Mali : le chef de la Mission de l'ONU sur tous les fronts pour traduire la paix en actes

Un poste de police à Gao, au Mali, le 11 août 2015. (REUTERS/Emma Farge)

"Le représentant spécial est aussi volontariste que lucide" sur la difficulté d'appliquer l'accord de paix signé en mai-juin 2015, selon une source française.

Il a accompagné le rapatriement des corps de Casques bleus tués, une semaine après sa première tournée dans le nord du pays : le nouveau représentant de l'ONU au Mali tente d'accélérer un processus de paix poussif face à des jihadistes qui ont pris plusieurs longueurs d'avance.

De retour de l'acheminement à Conakry, mercredi, des corps de sept Casques bleus guinéens tués le 12 février à Kidal, dans le nord-est du Mali, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, nouveau représentant spécial du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, a rencontré vendredi à Bamako le chef du gouvernement français Manuel Valls et son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

M. Annadif doit se rendre dans les prochains jours au Burkina Faso et au Tchad, deux des principaux contributeurs de troupes à la Mission de l'ONU au Mali (Minusma).

La Minusma, déployée depuis juillet 2013, est la mission de maintien de la paix de l'ONU la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie en 1993-1995.

"Le représentant spécial est aussi volontariste que lucide" sur la difficulté d'appliquer l'accord de paix signé en mai-juin 2015 par le camp gouvernemental et l'ex-rébellion à dominante touareg, a indiqué vendredi une source diplomatique française à l'AFP.

Dès son entrée en lice, lors d'une réunion à Alger entre protagonistes de la crise malienne quelques jours après sa prise de fonctions le 15 janvier, Mahamat Saleh Annadif a "créé la surprise", se souvient Moussa Cissé, consultant pour le gouvernement malien sur les questions du Nord.

"Son style tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il est diplomate, mais il est aussi très direct quand il le faut", indique M. Cissé, confirmant l'impression positive éprouvée par plusieurs acteurs de la crise malienne interrogés par l'AFP.

"Il faut vous attendre à voir un homme de terrain, d'action, pas de coups d'éclat, un homme décidé à faire bouger les lignes", assure un de ses proches.

"C'est effectivement un nouveau style. Il est aussi à l'aise en costume qu'en boubou traditionnel", remarque le sociologue malien Mamadou Samaké.

"Il veut rapidement obtenir des résultats, et il a compris qu'il ne doit pas utiliser seulement la langue de bois des diplomates", estime M. Samaké. "Aux groupes armés et au gouvernement, il dit les choses clairement, c'est probablement pourquoi il est apprécié des deux côtés".

Retards en série

Interrogé sur le meilleur moyen de lutter contre les jihadistes qui s'enhardissent, M. Annadif répond inlassablement qu'il faut "aller vite dans l'application de l'accord".

Car les retards s'accumulent dans la mise en oeuvre de cet accord obtenu au forceps par la communauté internationale, destiné à isoler les jihadistes et les priver de sanctuaire dans cette partie du Sahel.

Huit mois après la signature, seuls trois des 24 sites de cantonnement destinés à accueillir les combattants des groupes armés dans le cadre de la refonte de l'armée malienne sont prêts et ils sont toujours vides.

Quant aux patrouilles mixtes combinant forces de sécurité maliennes, groupes armés pro-gouvernementaux et de l'ex-rébellion, censées intervenir dans les deux mois suivant l'accord, une seule a eu lieu, en novembre.

Des retards encore plus importants ont été enregistrés dans les mesures de décentralisation prévues, le retour des réfugiés ou le redéploiement de l'administration malienne sur tout le territoire national.

Malgré la difficulté de la tâche, le diplomate tchadien, qui a dirigé la mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom) de 2012 à 2014, affirme vouloir rendre irréversible le processus de paix au Mali.

Il compte pour y parvenir "encourager" des rencontres "intercommunautaires" sur le terrain pour que "les populations se parlent", a-t-il indiqué, mettant ainsi le doigt sur une autre réalité d'un nord du Mali profondément fragmenté : la question tribale.

A cet égard, la crainte commune qu'inspirent les jihadistes à l'ex-rébellion de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) comme aux groupes pro-gouvernementaux pourrait favoriser une dissociation définitive entre groupes signataires de l'accord de paix et islamistes, en supprimant les passerelles existant entre les uns et les autres.

Le Touareg Iyad Ag Ghaly, chef du groupe jihadiste Ansar Dine et ses alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont publiquement menacé les signataires de l'accord, avant de passer à l'acte.

Fin décembre, une attaque contre la CMA dans la région de Kidal a fait au moins six morts. Ansar Dine l'avait revendiquée, disant avoir frappé "des traîtres à la solde de la France".

AFP