qui ont déjà chuté de manière spectaculaire depuis 2015. En revanche, le partage de la responsabilité des migrants sur le sol européen continue de les diviser.

- EMPÊCHER LES ARRIVEES

La lutte contre les arrivées irrégulières est devenue au fil des ans l'un des seuls consensus européens, avec notamment l'accord migratoire UE-Turquie ou le soutien aux gardes-côtes libyens.

Les pays européens devraient confirmer jeudi qu'ils sont d'accord pour poursuivre dans cette voie, et pour intensifier les pressions sur les pays d'Afrique afin qu'ils freinent les départs et acceptent plus de réadmissions de leurs ressortissants refusés par l'UE.

Les Européens semblent également prêts à poursuivre le renforcement de l'Agence européenne des gardes-frontières, dont la Commission propose de faire une "véritable police des frontières" de l'UE forte de 10.000 agents (contre 1.300 en 2018).

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Mais sur tous ces points se pose la question du financement, beaucoup moins consensuelle, comme le montrent les difficultés à mobiliser les fonds promis à la Turquie.

Pour l'Autriche, qui revendique une ligne "dure", le moyen ultime de dissuader les arrivées serait d'imposer que toute demande d'asile soit déposée en dehors de l'UE, et de refuser les autres, selon un document autrichien vu par l'AFP.

- 'DEBARQUEMENT' HORS DE l'UE

L'idée de débarquer des migrants secourus en mer dans des pays tiers a souvent été évoquée ces dernières années, mais elle est désormais à l'agenda officiel. Dans le projet de conclusions du sommet, vu par l'AFP, les dirigeants européens sont ainsi appelés à soutenir "le développement du concept de plateformes régionales de débarquement".

Le principe serait d'avoir des règles plus claires pour désigner le lieu d'un débarquement et d'éviter les bras de fer entre pays européens. Et surtout d'obtenir une plus grande implication des pays d'Afrique du Nord (la Tunisie est souvent évoquée), appelés à accepter de telles "plateformes".

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Une distinction pourrait y être faite en amont entre les migrants à renvoyer vers leur pays d'origine et ceux éligibles à l'asile. Mais ce projet est encore flou, notamment sur les conditions de débarquements hors UE, qui soulèvent de vives inquiétudes sur leur compatibilité avec le droit international.

La possibilité, évoquée notamment par l'Autriche, de renvoyer systématiquement vers des pays tiers des migrants déjà arrivés dans l'UE est, elle, "clairement rejetée" par une majorité de pays, assure la Commission européenne.

- 'MOUVEMENTS SECONDAIRES'

Les "mouvements secondaires", c'est-à-dire les déplacements de demandeurs d'asile à l'intérieur de l'UE, sans attendre la fin de l'examen de leur cas dans leur pays d'arrivée, créent de fortes tensions entre Etats membres.

C'est pour y mettre fin que le ministre allemand de l'Intérieur menace d'instaurer un refoulement unilatéral aux frontières. La chancelière Angela Merkel espère de son côté nouer des accords entre plusieurs pays pour pouvoir procéder à des renvois rapides.

Une idée soutenue également par la France, tandis que le projet de conclusions du sommet appelle les Etats membres à prendre des mesures "internes" et à "coopérer étroitement entre eux" contre les "mouvements secondaires".

- 'CENTRES FERMES' DANS l'UE

Le projet n'est pas formellement à l'agenda du sommet, mais il a récemment été proposé par la France et l'Espagne. Il s'agirait de créer des "centres fermés" dans l'UE dans lesquels les migrants attendraient l'examen de leur cas.

Ces centres permettraient de traiter rapidement les demandes d'asile dans des lieux financés avec des moyens européens, d'où une répartition solidaire de ces personnes dans l'UE pourrait être organisée, plaide Paris.

Quant aux migrants économiques, ils pourraient être renvoyés directement vers leur pays d'origine.

Rome, qui a toujours refusé l'idée de centres fermés, estime qu'il faudrait lui manifester plus de soutien dans la prise en charge des migrants plutôt que d'essayer d'éviter qu'ils ne quittent l'Italie.

- REFORME DE L'ASILE ET QUOTAS

Rome demande de "dépasser" le principe du Règlement de Dublin, qui confie aux pays de première entrée dans l'UE la responsabilité des demandes d'asile, et dont la réforme est au point mort depuis plus de deux ans.

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La Commission propose qu'en période de crise, comme en 2015, une répartition des demandeurs d'asile soit prévue ponctuellement (cf. les quotas controversés instaurés entre 2015 et 2017).

Mais cette proposition est jugée insuffisante par les pays méditerranéens, qui souhaitent une répartition permanente. Et elle est rejetée catégoriqment par d'autres, comme les pays de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) soutenus par Vienne.

Ces derniers réclament au contraire de rallonger la période pendant laquelle un pays d'arrivée est considéré comme responsable d'une demande d'asile, soutenus sur ce point par l'Allemagne et la France.

Le sommet à Bruxelles devait initialement trouver un compromis sur ces questions, mais cette perspective a été abandonnée, faute de terrain d'entente.

L'Autriche, qui prend la présidence tournante de l'UE le 1er juillet, "est invitée à poursuivre le travail", est-il simplement écrit dans le projet de conclusions du sommet.

Avec AFP